L’intelligence artificielle (IA) de ChatGPT peut, à peine en quelques heures aujourd’hui, accoucher d’un livre. Ce qui suscite des interrogations quant à l’éthique qui la sous-tend mais aussi concernant l’impact sur le devenir des auteurs. Prenons connaissance des avis de trois écrivains.
Jean Lindsay Dhookit, qui a remporté entre autres le prix de poésie Édouard Maunick 2022-2023 pour son poème intitulé Demin pa pou twa, soutient que même si ChatGPT a cette possibilité d’écrire un livre en quelques heures, « le roman aura toujours l’air d’un réchauffé pour la simple et bonne raison que ChatGPT n’aura fait que puiser dans cette vaste quantité des données qui existent sur Internet ». L’IA aura beau bluffer, dit-il, « en écrivant quelque chose d’apparemment original, en brassant les tonnes d’idées, plus ou moins courantes, dans ce grand répertoire qu’est Internet, elle ne sera jamais en mesure de proposer une œuvre innovante comme seul un cerveau extraordinaire pourrait le faire ». Et d’interroger non sans un brin d’ironie : « Voyez-vous l’IA rédiger un livre comme À la recherche du temps perdu ? »
Amarnath Hosany, qui a décroché le prix Saint-Exupéry – Valeurs jeunesse (catégorie Francophonie) en 2019, considère que l’IA ne constitue pas une menace pour les écrivains. « Ne pas me fier à mon inspiration et utiliser l’IA à la place pour créer serait artificiel. » Tel est en substance, son avis. Ceux qui ont recours à l’IA sont à ses yeux « surtout des personnes qui veulent à tout prix être publiées » alors qu’il faut, insiste-t-il, suer pour pouvoir écrire. S’il ne nie pas que l’IA peut être utile, il se demande quelle est la part, dans le produit final, qui revient à la personne qui décide d’y avoir recours. « Quelle est la part d’inspiration qui vient de lui ; quelle est sa motivation ; quel est son but derrière ? C’est la question qu’il faut se poser. »
Pour Gillian Geneviève, enseignant et écrivain ayant remporté le prix de poésie Édouard Maunick 2020-2021, « nous sommes en train d’assister à l’émergence d’une situation qui confronte l’homme à son destin. L’intelligence artificielle va changer le cours de notre histoire. Et il s’agit d’en être conscient ».
Quant aux possibles répercussions, il est d’opinion que toute avancée technologique est à la fois une menace mais aussi une opportunité pour les auteurs. Si le phénomène de l’IA, ajoute-t-il, s’accentuera inévitablement, il est inutile à ses yeux de s’en inquiéter. « Cette situation n’est pas réversible. Mais son succès dépendra juste d’une question d’offre et de demande. » Tout de même, une œuvre littéraire produite par l’IA « manquera toujours la nuance, l’invisible, l’imprévisible, l’indicible propres à ce qu’aura vécu un auteur humain et qui lui donnera dans son travail d’écriture du style ».
JEAN LINDSAY DHOOKIT (ÉCRIVAIN) :
« Le roman de ChatGPT aura toujours l’air du réchauffé »
Dans le sillage de la Journée du Livre, l’on ne saurait passer outre la propension que prend de plus en plus l’intelligence artificielle (IA), particulièrement ChatGPT, qui pourrait, entend-on, écrire un livre entier en à peine quelques heures. L’omniprésence grandissante de cet outil qui pourrait aider n’importe qui à écrire un livre constitue-t-elle une menace pour les auteurs et chercheurs ?
Même si ChatGPT a cette possibilité d’écrire un livre en quelques heures, je ne vois pas comment il pourrait produire une œuvre vraiment originale. Le roman aura toujours l’air d’un réchauffé pour la simple raison que ChatGPT n’a fait que puiser dans cette vaste quantité des données qui existent sur Internet. Donc, l’IA pourrait très bien façonner un roman d’espionnage en digérant les écrits de John Buchan, Ian Fleming, et John le Carré. Mais, ce serait étonnant si l’IA pouvait écrire des livres comme Alice au pays des merveilles ou Le Petit Prince si Lewis Carol et Saint-Exupéry n’avaient pas vécu.
Mettons maintenant de côté le domaine littéraire. Nul ne peut contester que l’IA s’implique de plus en plus dans la recherche. Certes, c’est une aubaine pour les scientifiques, car en travaillant de pair avec ce nouvel outil, cela pourra leur ouvrir une nouvelle voie – en les aidant à faire des raccourcis. Puisque les connaissances disponibles dans les domaines scientifiques dépassent largement ce qu’une personne peut assimiler, l’IA peut s’avérer être un outil précieux pour organiser ces connaissances et trouver des liens entre eux. Clairement, c’est un collaborateur et pas un rival.
L’ingéniosité humaine est mystérieuse. Ce serait extraordinaire si une intelligence artificielle parvenait à concevoir le nombre imaginaire « i » qui, au carré donne « – 1 » – alors que n’importe quel étudiant en maths élémentaire vous dira que le carré d’un nombre est toujours positif, quel que soit le signe du nombre au départ.
