RISQUES ALIMENTAIRES : Revers de la libéralisation du commerce mondial?

Rupture de la chaîne du froid dans la conservation de viandes; légumes surdosés en pesticides; conserves ayant dépassé la date de péremption; plats mal cuisinés achetés en fast-food: à l’ère de la libéralisation du commerce mondial, sur les rayons des divers commerces de l’île, pas évident, de nos jours, de distinguer le bon produit alimentaire sans risque sanitaire de l’ivrai. Alors qu’il semble que les cas d’intoxication alimentaire se répètent, Week-End fait le point.
Un premier constat: selon M. Eric Mangar, agronome et animateur du Mouvement Pour l’Autosuffisance Alimentaire (MAA), même si la grande révolution verte théorisée par l’agronome américain Norman Borlaug, Prix Nobel de la Paix (1974) et caractérisée par la production agricole intensive à forte utilisation de fertilisants chimiques et de pesticides qui a démarré dans les années 1960 dans le but de subvenir aux besoins alimentaires mondiaux dans la perspective de l’explosion démographique mondiale a été marquée, au début des années 1970, par des records massifs de production, la faim dans le monde n’a pas, pour autant, diminué dans une proportion correspondante.
L’avènement de ce nouveau mode de production agricole, souligne-t-il, s’est fait en parallèle avec un nouveau mode de distribution qui a influencé l’ensemble du système alimentaire mondial avec, notamment, la production et l’entrée en masse sur le marché de produits divers en conserves et l’émergence du concept de fast-food.
Plus récemment, note-t-il, à la faveur de la mondialisation économique caractérisée par la libéralisation du commerce mondial, les risques se sont accrus par l’arrivée sur les marchés à travers le monde et, encore plus, dans les pays pauvres, des produits, notamment, alimentaires qui ne répondent pas toujours aux normes de qualité et de sécurité. En effet, si cette libéralisation du commerce mondial, avec le démantèlement des barrières tarifaires, favorise, pour le consommateur, un plus grand choix de produits, les risques de dumping constituent le revers de la médaille.
D’où l’importance de barrières non-tarifaires susceptibles de freiner l’entrée de produits sub-standard dangereux pour la sécurité quand ce n’est pas pour la santé. A cet effet, par exemple, des spécialistes des métiers de l’électricité tirent la sonnette d’alarme sur le nombre d’accessoires hors normes aujourd’hui présents sur le marché local et capables, à tout moment, de provoquer de graves accidents. Et cela doit bien être le cas aussi pour divers produits alimentaires importés.
En effet, une simple visite dans n’importe laquelle des grandes surfaces laisse, aujourd’hui, apercevoir, entre autres, tout une gamme variée de divers produits d’alimentation, de marques et de provenances tout aussi  diverses.  Devant un tel choix, il n’est pas toujours évident de faire le tri entre le produit genuine, celui sub-standard quand ce n’est pas, tout simplement, un produit contre-fait.
L’on sait, sous ce rapport, que l’Association of Mauritian Manufecturers (AMM) est, depuis longtemps, fort insatisfaite du fait que les autorités imposent aux seuls producteurs locaux des normes strictes de production élaborées par le Mauritius Standards Bureau (MSB). Et cela, déclare l’association des fabricants locaux, alors même qu’en règle générale, très peu de contrôle si ce n’est aucun n’est, parallèlement, exercé sur la qualité des produits correspondants qui sont importés.
Dans le cas particulier des produits maraîchers, Eric Mangar est d’avis que c’est un cercle vicieux. L’utilisation toujours accrue de pesticides fait que, de plus en plus, les prédateurs naturels de pestesvégétales tels la mouche noire, la guêpe ou le crapaud disparaissent, peu à peu. Il en est de même des abeilles, agents pollinateurs, non seulement, des fruits de vergers mais aussi de produits maraîchers comme l’oignon, la pomme d’amour, la bringelle ou la concombre.
Les pestes se faisant, conséquemment, plus nombreuses, l’on tend, ainsi, à forcer, toujours un peu plus, sur la dose. Quand ce n’est pas, tout simplement, le recours à des cocktails explosifs. Et quand, à la longue, les pestes développement de la résistance aux pesticides, la tendance logique est de surdoser. Et comme pour corser, davantage, la situation, le réchauffement climatique favorise, de son côté, la prolifération des pestes, donc, l’accroissement des maladies végétales.
Jayen Chellum, porte-parole de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM) déplore, pour sa part, la multiplicité d’autorités chargées, jusqu’à ce jour, de faire respecter les diverses lois et règlementations relatives au bon respect des normes sanitaires dans l’alimentation — inspecteurs sanitaires du ministère de la Santé, ceux des collectivités locales, officiers de la Consumer Protection Unit (CPU), ceux du ministère de l’Agro-industrie, officiers de police, ceux des douanes… Ce qui, selon lui, équivaut à un gaspillage de ressources et qui, dans les faits, apporte peu de résultats. Il se prononce, ainsi, pour un organisme centralisé de contrôle.
Il ne peut s’empêcher, non plus, d’évoquer d’autres contraintes qui font obstacle au bon respect des règles sanitaires dans l’alimentation — corruption de fonctionnaires, ingérences politiciennes… Devant le nombre conséquent de cas d’intoxication alimentaire ces derniers temps, M. Chellum est d’avis qu’il faut bien que les autorités réagissent. Avant qu’il ne soit trop tard. Un mort et rien qu’un mort par intoxication alimentaire, c’est, en effet, déjà un mort de trop…    

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