Une menace silencieuse dans les salles de bains mauriciennes
Maurice est confrontée à une vague inquiétante d’intoxications au gaz, parfois mortelles, causées par l’utilisation de chauffe-eau à gaz dans des salles de bains mal ventilées. Ces incidents mettent en lumière les défaillances du cadre réglementaire, le manque de sensibilisation du public et l’urgence d’une action concertée des autorités.
Au début de ce mois, un adolescent de 16 ans a succombé à Triolet. Quelques jours plus tard, à New-Grove, deux enfants ont perdu connaissance alors qu’ils prenaient leur bain. Le point commun : l’usage d’un chauffe-eau à gaz dans une pièce fermée, sans ventilation adéquate. L’un des enfants retrouvés inanimés a été sauvé de justesse. Sa mère, encore bouleversée, confie : « Mo pou fer retir sa chauffe-eau la dans salle des bains. Mo pa ti kone ki sa ti kapav arive… »
Ces cas ne sont pas isolés. Ils révèlent un phénomène insidieux : l’intoxication au monoxyde de carbone (CO), un gaz invisible, inodore, mais potentiellement mortel, produit par une combustion incomplète. Dans des espaces clos et sans aération, il s’accumule en quelques minutes, provoquant nausées, vertiges, perte de connaissance… voire la mort.
Un cadre légal existe… mais reste inappliqué
Maurice ne manque pas de lois pour réguler l’usage du gaz. La Dangerous Chemicals Control Act de 2004 encadre la manipulation des gaz toxiques et inflammables. La Public Health Act permet aux autorités d’intervenir en cas de danger pour la santé publique. Pourtant, dans la réalité, les contrôles sont rares, les inspections quasi inexistantes et les normes de sécurité souvent ignorées.
Nombre de chauffe-eau à gaz sont installés par des techniciens non certifiés, dans des conditions dangereuses : absence d’aération, aucune alarme de détection, entretien négligé. À cela s’ajoute une méconnaissance criante des risques chez les usagers.
Ce que réclament les experts : un sursaut collectif
Face à cette menace évitable, le président de l’Association pour la Protection de l’Environnement et des Consommateurs, Suttyhudeo Tengur, appelle à une réponse multisectorielle et vigoureuse. Il propose :
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L’obligation d’installer les chauffe-eau à gaz uniquement par des professionnels agréés ;
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L’interdiction formelle de leur pose dans les salles de bains sans ventilation naturelle ou mécanique ;
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La généralisation des détecteurs de monoxyde de carbone dans tous les foyers utilisant des équipements à gaz ;
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Une campagne nationale d’information conduite par le ministère de la Santé, en partenariat avec la Consumer Protection Unit ;
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La révision urgente des normes de construction afin d’intégrer des dispositifs de sécurité pour tous les systèmes à combustion.
Prévenir plutôt que subir
Les tragédies de Triolet, de New-Grove et d’autres localités rappellent que derrière chaque négligence technique peut se cacher un drame familial. La technologie n’est pas à blâmer : c’est son usage inadéquat, sans contrôle ni sensibilisation, qui est en cause.
Maurice a aujourd’hui le devoir de prendre cette menace au sérieux. La sécurité domestique ne peut plus être laissée au hasard. Si rien n’est fait, les prochains cas d’intoxication ne seront pas des accidents, mais les conséquences d’une inaction coupable.