Voyez-vous, si toutes les données sur Internet indiquaient que les carrés des nombres étaient positifs, je ne vois pas comment l’IA pourrait aller à contresens et dire que ce résultat puisse être négatif ! Ce qui est pourtant possible. Car même si ces nombres complexes résident dans le domaine de l’imaginaire, ils sont fondamentaux pour résoudre pas mal de problèmes en ingénierie.
Abordons maintenant le domaine de la physique. Si Einstein (ou quelqu’un de sa trempe) n’avait pas formulé la théorie de la relativité, il aurait fallu vraiment de l’audace à un ChatGPT pour venir proposer l’extraordinaire idée que le temps n’est pas absolu ! Oui, encore une fois, cela va à l’encontre du bon sens. Mais c’est bel et bien le cas. Car si nous faisons l’impasse sur ce fait, les GPS seront bien vite déréglés !
Comment voyez-vous l’avenir du livre avec l’intelligence artificielle ? Les rayons des librairies regorgeront-ils dans le futur de produits de ChatGPT?
Oui, l’IA pourrait très bien inonder le marché avec des tonnes de livres. Mais cela ne signifie pas que ces ouvrages seront automatiquement les chouchous des lecteurs. Il est presque certain que beaucoup donneront cette impression de « déjà lu » – ce qui pourrait bien créer un effet boomerang, car de plus en plus de lecteurs se tourneront vers des livres écrits par des humains.
Ce sera comme séparer le bon grain de l’ivraie. Un lecteur avisé se lassera bien vite de ces livres plutôt fades et produits en grande quantité par l’IA. Il cherchera toujours quelque chose de nouveau qui excitera son imagination. Donc, une œuvre sans antécédent, écrit par un être humain, trouvera toujours preneur.
ChatGPT peut-il remplacer les écrivains ?
L’écriture par l’IA a cette fâcheuse tendance à être mécanique et stéréotypée, ce qui convient à la rédaction technique mais qui peut devenir problématique lorsque vous devez transmettre chaleur et émotion afin d’engager les lecteurs et stimuler leur intérêt. Comme j’ai déjà mentionné, les fictions entièrement générées par l’IA seront comme du réchauffé. Pour les produire, l’IA devra forcément puiser dans Internet – comme un chalutier vaquant sur l’océan avec son grand filet. Et même si l’IA pourra récolter des « poissons », elle va aussi récolter beaucoup de « plastiques » ! Ces œuvres produites manqueront de punch et seront vite mises au rancart.
Faudrait-il des lois autour de l’utilisation de l’IA dans la production d’un livre ?
Interdire un livre limite la liberté d’expression. Tout comme on ne peut empêcher la publication des livres qui ne valent pas grand-chose, je ne pense pas qu’on devrait introduire des lois pour prohiber la publication d’un livre, produit en grande partie ou même entièrement par l’utilisation de l’IA. Laissons le champ libre au public de juger ces livres à leur juste valeur. Et tôt ou tard, on finira bien par faire la différence entre un roman fabriqué de toutes pièces (pour ne pas dire avec froideur !) par l’IA et celui écrit avec émotion et chaleur par un être fait de chair et de sang !
En conclusion…
L’IA pourra certes nous bluffer en écrivant quelque chose apparemment original en brassant des tonnes d’idées, plus ou moins courantes, dans ce grand répertoire qu’est Internet. Mais elle ne sera jamais en mesure de proposer une œuvre innovante comme seul un cerveau extraordinaire pourrait le faire. Franchement, s’il n’y avait pas Proust, voyez-vous l’IA rédiger un livre comme À la recherche du temps perdu ? Ou s’il n’y avait pas Rudyard Kipling, l’IA serait-elle en mesure d’écrire un poème aussi sublime que If ?
Au fait, faites cette expérience. Essayez de mettre la main sur un poème généré par l’IA. C’est comme croquer dans une pomme plastique. Car même si l’apparence est correcte, le goût est tellement insipide. Oui, il y aura peut-être un semblant de rythme mais ce n’est pas le rythme d’un battement de cœur. C’est un rythme monotone qui essaie tant bien que mal de dégager une chaleur. Mais c’est la chaleur d’un ordinateur ou d’un téléphone portable… tellement différente de la vraie chaleur humaine !
AMARNATH HOSANY (AUTEUR JEUNESSE) :
« Utiliser l’IA au lieu de son inspiration serait artificiel »
Dans le sillage de la Journée du Livre, l’on ne saurait passer outre la propension que prend de plus en plus l’intelligence artificielle (IA), particulière ChatGPT qui pourrait, entend-on, écrire un livre entier en à peine quelques heures. L’omniprésence grandissante de cet outil qui pourrait aider n’importe qui à écrire un livre constitue-t-elle une menace pour les auteurs ?
