« Notre étonnement est total ! » Telle est la réaction d’Eco-Sud face à l’annonce du retour du projet d’autoroute M4. L’ONG ne cache pas sa préoccupation devant les explications parlementaires du ministre des Infrastructures, Ajay Gunness, selon lesquelles le plan devrait consister en trois étapes reliant Forbach (Nord) à Grand Bel-Air (Sud-Est) en passant le long de la Vallée de Ferney, région écologiquement sensible. Eco-Sud tire la sonnette d’alarme soulignant que les « impacts sociaux, écologiques et économiques que représente ce projet sont colossaux. » Elle lance un vibrant appel au gouvernement pour mettre fin à une politique d’infrastructures dictée par les intérêts privés.
Le Chief Executive Officer d’Eco-Sud, Sébastien Sauvage, fait ressortir que le projet de l’autoroute M4 fut stoppé en 2005 grâce à la mobilisation des citoyens et ONG, dont Eco-Sud, Nature Watch, MCWO entre autres. Il se montre consterné de voir aujourd’hui, 20 ans après, qu’«on le relance en silence, sans débat national, alors que les impacts sociaux, écologiques et économiques d’un tel projet sont colossaux.»
Il se demande en outre jusqu’à quand la construction de nouvelles autoroutes sera à l’agenda de l’Hôtel du Gouvernement. Chiffres à l’appui, Sébastien Sauvage fait ressortir que fin décembre 2024, le pays comptait 710 605 véhicules, ce qui représente, dit-il, une hausse de 34 164 véhicules en un an. « Depuis 2015, les voitures particulières sont passées de 188 299 à 335 398 en 2024. Résultat ? Embouteillages chroniques, artificialisation des terres. Nos routes sont saturées, nos écosystèmes menacés et cela provoque même des pertes économiques », dit-il.
Il se désole de constater qu’en dépit de tout, le goudronnage du pays se poursuit. « Depuis plus de 15 ans, c’est une frénésie de Bypasses, Flyovers, échangeurs, viaducs, toujours avec la même promesse : fluidifier le trafic », s’indigne-t-il. Or, la vérité, aux yeux d’Eco-Sud, est que plus on construit de routes, plus on attire de voitures. « La science le confirme et le magazine Wired l’a souligné: You can’t build your way out of congestion. It’s the roads themselves that cause traffic. Les économistes Turner et Duranton ont même montré une corrélation quasi parfaite : 10 % de routes = +10 % de trafic. Cela répond au concept de Induced Demand! », fait-il encore ressortir.
Avec tout cela, vient aussi, indique l’ONG, l’éradication de la biodiversité et des écosystèmes, cela découlant de moins de terres capables d’absorber les eaux de pluie ; spéculation foncière galopante ; accès à la propriété de plus en plus difficile pour les Mauriciens et risques accrus d’inondations. Le CEO d’Eco-Sud se demande « à qui profite vraiment cette politique de l’asphalte ? Aux automobilistes ou aux promoteurs, aux spéculateurs et à l’industrie automobile ? ».
Sébastien Sauvage exhorte le gouvernement et les autorités concernées de rendre publics les chiffres sur la corrélation entre les nouvelles routes et la croissance du parc automobile. Il invite à la place à investir massivement dans des alternatives durables comme le transport en commun, les pistes cyclables, la marche, l’urbanisme de proximité en vue de « mettre fin à une politique d’infrastructures dictée par les intérêts privés. Maurice mérite mieux qu’un ruban de bitume sans fin. Mobilisons-nous ! ».