Témoignage – Accident en mer, au Morne — Dominique Lamari (touriste française) : « Il y a des gens qui jouent avec la vie des autres pour de l’argent »

De retour en France avec cinq vertèbres cassées, huit vis dans le dos et deux tiges en titane Erwan Jestin (son petit-fils) : « Ne surtout pas essayer de relever un blessé avant l’arrivée des secours»

Près de deux mois après, Dominique Lamari, touriste française de la région bordelaise, subit les lourdes séquelles de son grave accident survenu lors d’une excursion en mer. Se retrouvant aujourd’hui avec cinq vertèbres cassées, huit vis dans le dos et deux tiges en titane, elle a frôlé de quelques millimètres la paralysie grâce à l’intervention des médecins, mais surtout grâce à son petit-fils, Erwan Jestin, champion national, européen et 5e mondial de judo au sol, qui a eu les bons gestes lors de l’accident. Tous les deux rentrés en France, traumatisés, ils n’ont plus de nouvelle de l’agence mauricienne… Ils témoignent.

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Ce qui devait être un voyage idyllique entre grand-mère et petit-fils a vite tourné au cauchemar. «Je souffre beaucoup et je suis dans une colère folle», nous confie Dominique Lamari au téléphone. Clouée au lit depuis son accident, elle arrive à peine à marcher, à courir, danser et chanter comme elle l’a toujours fait. Du haut de ses 70 ans, cette professionnelle de la psychothérapie qui connaît bien Maurice pour l’avoir visitée plusieurs fois a toujours croqué la vie à pleines dents. «Je suis en colère parce qu’il y a des gens qui jouent avec la vie des autres pour de l’argent. Cet accident aurait pu être évité, si l’agence nous avait avertis de l’avis de fortes houles émis ce jour-là, et si elle avait pris les précautions nécessaires… Aujourd’hui je souffre et je suis incertaine quant à mon avenir. Pour moi, ma vie est gâchée», nous dit-elle, la voix haletante.

Si Dominique Lamari a formellement porté plainte contre ladite agence, elle nous dit que celle-ci ne répond plus à ses appels… «Lorsque vous êtes en vacances, le premier réflexe est rarement de consulter la météo, vous faites confiance aux agenceset malheureusement nous sommes tombés sur une agence pas correcte », regrette-t-elle. En effet, il y a deux mois, lors d’une excursion en mer du côté du Morne, le bateau où se trouvent Dominique Lamari et son petit-fils Erwan Jestin se retrouve en difficulté au beau milieu de la mer. Essayant d’éviter une grosse vague, le bateau est contraint d’accélérer et les passagers sont projetés en l’air. Si les autres ont pu s’agripper à temps,  Dominique Lamari, elle, est alors projetée en l’air et atterrit au milieu du bateau sur le dos. «Je l’ai senti de suite que je m’étais blessée à la colonne vertébrale», se souvient Dominique Lamari. Prise d’angoisse, elle en fait encore à ce jour des cauchemars.

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« Mon petit-fils m’a sauvée »

Elle se rejoue la scène, avec la vague énorme qui se dresse devant eux et nous confie qu’elle pensait ce jour-là, qu’elle et son petit-fils n’allaient pas en sortir vivants. «Allongée au milieu du bateau, je savais que je ne devais pas bouger. Je sentais que ma colonne vertébrale avait été touchée. Les gens autour voulaient m’aider, mais je savais que malgré leur bonne volonté, essayer de me soulever pourrait aggraver les choses», dit-elle. Une chose d’ailleurs que les médecins lui confirmeront, plus tard… Son petit-fils, dit-elle, «a eu les bons gestes. Il a sauvé sa grand-mère», ajoute-t-elle.

