Télévision : « Sir Seewoosagur Ramgoolam le destin de Kewal »

À l’occasion du 125e anniversaire de la naissance de feu sir Seewoosagur Ramgoolam, la MBC a diffusé, il y a deux semaines, un documentaire intitulé Ramgoolam : le destin de Kewal, réalisé par Ritvik Neerbun. De par son contenu, son traitement et sa durée – 2 heures 36 ! —, ce documentaire se démarque résolument de tous ceux que la MBC avait coutume de produire. En effet, au fil des années, les différentes directions de la MBC avaient habitué les téléspectateurs à une vision partisane, pour ne pas dire propagandiste, de l’histoire du pays à travers la célébration de ses dirigeants.
Une vision tributaire du parti politique qui était au pouvoir. C’est ainsi qu’à certaines périodes, le rôle de SSR fut diminué, pour ne pas dire occulté, dans les récits historiques diffusés par la MBC, au profit de SAJ. Avec le changement de pouvoir politique, le même traitement réducteur fut accordé à SAJ par la MBC. On mit en opposition ouverte le père de la nation à celui du miracle économique, comme si l’un et l’autre n’avaient pas autant contribué au développement de Maurice ! Et ce, bien souvent par les mêmes journalistes de la MBC habitués à réécrire l’histoire politique avec un tipp-ex ou une gomme élastique pour se faire bien voir du pouvoir du jour. Cette manière de reraconter l’histoire pour glorifier le dirigeant du moment atteignit le sommet du ridicule quand le gouvernement MSM et alliés fit installer à la place du Quai une statue de SAJ ostensiblement plus grande que celle de SSR !
Heureusement que Ritvik Neerbun n’a pas suivi la voie de la partisanerie politique, qu’aurait autorisée la situation politique du moment. Il s’est livré à un véritable travail de journaliste en puisant dans les archives pour raconter la vie du sujet de son documentaire. Contrairement à ce qu’on a laissé croire pendant des années, il existe pas mal d’images d’archives retraçant le parcours de SSR depuis l’indépendance en dehors des séquences archivues — et selon un seul angle — du quadricolore remplaçant le Union Jack au Champ de Mars le 12 mars 1968. Il existe également pas mal d’interventions télévisées et d’interviews de sir Seewoosagur Ramgoolam qui permettent de l’entendre s’exprimer sur divers sujets, en particulier sur la nécessité de l’union des différentes composantes de la nation mauricienne en devenir pour construire le pays. Surtout dans le contexte de ces périodes difficiles et compliquées — à tous points de vue — que furent pour Maurice les années précédant et suivant l’indépendance. Il suffisait de faire les recherches nécessaires dans nos archives, d’ici et d’ailleurs, pour retrouver — ou découvrir — ces documents au lieu de se contenter du catalogue réduit de celles qu’on utilise depuis des années. Par ailleurs, le choix des témoins, pas forcément des membres du PTr avec carte du parti, permettent de mieux comprendre le cheminement et, subséquemment, la vision de celui qui fut, selon un des intervenants, « probablement l’un des plus grands hommes du vingtième siècle à Maurice. »
Ramgoolam : le destin de Kewal est un documentaire digne de ce nom qui permet de découvrir, beaucoup mieux que dans les discours officiels forcément biaisés, des facettes inédites du premier Premier ministre de l’île Maurice. Des facettes et une histoire qui, il faut le souligner, ne sont pas enseignées dans nos écoles. Espérons que la nouvelle direction de la MBC ne fera pas du documentaire de Ritvik Neerbun l’exception qui confirme la règle et en produira d’autres, sur les autres personnalités politiques qui ont marqué l’histoire de Maurice. Elles ont été nombreuses et leurs cheminements et contributions méritent d’être connus.
Ramgoolam : le destin de Kewal, le documentaire qui, répétons-le, tranche nettement sur ce qu’on a pu voir sur le sujet, a cependant un défaut majeur : sa durée de 2 heures 36. Dans un monde audiovisuel où tout est résumé, abrégé, formaté aussi intéressant que puisse être un documentaire, le sujet et son traitement, celui de la MBC est difficile à regarder, à comprendre en un seul visionnage. Pour que tout le travail qui est derrière sa réalisation atteigne le grand public — et pas seulement les die hard rouges —, il faut impérativement que la MBC le rediffuse en plusieurs parties. Sinon, et ce serait dommage, il ira rejoindre le rayon des livres ou des CD que l’on ne consulte pas parce qu’ils sont trop épais ou trop longs.
J.-C.A.

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