Afrobarometer, représenté à Maurice par Straconsult, consacre sa dernière enquête publiée cette semaine à l’opinion des Mauriciens sur le commerce international, l’influence des organisations régionales africaines sur Maurice et leurs sentiments concernant les immigrants et les travailleurs étrangers. Il ressort que le succès économique de Maurice repose en bonne partie sur son ouverture commerciale et ses accords commerciaux multilatéraux, en particulier avec le continent africain. Toutefois, l’enquête révèle que la plupart des Mauriciens ne connaissent pas les implications de la zone de libre échange du continent africain (ZLECAf ). Pire encore beaucoup de Mauriciens sous-estiment la présence des travailleurs étrangers à Maurice et expriment des réserves sur les mouvements transfrontaliers et l’immigration.
L’enquête, qui porte la signature de Preesha Ramtohul et Zuhayr Mustun, constate que la pénurie persistante de main-d’œuvre dans le pays a entraîné une forte dépendance de la main-d’œuvre étrangère, qui est devenue l’épine dorsale de nombreuses unités axées sur l’exportation. Malgré cela, un grand nombre de Mauriciens expriment des appréhensions à l’égard des travailleurs migrants et considèrent que leur impact est principalement négatif.
Alors que la fuite des cerveaux continue d’être un problème croissant, la dépendance du pays à l’égard des travailleurs migrants risque de s’intensifier. En tant que tel, le gouvernement devra élaborer des politiques et des cadres de migration de main-d’œuvre pour gérer l’afflux de travailleurs étrangers et surtout minimiser la montée des sentiments xénophobes à travers une campagne d’explication.
Afrobarometer souligne qu’au cours des 20 dernières années, l’île Maurice a connu un triple coup dur : une baisse de la fécondité dans une population vieillissante, un taux de chômage très faible avec une importante émigration des jeunes et une augmentation rapide du taux de réussite dans l’enseignement supérieur. Ces facteurs ont entraîné un problème croissant de déficit de ressources humaines dans des secteurs, tels que l’industrie manufacturière et la construction, mais aussi de plus en plus dans les emplois hautement qualifiés.
Le pays a dû avoir recours à la main-d’œuvre, principalement de Chine, d’Inde, du Bangladesh, du Népal et de Madagascar. En général, ces travailleurs migrants ont des contrats de trois ans. Par ailleurs, un système appelé permis d’occupation permet le recrutement de cadres professionnels étrangers par des entreprises du secteur privé.
Dans le même temps, l’île Maurice vise à être un centre d’enseignement supérieur pour l’Afrique en offrant diverses opportunités aux étudiants à un coût raisonnable. La majorité des étudiants internationaux dans les établissements d’enseignement supérieur de Maurice sont originaires d’Afrique continentale, et le programme de bourses Maurice-Afrique renforce encore les relations avec le continent. À la fois pour encourager les étudiants étrangers et pour renforcer le marché du travail local, le gouvernement autorise les étudiants étrangers à travailler 20 heures par semaine.
D’autre part, les résultats de l’enquête d’Afrobarometer révèlent entre autres qu’une majorité de Mauriciens sont ouverts au commerce international, les citoyens sont divisés sur la question de savoir si les gens devraient pouvoir circuler librement au-delà des frontières. Cependant, près de la moitié d’entre eux expriment des attitudes intolérantes à l’égard des immigrants, et avec une option visant à plafonner, réduire ou éliminer l’entrée des travailleurs étrangers.
Les résultats de l’enquête indiquent que plus des deux tiers (68 %) des Mauriciens estiment que les pays africains devraient avoir une plus grande influence dans les processus de prise de décision des organismes internationaux, dont l’ONU. La majorité des personnes interrogées affirment que l’Union africaine (58 %) et la SADC (55 %) reconnaissent les besoins et les intérêts de Maurice dans leur prise de décision. Les trois quarts (76 %) des personnes interrogées disent ne pas connaître la ZLECAf.
Plus de la moitié des Mauriciens se félicitent de l’influence économique et politique de l’Union africaine (61 %), de la SADC (54 %) et de la Commission de l’océan Indien (53 %). Les perceptions négatives sont rares. Une majorité (56 %) des personnes interrogées affirment que le commerce international est bon pour l’économie de leur pays, mais une part importante (35 %) trouve que le gouvernement devrait limiter le commerce pour protéger les industries locales.
Là où le bât blesse est que les Mauriciens sont divisés sur la question de la libre circulation transfrontalière. 41 % disent que les habitants d’Afrique australe devraient pouvoir traverser librement les frontières internationales pour commercer ou travailler, mais 39 % ne sont pas d’accord.
La moitié (50 %) des personnes interrogées considèrent que l’impact économique des travailleurs immigrés est « assez mauvais » ou « très mauvais » pour Maurice, tandis que seulement 28 % le considèrent comme positif. Près de la moitié (48 %) des citoyens disent qu’ils « n’aimeraient pas du tout » ou qu’ils « détesteraient fortement » la présence d’immigrants ou de travailleurs étrangers parmi leurs voisins. La plupart des Mauriciens disent que le gouvernement devrait limiter le nombre de travailleurs migrants au niveau actuel (48 %), réduire leur nombre (33 %) ou interdire l’entrée des travailleurs étrangers (10 %).
Aux niveaux continental et régional, une majorité de Mauriciens pensent que les besoins et les intérêts de leur pays sont suffisamment pris en compte par l’Union africaine (58 %) et la SADC (55 %). Environ quatre personnes interrogées sur 10 ne prennent pas position sur la question, tandis que très peu (4 % chacune) considèrent que l’Union africaine ou la SADC ne prennent pas en compte les besoins et les intérêts de Maurice.
D’une manière générale, une majorité de Mauriciens considèrent que les organisations régionales africaines exercent une influence positive sur le pays. L’Union africaine est la plus largement perçue favorablement (61 %), suivie de la SADC (54 %) et de la Commission de l’océan Indien (53 %). Seulement 43 % des personnes interrogées saluent l’influence du COMESA. Mais là encore, le niveau de notoriété de ces organisations et de la façon dont elles influencent Maurice est relativement faible, avec jusqu’à 55 % disant qu’elles « ne savent pas » ou refusant de prendre position, et les perceptions de leur influence comme négative sont rares (2 %-3 %).