L’heure du bilan de l’année a sonné dans divers secteurs clés à Maurice, et les perspectives pour 2026 méritent une analyse approfondie. Dans l’entretien qui suit, le secrétaire général de l’Association des consommateurs de Maurice (ACIM), Jayen Chellum, élabore sur les contours de la gestion de l’eau, en soulignant que « les gouvernements successifs ont manqué de vision stratégique à long terme, car ils ont privilégié des solutions ponctuelles plutôt que des réformes structurelles ». Il dit cependant noter des signaux positifs concernant certaines mesures prises par le nouveau ministre, mais ajoute que « les actes devront suivre les paroles… et vite ».
Les gouvernements de ces 20 dernières années n’ont jamais pu désamorcer la crise qui secoue le secteur de l’eau. Qu’est-ce qui n’a pas marché, selon vous ?
La maintenance des infrastructures vétustes a été négligée, entraînant des pertes d’eau considérables. Le manque d’investissements dans de nouvelles sources d’approvisionnement, la mauvaise gestion des bassins-versants et l’absence de culture de conservation ont aggravé la situation. La politisation du dossier a aussi freiné les décisions courageuses, tandis que l’urbanisation anarchique et le changement climatique n’ont pas été anticipés. Enfin, la coordination entre ministères et l’implication effective du secteur privé ont fait défaut.
Le problème de l’approvisionnement en eau ne se réglera pas d’un coup de baguette magique. Peut-on quand même faire un premier bilan du nouveau ministre de tutelle à ce poste ?Â
Il est en effet prématuré d’évaluer pleinement le nouveau ministre Patrick Assirvaden, mais certains signaux peuvent être observés. Sa capacité à mobiliser rapidement l’aide internationale démontre une approche proactive. L’urgence accordée au dossier et sa communication sur les projets structurants sont encourageantes. Cependant, les résultats concrets tardent, et les Mauriciens attendent des actions visibles, comme des réductions des coupures d’eau, la réparation des fuites et l’amélioration de la distribution. Le véritable test sera l’implémentation effective des projets annoncés et sa capacité à transformer les promesses en réalisations tangibles qui amélioreront quotidiennement la vie des citoyens.
L’aide financière dans le secteur de pays comme l’Inde, la France ou encore Abou Dabi, entre autres, est colossale. Il serait intéressant de scruter la stratégie de Maurice et les mesures qui seront implémentées en 2026 par le biais de cette manne…
L’afflux de financements internationaux représente une opportunité historique qui exige une stratégie rigoureuse. Maurice devrait prioriser la modernisation du réseau de distribution pour réduire les 50% de pertes actuelles, investir dans le dessalement et les stations d’épuration, développer la collecte des eaux pluviales et construire de nouveaux réservoirs. La digitalisation du système pour détecter rapidement les fuites est à ce titre très cruciale. Il faudra également former du personnel qualifié et impliquer les communautés locales. En outre, la transparence dans l’utilisation de ces fonds et des audits réguliers garantiront que cet argent serve effectivement à résoudre durablement la crise hydrique.
C’est de la résolution financière que dépendra l’issue de la bataille de l’eau au cours des prochaines années. D’aucuns soulignent que la privatisation de la CWA, à laquelle vous vous êtes farouchement opposé en 2016, pourrait permettre de réaliser les investissements nécessaires dans les infrastructures hydrauliques essentielles…Â
La privatisation n’est pas une solution miracle. L’expérience internationale montre des résultats mitigés : hausses tarifaires, priorité au profit sur l’accès universel… L’eau est un bien vital qui nécessite un contrôle public fort. Cependant, des partenariats public-privé bien encadrés peuvent apporter expertise et capitaux, sans toutefois sacrifier la souveraineté. L’État doit conserver la propriété des infrastructures et la régulation stricte. Des investissements publics massifs, financés par la fiscalité progressive et les prêts concessionnels internationaux, combinés à une gestion rigoureuse et transparente de la CWA, constituent une alternative plus équitable et durable.

