Rodrigues : Un budget … et une bombe sociale à retardement

Rs 5,7 milliards pour faire rayonner l'île, mais une retraite à 65 ans qui scandalise

Alors que le gouvernement présente un budget « historique » de Rs 5,785 milliards pour Rodrigues, la population gronde. L’île, souvent reléguée au second plan, est aujourd’hui au centre de toutes les attentions. Mais à quel prix ? Un budget XXL pour une île souvent oubliée.

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Rodrigues frappe fort dans le budget 2025-26 ! Pour la première fois, une enveloppe aussi conséquente est allouée à cette perle de l’océan Indien : Rs 5 milliards pour les dépenses courantes, Rs 785 millions pour des projets structurants.

Le gouvernement parle de transformation radicale : une nouvelle piste d’atterrissage à Plaine-Corail pour ouvrir l’île au monde ; un plan-choc pour l’eau, l’autosuffisance et la qualité de vie étant au cœur des priorités ; une révolution verte : le solaire comme nouveau moteur énergétique ; un Technopark dopé à la fibre pour propulser Rodrigues dans l’ère numérique ; un saut technologique dans la justice avec des visioconférences et enregistrements numériques à la Cour de Rodrigues. Une vision moderne, durable, audacieuse. Le gouvernement veut décidément faire de Rodrigues un modèle de résilience insulaire.

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Mais derrière les milliards, une colère sourde explose : l’âge légal de la retraite passe à 65 ans. Un simple chiffre ? Non. Une onde de choc dans toute l’île. Les Rodriguais crient leur épuisement. Jean Perrine, 62 ans, maçon de son état, témoigne : « je me lève à 4h du matin depuis 40 ans. J’ai reconstruit des routes, j’ai bâti Rodrigues avec mes mains. Aujourd’hui, j’ai mal partout. Je voulais me reposer. Maintenant, on me dit : travaille encore trois ans. Mais, c’est mon corps qui dit non. »

Ti Rege, 60 ans, sage-femme, confie pour sa part :  « je suis là quand les gens meurent. Je suis leur dernière présence. J’aime mon travail, mais il me ronge. À 62 ans, je voulais enfin m’aimer, moi. Maintenant, je dois continuer à m’épuiser pour mériter ma retraite. » Par contre, un employé de bureau, Clédio Agathe, 45 ans, est prêt à travailler jusqu’à 65 ans : « Moi, je peux faire jusqu’à 65 ans, pas de souci. Mais les ouvriers ? Les aides-soignants ? Les chauffeurs ? Eux, ce n’est pas pareil. Il faut une retraite à deux vitesses. C’est une question de justice. »

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Sous couvert de soutenabilité budgétaire, la mesure ravive les fractures sociales. Il y a ainsi ceux qui travaillent dans la poussière, les genoux en feu, le dos courbé contre ceux qui terminent leur carrière assis, protégés, à l’air conditionné. L’équation gouvernementale ne tient pas. Car plus d’années de travail pour tous ne riment pas avec plus d’années à vivre pour tous.

Et si Rodrigues devenait le laboratoire d’un système plus juste ? Et si cette mini-révolution devenait une opportunité pour repenser la retraite ? Notamment, en reconnaissant la pénibilité réelle des métiers, en offrant une retraite anticipée aux gens affaiblis et usés, en revalorisant les petites pensions pour vivre dignement, en introduisant un mécanisme de retraite progressive, en testant un modèle de retraite solidaire, humain, innovant !

Le budget 2025-26 est certes ambitieux, audacieux, historique pour Rodrigues. Mais il risque aussi d’être socialement explosif, s’il ne tient pas compte des réalités du terrain. Rodrigues réclame plus que des milliards : elle veut de la justice.

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