Rose-Hill face à la prolifération des drogues : Branle-bas de combat chez les élus

  • Patrick Belcourt : « Mettons de côté nos clivages politiques et trouvons des solutions ensemble »
  • Sydney Pierre : « J’ai présidé des réunions avec les limiers de l’ADSU. Des développements prévus incessamment… »
  • Deven Nagalingum : « Une nouvelle ère s’annonce, comme ce fut le cas dans les années 1990 et 2000 »
Le trafic de drogue prospère à la vitesse grand V dans des lieux que les réseaux de revente et circuits de consommation peuvent noyauter. Les quartiers de Rose-Hill n’échappent pas à ce triste constat. Les maisons abandonnées et les terrains de jeux sont devenus le repaire de ces basses besognes. Les jeunes sportifs n’osent plus s’y aventurer, exaspérés par la présence récurrente des dealers et d’individus plongés dans l’enfer de l’addiction. Le leader d’En Avan Moris (EAM) et conseiller Patrick Belcourt a soulevé cette question lors de la dernière réunion de la Commission Bien-être et Santé publique de la mairie, en appelant à un sursaut de la part de tous les élus de la circonscription. Le député et Junior minister Sydney Pierre confie avoir présidé des réunions avec des limiers de l’ASDU et que des développements sont à prévoir incessamment.

Pour saisir l’ampleur de la prévalence de la drogue, il suffit d’écouter les nombreux témoignages des habitants des quartiers de Trèfles, Stanley, Camp-le-Vieux et Plaisance qui, impuissants, assistent à ce triste spectacle. En vérité, le ras-le-bol couvait depuis longtemps. Après avoir toléré ces écarts pendant un certain temps, par peur de représailles, ils ont décidé de sortir de leur mutisme. En attendant, le business continue comme si de rien n’était. « Enough is enough ! À nos risques et périls, nous sortons de notre réserve pour manifester notre courroux face à l’émergence de scènes ouvertes d’usage sur des sites sportifs et dans des maisons abandonnées. La goutte qui a fait déborder le vase… », dit un habitant.

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La dégradation de la vie des quartiers est patente. La mairie et la force policière ont fait tout leur possible pour mettre hors d’état de nuire ceux qui investissent des zones sensées constituer des lieux de détente. Les points de deal et de consommation se forgent notamment dans l’enceinte du stade Emmanuel Anquetil, sis à la rue Sister Clémence, à Plaisance, où les jeunes footballeurs n’osent plus se rendre pour s’adonner à leur sport favori. Ici, le trafic de stupéfiants ne se fait même plus à la dérobée. C’est la grosse agitation du matin au soir, au nez et à la barbe de tous. Ce marasme fait régner la colère parmi les parents qui pointent du doigt le silence assourdissant et l’inaction de la police. Les terrains de basketball et de handball situés à la rue de Chazal sont aussi devenus des lieux de délinquance, d’insécurité et d’incivilité par excellence. Attirés par l’appât du gain, des mineurs se retrouvent à la merci des trafiquants.

« Nos femmes et enfants assistent quotidiennement à ces scènes »

Comme si ça ne suffisait pas, des maisons abandonnées, qui ne se comptent plus sur les doigts de la main à Plaisance et Stanley, servent de point de deal et de consommation de drogues en tout genre. C’est le cas notamment à la rue Venkatasamy où le va et vient ne faiblit pas dès le lever du soleil dans deux demeures délabrées. « La situation est connue depuis longtemps. Les guetteurs sont présents jour et nuit sous nos fenêtres. Ils sont parfois une dizaine à faire la queue pour acheter de la drogue. Nos femmes et enfants assistent quotidiennement à des scènes où des individus sont avachis, avec les pupilles dilatées et le regard hagard, parfois pris de crises convulsives après avoir consommé de la drogue synthétique. Le sol des impasses et des ruelles est jonché de matériel d’injection, étayant la thèse que l’usage d’héroïne s’y déroule de manière récurrente. On soupçonne aussi la présence de prostituées dans ce taudis », raconte un habitant.

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La tension atteint son paroxysme également à Stanley où les résidents se sont exprimés, cette semaine, sur les ondes d’une radio privée pour demander à la police de démanteler un point de deal, enraciné dans un pavillon abandonné sis à quelques pâtés de maisons du gymnase du Quorum. La mairie ne doit-elle pas demander à la Cour d’infliger une amende aux propriétaires pour non-respect des normes environnementales, ou démolir les maisons abandonnées si elles constituent un danger public ? Cette question taraude les protestataires. À Stanley, la distribution de méthadone, effectuée  devant la station de police, pose un sérieux problème. « Après avoir récupéré leur dose quotidienne, certains bénéficiaires resteraient groupés à proximité. Une présence jugée intimidante », confie un habitant. À Trèfles et Camp-Levieux, ils sont de plus en plus nombreux à faire fi des lois en brûlant des gaines entourant des kilos de câbles électriques, sur des terrains vagues ou autour de sites sportifs et récréatifs, afin d’en extraire le cuivre avec des conséquences néfastes en termes de combustion. Les riverains accusent un groupe de toxicomanes d’être à l’origine de ces basses besognes.

