Difficile de porter de l’intérêt aux requins, surtout lorsqu’on les considère comme des prédateurs. La visite de Dr Antonin Blaison, docteur en biologie marine et écologie comportementale à Odysseo, prouve le contraire. Car ces mêmes requins jouent un rôle important dans notre écosystème, dit-il. D’où la Shark Awareness Week organisée à Odysseo pour démontrer l’importance des élasmobranches (requins et raies). D’ailleurs, la particularité de l’Odysseo est qu’il comporte dans ses bassins deux requins taureau, Triangle et Ravanne, qui font leur valse quotidienne dans un bassin de 18 mètres de long.
Le Dr Antonin Blaison est également directeur de l’Observatoire des élasmobranches de l’archipel des Mascareignes (MAEO). Après avoir eu la frousse des prédateurs lors du visionnage du blockbuster Les Dents de la Mer, il a décidé de vaincre sa peur en s’intéressant de près aux élasmobranches. L’extermination de ces espèces serait, selon le Dr Antonin Blaison, un carnage. « Il faut une réelle prise de conscience. D’où le lancement d’un nouveau projet sous le MAEO à La Réunion avec, pour mission principale, d’étudier la biodiversité et le comportement des requins et des raies à travers le déploiement de caméras à La Réunion, Maurice et Rodrigues. »
Un des points soulevés autour de la présentation de son projet sur les requins a été d’alimenter une base de données et une carte de la répartition des espèces d’élasmobranches dans les Mascareignes portant autour d’une étude de 56 espèces de requins et de raies dans notre région. On apprend aussi qu’il existe 41 espèces de requins et 15 espèces de raies. « Dix-huit requins sont dans un état préoccupant dans la liste rouge de l’IUCN, et cinq disposent de données insuffisantes pour les classer. Quant aux raies, dix d’entre elles sont dans un état préoccupant et se trouvent dans la liste rouge, tandis que nous manquons de données sur trois raies pour les classer. »
Selon le Dr Blaison, il existe 1 100 à 1 200 espèces d’élasmobranches dans le monde, soit 600 espèces de raies et 500 à 600 de requins. Leur système de reproduction est classifié en trois catégories. Les ovipares – comprenant la roussette et la raie fleurie –, les ovovivipares – qui regroupent dans cette catégorie le requin-tigre et la raie mantra – et, enfin, les vivipares, comme le requin blanc et le requin bouledogue.
Antonin Blaison rappelle qu’il y a un manque de formations accrues sur les espèces et leur présence, rarement signalée, notamment le requin blanc, qui a été vu deux fois à Maurice et trois fois à La Réunion. Insistant au passage que la population des requins « n’est pas en bonne santé », et la disparition de certaines espèces, comme les requins bouledogues, qu’on ne voit plus, tout comme les requins-tigres. « Dans la population des Mascareignes, il y a des requins, mais il est difficile d’évaluer leur nombre. Le requin gris, on pouvait il y a des années de cela les voir sur la côte ouest de Maurice. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il faudrait voir si cette espèce a migré ailleurs ou est en voie de disparition. »
Pour lui, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer la diminution de leur population, notamment la dégradation de l’environnement marin et le changement climatique. En moyenne, 100 millions de squales sont en outre décimés dans les mers du globe pour leurs ailerons et, parfois, pour leur huile, convoitée par l’industrie pharmaceutique et cosmétique. Les études menées par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) démontrent qu’un quart des espèces d’élasmobranches est d’ores et déjà menacé d’extinction.
On apprend aussi que ces requins et raies choisissent des habitats côtiers, pélagiques et profonds, et qu’ils ont une alimentation variée, des zooplanctons aux otaries, en passant par les poissons pélagiques et les crustacés. Le Dr Blaison explique également que le requin blanc a une mission importante : celle de réguler la population d’otaries.
Du point de vue comportemental, les requins et les raies sont connus pour être des animaux territoriaux. Antonin Blaison va plus loin dans sa présentation en expliquant à ceux présents dans la salle de l’Odysseo, vendredi dernier, les rôles directs et indirects des requins et des raies dans l’écosystème. « Il y a une régulation des populations de proies, des prédateurs secondaires comme les otaries ou les thons. Les requins ciblent en priorité les individus affaiblis, ce qui entraîne une limitation de la propagation des maladies. »
Quant aux rôles indirects, il parlera surtout de l’impact sur le comportement de prédation des autres prédateurs et de l’impact sur le réchauffement climatique. L’on apprend aussi que le requin et la raie possèdent un squelette cartilagineux et ont des denticules placoïdes. Chez les mâles, on constate également un double organe de reproduction (ptérygopodes), tandis que le requin et la raie ne possèdent aucune vessie natatoire.
Pour mieux sensibiliser adultes et enfants sur le déclin de la biodiversité marine, l’Odysseo met en place des activités ludiques et pédagogiques autour des requins.