En effet, pendant que Dominique Lamari agonisait, Erwan Jestin avec l’aide d’un bon samaritain parvient à sortir sa grand-mère du bateau, puis de l’eau pour la conduire à la clinique la plus proche où elle est opérée d’urgence. Mais avant cela, Dominique Lamari aura attendu 45 longues minutes «allongée sur le dos dans un bateau rempli d’eau glacée. Je tremblais de froid, j’avais extrêmement mal, mais j’ai bloqué mon corps et mes muscles pour rester collée au bateau, pour ne pas bouger. Je savais que je ne voulais pas être paralysée… je demandais à mon petit-fils de tout faire pour me tenir en place et il a assuré. Il a vraiment eu les bons gestes», confie-t-elle.

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Joint au téléphone, Erwan Jestin semble être toujours bouleversé par ce qui s’est passé il y a deux mois, mais est content que sa grand-mère soit en vie. «Ce voyage est un cadeau de ma grand-mère pour mes 18 ans. Il représentait donc beaucoup pour moi et pour elle. En plus, Maurice est une destination qui me faisait très envie, après avoir vu les photos et après que ma grand-mère m’en ait beaucoup parlé», nous dit-il. Erwan Jestin nous raconte comment il a pu, avec l’aide d’un homme, prendre en charge sa grand-mère avant de gagner la terre ferme.

« Quand quelqu’un se blesse, paniquer n’arrange rien. »

«Après l’incident, un monsieur qui était dans un autre bateau à côté du nôtre a tout de suite compris ce qui s’était passé et s’est rapproché de nous. Il m’a aidé à mettre ma grand-mère dans une position afin de la maintenir en place, pour que son dos bouge le moins pour éviter d’aggraver ses blessures justement», se souvient-il. Dominique Lamari a ensuite été placée sur le côté avec plusieurs coussins «qui la maintenaient en place et où on devait appuyer dessus. Nous étions plusieurs à la maintenir en place pour la ramener ensuite sur la côte.»

Sportif de haut niveau en judo et en jujitsu, Erwan Jestin nous avoue qu’il a pu garder son calme, «car ce n’est pas la première fois que je vois des gens se blesser. On m’a toujours appris dans mon sport que quand quelqu’un se blesse, paniquer n’arrange rien. Au contraire, cela risque de compliquer la tâche pour les gens qui veulent l’aider.» Il poursuit que «je fais du judo et du jujitsu, et il y a malheureusement beaucoup de chutes, de blessures au dos et au cou et le premier truc qu’on apprend, c’est de ne surtout pas essayer de relever le blessé avant l’arrivée des secours. Il faut le maintenir en place.»

Ce que, dit-il, «le monsieur a permis de faire cela plus rapidement, il n’y avait aucun spécialiste à bord du bateau. On pensait tous au départ à un mal de dos, mais on ne pensait pas à une fracture voire à plusieurs fractures… Donc même quand il y a un doute, il faut éviter au maximum de relever la personne.» Si Erwan Jestin avoue avoir vécu un moment difficile pendant ce premier séjour à Maurice, il espère pourtant y revenir. «Les gens sont gentils. Je remercie tous ceux qui nous ont aidés, notamment le taxi qui est resté avec nous pendant longtemps, les médecins et nos amis. Je suis heureux que ma grand-mère ne soit pas paralysée même si elle vit des moments très difficiles.»

En effet, si Dominique Lamari est consciente qu’elle a frôlé de peu la mort et la paralysie, elle peine néanmoins à se remettre de «ce film d’horreur. Et les séquelles sont lourdes physiquement, mentalement mais aussi financièrement.» En effet, Dominique Lamari ne pourra pas reprendre le travail à plein temps avant longtemps. «Mon métier consiste à parler toute la journée, et rien qu’en vous parlant, je suis essoufflée. Les vis dans le dos, me compriment», dit-elle. Elle a, par ailleurs, dû employer quelqu’un pour l’aider à la maison d’autant que son compagnon a fait plusieurs AVC est qu’il n’est lui-même pas en état de faire de grandes manœuvres. «J’ai toujours fait plus jeune que mon âge, je l’avoue et j’ai toujours pratiqué les sports que les petits jeunes font, mais plus maintenant…» Bouleversée, Dominique Lamari lance un message aux autorités, leur demandant plus de contrôle quant aux agences d’excursion pour les touristes et autres.

 

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