Éradiquer le trafic n’est pas une mince affaire. Des services des collectivités aux bailleurs et médiateurs sociaux, en passant par les élus et les forces de sécurité sur le terrain, la coopération la plus large possible – et de nouveaux outils aux mains des exécutifs locaux, aujourd’hui démunis – s’impose pour combattre le mal à la racine. Il n’en est rien pour l’instant. Les élus observent le phénomène par tous les bouts, mais peinent à l’endiguer.

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Le conseiller de l’opposition Patrick Belcourt lance un vibrant appel aux dirigeants des partis politiques pour ne pas faire du fléau de la drogue un enjeu supplémentaire de politique politicienne : « Si la lutte contre ce fléau n’entre pas dans les missions naturelles des collectivités locales, les élus locaux ont le devoir de s’en préoccuper, par la force des choses. La circonscription a comme députés le DPM Paul Bérenger, Sydney Pierre et surtout le ministre des Sports et de la Jeunesse, Deven Nagalingum, qui aurait dû déjà s’émouvoir du fait que de nombreux sites sportifs de la ville  ont été pris d’assaut par les dealers et consommateurs de drogues. Des zones se sont mues en No man’s Land. Mettons de côté nos clivages politiques et trouvons des solutions ensemble, avec l’apport sans failles des Casernes centrales. »

Les riverains implorent Paul Bérenger

Entre principe de responsabilité et celui de conviction, Paul Bérenger a – lors d’un discours prononcé le 7 décembre, en marge de la Course de l’Unité organisée par le ministère de la Jeunesse et des Sports sous le thème Morisien mobilize kont ladrog – souligné qu’« un nouveau départ est lancé dans la lutte contre la drogue avec la relance de la National Agency for Drug Control (NADEC). » Des mots qui ne laissent guère de place au doute sur les ambitions du DPM de peser de tout son poids dans la bataille contre ce fléau dans toutes les sphères de la société et, face à la désinvolture qui s’est installée à Rose-Hill, les riverains implorent Paul Bérenger, afin qu’il orchestre de main ferme une stratégie visant à mettre un terme à leur calvaire.

Le troisième député au No 19 et Junior minister au Tourisme, Sydney Pierre (PTr), souligne que « Deven, Paul et moi sommes au courant de la situation et il ne faut pas croire qu’on reste les bras croisés face à ces basses besognes. Avec le contexte catastrophique local actuel, le gouvernement a la ferme intention d’amplifier et de démarrer une série d’actions, et ce, à tous les niveaux : répression, traitement, réhabilitation, prévention, qui passe par la restructuration de la NADEC. Au niveau de la circonscription No 19, j’ai présidé des réunions avec les limiers de l’ADSU et les forces vives des quartiers qui déboucheront sur une stratégie visant à mettre hors d’état de nuire ces gens sans scrupules, et les chasser des sites de sports et des maisons abandonnées », dit-il.

Anou transform nou landrwa

Le sport, la danse et la musique comme moyen d’éducation, de prévention et de pacification urbaine doivent aussi figurer en première ligne des réponses apportées face à la dégradation du climat social des quartiers des villes-sœurs. Dès la fin des années 1980, le MMM s’était évertué à combattre la prolifération des stupéfiants et compenser les disparités sociales par une aide publique accrue dans le secteur du sport qui s’est traduit notamment par la conversion, en 1991, de l’ancien abattoir en un gymnase baptisé Le Quorum. Le mandat de Deven Nagalingum comme conseiller,  maire et responsable de la commission des Sports, dans les années 1990, a été marqué par des mesures fortes comme la création de l’Union Sportive de Beau-Bassin/Rose-Hill et d’une kyrielle de comités sportifs de quartier.

Joint au téléphone, Deven Nagalingum souligne qu’ « une nouvelle ère s’annonce, comme ce fut le cas dans les années 1990 et 2000, dans le paysage sportif des villes-sœurs. L’édition d’Anou transform nou landrwa visant à sensibiliser les habitants, et plus particulièrement les jeunes, aux activités sportives et de loisirs, lancée en juin dernier dans la région de Karo Kaliptis à Port-Louis, débarquera dans les quartiers de Beau-Bassin/Rose-Hill prochainement. Le sport sera de nouveau roi aux villes-sœurs et l’organisation d’une série d’activités, en sus de la mise sur pied d’un plan pour la gestion et l’entretien des sites de sports, est à l’agenda. Je prévois une rencontre avec la force policière, cette semaine, pour échafauder un plan d’action visant à nettoyer les quartiers de ce fléau. »

 

Légendes :
  1. Deven Nagalingum, Patrick Belcourt et Sydney Pierre
  2. Derrière les murs du stade Emmanuel Anquetil, se cache un bien triste spectacle s’offrant aux yeux de jeunes sportifs
  3. À la rue Venkatasamy, le va et vient des dealers et consommateurs ne faiblit pas dès le lever du soleil dans deux demeures délabrées
  4. À Stanley, on demande à la police de démanteler un point de deal, enraciné dans un pavillon abandonné
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