Success story – Noé Reddy : « Quand on partage, on apprend mieux »

C’est avec beaucoup de fierté que le directeur exécutif du réseau Adolescent Non-Formal Education Network (ANFEN), Viken Vadeevaloo, présente Noé Reddy, un ancien élève du réseau. Il est aujourd’hui employé dans un cabinet d’architecture réputé de la capitale, après avoir décroché sa licence en décoration intérieure à l’Academy of Design and Technology d’Ébène. Le jeune homme, qui a connu des échecs avant « d’apprendre à lire dans un dictionnaire et à partager ses connaissances pour mieux apprendre », ne compte pas s’arrêter là : il se prépare à poursuivre ses études en Australie.

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Noé Reddy est le cadet d’une fratrie de trois garçons. Originaire de Batterie-Cassée, le jeune homme garde un mauvais souvenir de ses années primaires, car la méthode d’enseignement ne lui convenait pas. « Je ne comprenais rien à ce qu’on écrivait au tableau. Je ne savais ni lire, ni écrire. Je savais juste un peu compter et dessiner. »
Quasi-analphabète lorsqu’il complète la première fois son CPE – aujourd’hui Primary School Achivement Certificate (PSAC) –, Noé Reddy retente sa chance une deuxième fois. Là encore, en vain. Il rejoint alors un établissement prévocationnel à Plaine-Verte. Mais il n’arrive pas à rattraper son retard, et finit par se décourager et abandonner.

« Monn res lakaz pandan sis mwa, get tikomik. Enn zour, mo mama tann koz Fraternité Nord-Sud. Li tann dir bann zanfan pa konn lir, apran lir laba. Linn met mwa laba ! » confie-t-il. Une aubaine pour le jeune adolescent qu’il était : le frère Lourdes (Julien Lourdes est décédé en août 2017 à l’âge de 75 ans) l’accueille à bras ouverts. Noé y découvre la connaissance et développe un amour pour « aprann ».
« Au Centre Fraternité Nord-Sud, nous apprenions différemment. J’arrivais le matin et je m’adonnais à l’activité qui m’intéressait : le dessin, la musique, le design, la lecture… J’ai appris à lire dans un dictionnaire », dit-il. Noé Reddy se souvient : « Le frère Lourdes m’encourageait à chercher des mots dans le dictionnaire et à les traduire en anglais ou en français. À l’époque, il n’y avait pas encore de dictionnaire créole (Diksioner Morisien-Arnaud Carpooran).

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Le centre accueillait en outre des visiteurs étrangers, explique-t-il. « Je m’attelais à traduire les mots que je ne comprenais pas. En l’espace de quelques mois, j’ai appris à lire. » Il garde ainsi un très bon souvenir, dit-il, de sa découverte des fables de La Fontaine et du travail social auquel il s’adonnait aux côtés de son mentor, le frère Lourdes. « Kan ou interese ek kitsoz, ou fer tou pou aprann ! »

« Par la suite, le frère Lourdes m’a dit qu’il faut que j’avance et m’a conseillé de me joindre à l’école Fatima de Triolet. J’avais déjà 13-14 ans à l’époque. C’est à ce moment-là que je me suis préparé à passer mon CPE de nouveau. » Son certificat en poche, son enseignant l’encourage à poursuivre ses études du secondaire. Et il rentre directement en Form II.

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Le jeune homme avance petit à petit. Il décroche son School Certificate (SC) mais ne peut entamer son Higher School Certificate (HSC). « J’étais déjà trop âgé. Pour le faire, je devais m’inscrire dans une école privée, mais mes parents n’avaient pas les moyens. »
Il se tourne de nouveau vers Julien Lourdes, qui le met alors en relation avec Viken Vadeevaloo : « Viken a fait des démarches et j’ai décroché un parrainage de la Fondation Joseph Lagesse, mais avec une condition attachée : je devais réussir pour continuer à bénéficier de ce soutien. »

Noé Reddy s’inscrit alors à l’OCEP Training Institute, à Port-Louis, et complète haut la main son HSC. C’est alors qu’il exprime le souhait de s’inscrire à l’ADI pour une licence en décoration intérieure. Il approche de nouveau la Fondation Joseph Lagesse. Son sérieux et sa persévérance lui valent une nouvelle bourse, renouvelable annuellement, à condition encore une fois de réussir. « La formation était intense. On avait aussi beaucoup de travail personnel à faire. J’aimais partager ce que j’apprenais avec mes camarades de cours. Pour moi, l’apprentissage est un partage. Plus on partage, plus on apprend ! » se souvient-il.

Par la suite, le jeune homme fait des petits boulots. C’est ainsi qu’il se fait embaucher dans un magasin de meubles et apprend sur le design du showroom. Il intègre subséquemment un atelier et exerce comme dessinateur de meubles. « J’ai beaucoup appris. Mais je voulais apprendre plus », dit-il.

Aujourd’hui, Noé travaille chez Visio Architecture. Une expérience qui le motive à aller encore plus loin. Et pour ce faire, il souhaite se rendre en Australie. Noé Reddy poursuit en parallèle son soutien à l’ANFEN, dont il a été lui-même bénéficiaire. « Je suis un enfant de l’ANFEN », conclut-il avec fierté.

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