Un Master Plan étant indispensable, la SCP (Réunion) mandatée pour « irriguer » Rodrigues
Rodrigues cherche un bailleur de fonds pour financer des projets d’envergure destinés à améliorer l’accès à l’eau pour les agriculteurs et planteurs. Mandatée par les autorités locales, la Société du Canal de Provence (SCP), via son agence basée à La Réunion, est chargée d’identifier un partenaire financier capable de soutenir ce chantier prioritaire. Début septembre, Stéphane Carmona, représentant de l’agence SCP Réunion, a effectué une mission de trois jours sur l’île, afin de relever les besoins techniques sur le terrain. Ces premiers constats doivent alimenter l’élaboration d’un Master Plan sur l’irrigation, indispensable pour garantir une gestion durable et équitable de la ressource en eau à Rodrigues.
L’approvisionnement en eau à Rodrigues représente un défi structurel et climatique, nécessitant à la fois des solutions techniques, des investissements durables et une gouvernance renforcée. Ce défi est particulièrement critique en raison du déficit hydrique important que connaît l’île, aggravé par la croissance démographique, la rareté de la ressource et les effets du changement climatique. Selon l’Agence Française de Développement (AFD), la production quotidienne d’eau à Rodrigues est d’environ 4,800 m³, alors que la demande atteint 12,000 m³ par jour et pourrait s’élever à 20,000 m³ d’ici 2040. Cette situation est exacerbée en période de sécheresse, du fait de précipitations irrégulières et de longues saisons sèches. Pourtant, les dernières pluies d’été ont abondamment arrosé l’île. Faute de structures de rétention adaptées, une grande partie de cette eau précieuse s’est perdue, ruisselant vers la mer, au lieu d’être stockée pour les périodes de sécheresse.
Dessalement, pas pour l’agriculture et l’élevage
Pour faire face à cette situation, le gouvernement régional avait, en 2019, lancé un projet majeur combinant une unité de dessalement de grande capacité à Pointe Coton et une infrastructure de transfert appelée la “colonne vertébrale de l’eau”. Toutefois, en raison du coût élevé de production, cette eau est prioritairement réservée à l’usage domestique. L’agriculture, qui couvre environ 1,400 hectares actuellement cultivés avec un potentiel de 5,000 hectares supplémentaires, constitue un levier essentiel pour l’autonomie alimentaire de l’île. Pourtant, elle souffre d’un manque d’infrastructures hydrauliques adaptées, ce qui limite sa capacité de développement. Pour concilier les besoins agricoles avec la disponibilité en eau, Stéphane Carmona explique qu’il devient indispensable de mettre en œuvre un « schéma directeur et stratégique de l’irrigation à l’échelle de Rodrigues. Un tel schéma est stratégique pour l’économie de l’île, pour son autonomie alimentaire, et pour assurer une gestion équilibrée des ressources disponibles. »
Le Master Plan pour la gestion durable de l’eau à Rodrigues, indique le responsable de SCP Réunion, repose sur plusieurs objectifs clés. Il s’ouvre par un diagnostic territorial, visant à analyser la demande en eau, les pratiques agricoles actuelles et à prévoir les besoins futurs. Cette étape initiale est essentielle pour construire une planification cohérente et réaliste. Dans une perspective de durabilité, le plan vise ensuite à identifier les ressources compatibles avec l’agriculture à long terme, afin de garantir la pérennité des activités agricoles sans compromettre l’équilibre hydrique. Sur cette base, le Master Plan prévoit de concevoir un plan d’aménagement hydro-agricole, intégrant les impacts économiques, sociaux et environnementaux. L’objectif est de promouvoir un développement harmonieux et équitable du secteur agricole. Un outil de gouvernance stratégique sera également proposé, incluant une planification de l’occupation des sols, un programme structurant d’aménagement, un modèle de financement adapté, ainsi qu’une évaluation des retombées économiques pour guider les choix à moyen et long termes.
La mise en œuvre de ce plan repose aussi sur la création d’infrastructures adaptées, nécessaires pour sécuriser les usages de l’eau, améliorer la résilience du système, et garantir une répartition plus équitable sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, certaines zones rurales dépendent encore de livraisons par camions-citernes, faute d’infrastructures de stockage suffisantes. Enfin, le Master Plan vise à réduire le déficit hydrique en mobilisant des ressources soutenables, et à répondre durablement aux enjeux socio-économiques et environnementaux de Rodrigues.
Cinq phases déterminantes
Stéphane Carmona précise que la réalisation du projet s’appuie sur un phasage clair et progressif, structuré en cinq étapes successives, permettant une orientation cohérente des actions à entreprendre. « La première phase est consacrée au diagnostic territorial, qui porte sur l’analyse des pratiques agricoles, des modes d’irrigation, et de la demande en eau. » Cette étape constitue un socle indispensable pour comprendre les enjeux locaux et définir les besoins réels. L’expert explique que la 2ème phase vise à procéder à une évaluation de la ressource en eau, en examinant ses caractéristiques actuelles et en élaborant des scénarios d’évolution. Cette analyse prospective permet d’anticiper les contraintes futures liées à la disponibilité de l’eau.
La 3ème phase, poursuit Stéphane Carmona, « consiste à mener une étude des scénarios d’aménagement hydro-agricole. » Sur la base des données collectées, différents scénarios seront analysés pour proposer des solutions réalistes et techniquement adaptées. La 4ème phase correspond à la réalisation du schéma directeur, document stratégique qui viendra structurer la vision globale du projet. Elle inclut également la programmation des opérations prioritaires selon les enjeux identifiés, leur urgence et les opportunités de mise en œuvre. Enfin, la 5ème phase porte sur la conception et le suivi des travaux liés à l’opération prioritaire du projet : la retenue collinaire d’Anse Baleine. Bien qu’identifiée comme la dernière étape du phasage, cette phase pourra être engagée, dit-il, dès le début de la phase 1, grâce à l’existence d’une étude de faisabilité. Cela permettra un démarrage anticipé des travaux, en fonction de la disponibilité des financements nécessaires.
Rodrigues face à la crise hydrique : L’île en quête de solutions durables et de financement
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