La Cour suprême, composée des juges Véronique Kwok Yin Siong Yen et Sulakshna Beekarry-Sunassee, a annulé une décision de l’Environment and Land Use Appeal Tribunal (ELUAT) donnant gain de cause à la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill, dans un jugement rendu mercredi. Les juges ont ordonné que la municipalité revoie sa décision. Pour eux, il y a un “innate bias” de la municipalité contre ces travailleurs.
La municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill avait refusé d’octroyer un Building and Land Use Permit à un entrepreneur, Andrew Tsin Sa Ah-Vi. Ce dernier voulait aménager un dortoir à l’intention de 62 travailleurs népalais. Selon la municipalité dans sa Notice of Refusal, des objections avaient été soulevées par les résidents du quartier, et « the character of the area is sure to change with the presence of persons who are not “home makers” who will have no attachment to the neighbourhoods ».
Andrew Tsin Sa Ah-Vi avait interjeté appel devant l’Environment and Land Use Appeal Tribunal (ELUAT). Pour lui, la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill avait agi de façon discriminatoire. Sa décision était à l’encontre de la politique du gouvernement de protéger les droits des travailleurs étrangers à Maurice. Il avait aussi maintenu que cette décision contrait les efforts d’entrepreneurs comme lui pour offrir de bonnes conditions de vie et de travail aux travailleurs étrangers à Maurice.
Un représentant de la municipalité avait été entendu devant l’ELUAT. Il avait mis en avant les appréhensions de sept personnes, apparemment des résidents du quartier, selon lesquelles il y pourrait y avoir des problèmes de sécurité, la possibilité de vols, une nuisance sonore et des Compatibility Issues. L’ELUAT avait retenu dans sa décision que ces objections devaient être prises en considération et donné gain de cause à la municipalité.
Andrew Tsin Ah Vi avait alors interjeté appel en Cour suprême. Il avait accusé l’ELUAT d’avoir, entre autres, basé sa décision sur des points qui sont « incongruous, subjective and/or culturally and socially sensitive », décision qui, selon lui, pourrait entraver toute autorité d’agir de manière objective et juste dans une société multiculturelle.
La Cour suprême a d’emblée considéré que parmi les sept résidents qui avaient soulevé des objections, quatre n’ont pu être retracés par la municipalité. Et que pour les trois autres, on n’avait pu établir s’ils habitaient vraiment dans les parages du futur dortoir. La cour a ainsi retenu que trop d’importance avait été accordée à ces objections. De ce fait, les objections en question selon lesquelles les travailleurs népalais pouvaient mettre en danger la sécurité des résidents ou qu’ils pouvaient se livrer à des agissements antisociaux ou encore qu’ils pouvaient se montrer trop bruyants n’étaient que des appréhensions qui n’ont pas étayées par des preuves.
Les juges ont aussi retenu que : « It is clear that the respondent formed the view that those workers were likely to steal, make noise and disrupt the peace of a residential locality based on what can only be apprehensions or innate bias ».
Cela d’autant plus que le représentant de la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill n’avait fait ressortir devant l’ELUAT qu’en dernier lieu, comme une arrière-pensée, que même si c’étaient des travailleurs mauriciens, le résultat aurait été le même, et qu’il s’agissait en fait de la taille de la maison qui avait motivé le refus de la municipalité.
Les juges ont aussi retenu que l’ELUAT lui-même n’a pas été immunisé contre ce type de raisonnement discriminatoire, vu que cette instance avait parlé de possibilités de conflit dans le voisinage « due to cultural differences and sensibilities ». Or, selon la Cour suprême, cela a été une approche incorrecte du tribunal qui s’était ainsi basé sur des appréhensions, d’autant plus que cette instance avait elle-même retenu au début de son raisonnement qu’elle n’avait pas la juridiction nécessaire de considérer de tels points.
De ce fait, la décision de l’ELUAT a été annulée. L’affaire a été renvoyée devant la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill pour une nouvelle décision à la lumière du jugement.

