Recrutement des enseignants : L’Éducation revoit sa copie sur le PGCE

Le Cabinet accorde un moratoire de trois ans avant de rendre le PGCE obligatoire comme critère de recrutement

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Les enseignants recrutés avec leurs diplômes universitaires auront toutefois une licence temporaire, en attendant qu’ils complètent leur formation pédagogique

Pour faire face au manque d’enseignants créé par la décision d’imposer le Post Graduate Certificate in Education (PGCE) comme critère de recrutement dans le secondaire, le ministère de l’Éducation est revenu sur sa décision. Le conseil des ministres a ainsi donné son accord pour une période moratoire de trois ans avant que ce critère ne devienne obligatoire. Les Degree Holders recrutés devront toutefois s’engager pour l’obtention du PGCE auprès du Mauritius Institute of Education (MIE).

Trois mois après avoir avalisé un amendement à l’Education Act, visant à rendre le PGCE obligatoire pour le recrutement des enseignants du secondaire, le même cabinet a cette fois amendé cet amendement, pour inclure un moratoire de trois ans… Une volte-face qui témoigne du cafouillage qui prévaut dans le secteur de l’éducation, où les décisions prises de manière unilatérale, sans consultation avec les différents partenaires, finissent par créer le chaos…

Les collèges privés et confessionnels ont été les premiers affectés par cette mesure, car pour le secteur public, il fallait attendre l’exercice de recrutement, qui se fait d’ailleurs toujours attendre. Entre-temps, la Public Service Commission (PSC) avait légiféré pour le recrutement des Supply Teachers, en acceptant les Degree Holders, sans PGCE, afin de ne pas pénaliser les étudiants

Quid des collèges privés et confessionnels ? Car la Private Secondary Education Authority n’a pas tardé à appliquer le nouveau règlement à la lettre. La vitesse même avec laquelle l’amendement adopté par le cabinet le 18 novembre 2022 dernier est entré en vigueur, soit le 21 décembre 2022, démontre que le but était d’agir avant le recrutement pour la rentrée 2023.

Conséquence :  de nombreux collèges privés et confessionnels n’ont pu recruter le personnel nécessaire, car les diplômés universitaires avec un PGCE ne courent pas les rues. Pour la bonne et simple raison que, dans la pratique, le MIE organise  cette formation à l’intention des enseignants déjà dans le service. C’est sans doute pour cette même raison que la PSC n’a pas encore lancé l’exercice de recrutement pour le secondaire public.

Toujours est-il que la décision du ministère de l’Éducation, à travers le conseil des ministres, d’accorder un moratoire de trois ans, est bien accueillie par l’ensemble des partenaires. Ainsi, les collèges pourront, jusqu’en 2026, recruter des Degree Holders, à condition que ceux-ci soient aussi engagés dans un cours en vue d’obtenir un PGCE, auprès du MIE.

Il faut aussi savoir que le PGCE était une recommandation du Pay Research Bureau (PRB) depuis 2008. À plusieurs reprises, les représentants du ministère de l’Éducation, dans les consultations au PRB, ont fait valoir qu’il y avait un « shortage of graduates holding a PGCE » pour justifier la décision de renvoyer l’application de cette décision.

Toutefois, 12 ans après, cette recommandation a été ratifiée par le conseil des ministres, sans que les différents partenaires ne soient mis au courant. Ce qui a pris tout le monde de court et provoqué un terrible cafouillage dans le secondaire en ce premier trimestre 2023.

Réagissant à ce développement, Mike Phanjoo, manager du collège BPS de Beau-Bassin et vice-président de la Roman Catholic Secondary Schools Union, se dit satisfait. « Cette décision du conseil des ministres apporte un grand soulagement pour nous et pour nos élèves. Cette période moratoire nous permettra de recruter des enseignants, car la situation était très compliquée », fait-il comprendre.

Il ajoute qu’avec le manque d’enseignants, non seulement les étudiants étaient pénalisés, mais ceux qui étaient en service également, ne pouvaient aller en congé. « Comment dire à quelqu’un que je ne pourrai lui accorder un congé pour son mariage ou à un autre qu’il ne pourra prendre son Vacation Leave parce qu’il n’y a pas de remplaçant ? » se demande-t-il.

