Du haut de ses 12 ans, Kylian Razaze surprend son entourage. Passionné d’art, comédien, slameur, il est champion de la ligue nationale de slam et champion de slam francophonie. Le naufrage du Wakashio l’ayant inspiré, il a décidé d’écrire une histoire autour de « Bann Lavantir Kiki ». Il prône l’importance de protéger l’environnement, la solidarité, la collaboration, notamment la façon dont une communauté peut combattre des catastrophes.
Originaire de Bambous et fréquentant le collège d’État Mahatma Gandhi de Solférino, Kylian Razaze est polyvalent. C’est un passionné d’art sous toutes ses formes : manga, histoire, poème, il s’en délecte. Pour lui, l’art n’a pas de frontière, car il pratique aussi la danse du kathak tout en jouant du piano au conservatoire de musique. Mais sa plus grande passion reste la lecture. D’où la parution de son livre Bann Lavantir Kiki ek so bann kamarad dan Mision Sov Nou Lagon qui paraîtra dans le même recueil en trois langues : kreol morisien, français et anglais.
« À Maurice, nous parlons plusieurs langues et il me semblait important de célébrer notre langue maternelle tout en rendant l’histoire accessible aux élèves et aux étrangers. L’idée de ce livre est née d’un appel à projets lancé par Greenpeace sur la protection des océans. Ma marraine, Aurélie Hector, m’a alors proposé d’écrire une histoire. C’est ainsi que j’ai raconté comment, après le naufrage du Wakashio, j’ai coupé mes cheveux pour participer, à ma manière, à la protection de l’océan », confie l’adolescent.
La leçon de vie qu’il retient de l’épisode du Wakashio est qu’il y a toujours une conséquence à nos actions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. « Le naufrage a eu de graves conséquences sur notre faune et flore et cinq ans après, la mer n’est pas tout à fait guérie et les mangroves en souffrent toujours. Ce désastre a cependant un côté positif qui est de réunir notre pays. Et ensemble, avec tous les Mauriciens, on a pu éviter que la catastrophe écologique devienne pire. Qu’on soit petit ou grand, chaque petit geste compte. Même si à l’époque, je n’étais qu’un enfant et que je ne pouvais pas enlever l’hydrocarbure comme mon papa, j’ai pu donner mes cheveux. »
Pour ses dessins, Kylian dit s’être inspiré des membres de sa famille, de la mer, des animaux aquatiques. De là, son histoire a pris forme. Revenant sur l’épisode du Wakashio qui l’a marqué, il raconte qu’étant encore enfant, il ne pouvait aider le groupe de Mauriciens qui s’étaient ralliés à cette cause. Il a alors écouté les conseils de ses parents. « Ils m’ont proposé de donner mes cheveux pour fabriquer des boudins absorbants, j’ai accepté sans hésiter. J’ai compris que même en étant enfant, on peut agir et être responsable. »
À 12 ans, Kylian s’est aussi trouvé d’autres centres d’intérêt à travers l’écriture, son autre passion qu’il a découverte lors du confinement. De là, il s’est mis au slam, encouragé, dit-il, par sa mère Sandrine. Il se décide à participer à des concours en ligne. En 2021, lors d’une soirée de poésie organisée par le Centre Nelson Mandela, Kylian se lance à travers un slam inspiré de notre patrimoine comme Tizan, Zakana Zakana ou encore des sirandanes. Cette expérience lui donne le goût de la scène. « Le slam me permet d’exprimer mes émotions et de transmettre des messages au public. »
« No one is too small to have big dreams »
Champion de la ligue nationale de slam et champion de slam francophonie, Kylian explique que la ligue de slam demande plus de préparation, comme un marathon qui s’étale sur plusieurs mois, toutes catégories confondues. « J’ai joué dans la cour des grands. Pour y parvenir, j’ai écrit et présenté dix textes inédits : cinq autour de l’actualité, surtout sur l’environnement et le changement climatique, et cinq autres en revisitant les Fables de La Fontaine. C’est grâce à cette passion, beaucoup de discipline et de pratique que je suis aujourd’hui champion de la Ligue nationale de slam et champion de slam francophonie. »
Fort de cette expérience, Kylian décide de faire du théâtre et il a eu l’occasion de partager plusieurs scènes avec de grands artistes, notamment lors de l’abolition de l’esclavage où il a partagé la scène avec Lydia None, les frères Joseph. Il aura la possibilité d’endosser le rôle de Tizan en kreol aux côtés d’Alexandre Martin, Estelle Lasémillante, Olivier Sirop, et prochainement, il sera à l’affiche de Namasté dans le rôle de Babou avec la troupe Théatralis. « J’ai aussi eu une proposition de jouer prochainement avec un autre grand metteur en scène pour une pièce en kreol. » Mais, motus et bouche cousue, il se refuse de dévoiler la trame.
Au conservatoire de musique, il choisit le chant et le piano, qu’il qualifie « d’instrument mélodieux. Lorsque j’en joue, je me sens détendu. C’est une activité qui demande de la rigueur, de la pratique tout en étant relaxant ». Grâce à sa mère, Sandrine, qui est très versée dans les sirandanes et les jeux d’antan, il prévoit de faire une BD autour des jeux d’antan qu’il qualifie comme « étant des trésors de notre culture d’île plurielle ».
Kylian Razaze s’attelle à d’autres projets également, notamment celui en lien avec les Fables de La Fontaine qu’il revisitera à travers le digital. « Le digital devient partie prenante de la vie, et pour parler des fléaux qui nous guettent, je m’inspire des Fables de la Fontaine à travers des métaphores pour dénoncer les excès de notre époque. »
Selon Kylian, il n’avait que six ans quand il a écrit Bann Lavantir Kiki ek so bann kamarad. Et ce n’est que cinq ans après que son livre est publié, et cela, grâce à sa détermination, au Rotary d’Albion, Freedom et à ceux qui ont cru en lui en l’accompagnant sur ce projet. « No one is too small to have big dreams and with patience and perseverance, we can reach our goal », conclut Kylian Razaze.