Mike Phanjoo confie que Martine Feillafé, la rectrice du collège BPS, et lui-même, avaient récemment rencontré Shiv Luchoomun, le directeur la PSEA, pour discuter de cette situation. Il avait donné l’assurance qu’une période moratoire allait être accordée. Il souhaite maintenant que le MIE suive, en offrant autant de cours nécessaires, afin de permettre d’avoir un pool d’enseignants détenteurs de PGCE à la fin du moratoire.

À part le PGCE, le PRB avait également recommandé que le MIE devait, à partir de 2010, accorder une Teachers’ Licence à ceux qui seront recrutés dans le secondaire privé. Or, à ce jour, c’est toujours la PSEA qui accorde la Teachers’ Licence. Les conditions pour celle-ci ont également été revues et sont dorénavant d’une durée d’un an renouvelable.

Le conseil des ministres a décidé que les Degree Holders recrutés comme enseignants, auront un statut temporaire, en attendant qu’ils complètent leur PGCE. Cela veut-il dire que la PSEA devra revoir les conditions de la Teaching Licence afin que les nouvelles recrues aient un statut permanent ?

Nouvelle affaire à suivre.

 

REACTIONS

Arvind Bhojun (UPSEE) :

« Le problème reste entier »

« Nous accueillons favorablement la décision du Conseil des ministres pour un moratoire. Toutefois, le problème reste entier si le MIE ne donne pas les cours nécessaires. À titre d’exemple, il y a un groupe qui s’est inscrit pour le PGCE en Computer Studies la semaine dernière, puis, finalement, le MIE a fait savoir que le cours n’aurait pas lieu. Je lance également un appel pour que ceux ayant de l’expérience et qui ont déjà travaillé comme enseignants du secondaire soient aussi considérés, en attendant qu’ils décrochent leur PGCE. Il faut trouver une solution pour eux également.

D’autre part, le règlement parle d’un PGCE ou d’une alternative acceptable par la Higher Education Commission (HEC). Toutefois, nous ne savons pas qu’est-ce qui est accepté comme alternative. À titre d’exemple, je suis parti au HEC pour me renseigner si un Master in Education (MEd) était acceptable, mais personne n’était en mesure de le confirmer. À mon avis, si on engage le HEC dans quelque chose, il faut leur donner les informations nécessaires. Il est important pour nous de le savoir, car ceux qui détiennent un MEd ne savent pas s’ils doivent s’enregistrer pour le PGCE. À mon avis, il y aura encore des problèmes, car les autorités n’ont pas jugé nécessaire de discuter avec les partenaires pour voir quelles sont les implications de cette décision dans la pratique. »

 

Vikash Ramdonee (UDRRU) :

« Le PGCE est très important pour un enseignant »

« Jusqu’ici, ce problème de PGCE concernait surtout les collèges privés et confessionnels. Un petit Survey nous a permis de constater que 90% des enseignants des collèges d’État ont déjà ce diplôme. Notre syndicat est en faveur de l’obligation d’un PGCE pour les enseignants. Car si la formation universitaire nous forme sur la matière à enseigner, le PGCE nous forme sur la pédagogie et la psychologie de l’enfant. C’est un aspect qui est devenu d’autant plus important depuis la pandémie de Covid-19.

Les autorités ont accordé un moratoire de trois ans, je crois que cela donne amplement le temps à tout le monde de prendre ses dispositions. Il faut maintenant que le MIE offre les cours nécessaires. J’irai plus loin en disant que les cours du MIE devront s’adapter aux réalités du métier. On ne peut plus continuer avec cette pratique où des personnes qui n’ont aucune expérience de l’enseignement viennent former les enseignants. Il faut une révision à tous les niveaux.

De plus, un jeune qui fait son PGCE avant d’entrer dans le service témoigne également de son intérêt pour ce métier. Trop souvent, des gens sont devenus enseignants parce qu’ils n’avaient rien d’autre à faire, ou par sécurité. Avec le PGCE, qui est une formation obligatoire, on sera en mesure de déterminer s’ils sont vraiment motivés. Combien de mal a été fait à nos enfants parce que les enseignants n’avaient pas la formation appropriée ou parce qu’ils n’avaient pas la vocation ?

Je suis aussi d’avis qu’il faut une autorité pour évaluer le changement apporté dans l’éducation, l’impact sur nos enfants, après la formation de PGCE. Cette formation devrait avoir pour but d’améliorer la qualité de l’éducation, et non pas un simple passeport pour obtenir un poste. »

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