C’est à celui qui a recours à l’IA pour écrire de voir si ce qu’il fait est valable. Est-ce que c’est adressé à un lecteur particulier ? Pour moi, cela relève quelque peu de la tricherie. Moi, je n’utilise pas ces technologies, je ne comprends pas quel est le but derrière. Moi, je me fie à mon inspiration, à mes expériences. Comme je le dis souvent, j’ai été bercé par les histoires que me racontait ma grand-mère. Cette tradition de raconter des histoires aux enfants disparaît malheureusement. Tout cela poussait l’enfant à découvrir ce qu’il y a derrière l’histoire. Moi, c’est ce qui m’a poussé par la suite, avec la lecture, à m’adonner à l’écriture. Il s’agit d’une passion.
Ne pas me fier à mon inspiration et utiliser l’IA à la place pour créer serait artificiel. Mais pour moi, cela ne constitue pas une menace. Ceux qui ont recours à l’IA sont surtout des personnes qui veulent à tout prix être publiées. Il faut suer pour pouvoir écrire. À travers cette méthode, il n’y a pas d’inspiration si ce n’est quelques idées. La machine fait tout.
Imaginez demain des livres de jeunesse produits par ChatGPT sur les rayons des librairies… Cela ne dissuadera-t-il pas davantage un lectorat déjà en baisse ?
Le gros problème à Maurice, c’est que rien n’est fait pour promouvoir le livre et la lecture. C’est pourquoi depuis que je suis publié par des maisons d’édition ici et ailleurs, je constate qu’il y a intervention des professionnels au niveau de la fabrication d’un livre. Il y a le regard, les mains, le savoir-faire de professionnels qui font qu’on a quelque chose de travaillé qui atterrit entre les mains du lecteur. Si on saute ces étapes, c’est la machine qui fait tout. On lui demande de nous écrire un texte, c’est artificiel. Même si à la base, c’est l’homme qui a donné à la machine toutes les données dans lesquelles elle puise pour pouvoir écrire un livre.
Quand j’écris une histoire, je me base sur mes données à moi, mes expériences, ce que je ressens, vois, entends, sens. J’utilise mes sens ; je note des éléments et cela cogite à l’intérieur. Mon cerveau travaille à travers mon inspiration. Quand cela demande à sortir, ce n’est pas forcé mais sort tout naturellement. C’est tout un processus qu’il faut comprendre et que ceux qui veulent faciliter cette tâche ne prennent pas en considération.
Dans le monde du travail aussi, on est en train de remplacer l’homme par la machine. Si cela continue, tout disparaîtra : l’inspiration, la sensibilité, l’expérience de la vie, les valeurs…
Pour vous, ChatGPT ne peut remplacer les écrivains ?
On va l’utiliser peut-être pour se faciliter la tâche. Je ne nie pas qu’il y a certaines choses qu’on peut utiliser. Si demain, quelqu’un se dit qu’il va écrire une histoire mais décide d’avoir recours à l’IA, l’effort ne viendra pas de lui. Il va donner des directives à la machine pour écrire une histoire mais quelle est la part qui lui revient dans le produit final ? Quelle inspiration qui vient de lui ? Quelle est sa motivation ? Quel est son but derrière ? Ce sont des questions qu’il faut se poser. C’est un grand débat. Je ne suis pas expert en matière de technologie mais je me base sur mon expérience en tant qu’auteur.
Faudrait-il des lois autour de l’utilisation de l’IA dans la production du contenu d’un livre ?
Il faut peut-être fixer des restrictions et mettre en garde contre les conséquences. Où tout cela nous mènera-t-il ? Cela facilite la tâche, oui, mais quelles seront les conséquences demain de tout cela ? Par exemple, dans mon cas, cela a été une longue bataille pour pouvoir me retrouver là où je me trouve aujourd’hui.
Moi, j’ai un lectorat qui est fidèle. Quand je vais dans une école, quand j’interviens, j’ai un lectorat avec lequel je partage mes expériences. Ce n’est pas la machine ici. C’est l’auteur qui rencontre le lecteur. Il y a le contact humain. Je pense qu’il faudrait interpeller sur la touche humaine dans l’écriture d’un livre et quels seront les résultats si on a recours à l’IA. Il faut des mises en garde, c’est important.
En conclusion…
Le livre a toujours été menacé par le téléphone portable et les tablettes. Pourquoi l’écriture commence à avoir des failles ? Parce que tout est aujourd’hui facilité à travers les messages sur les portables. Donc, le livre a toujours été menacé mais cela n’a pas empêché les fidèles lecteurs de continuer à être confortables avec le livre. Ce sont les institutions responsables qui doivent veiller à ce que la promotion de la lecture se fasse de manière bien organisée.
Les maisons d’édition vont toujours œuvrer pour que les lecteurs soient préservés, mais encore faut-il, surtout à Maurice, que les bibliothécaires et les libraires sachent quel est leur rôle dans la chaîne du livre. Est-ce qu’ils font des efforts pour promouvoir le livre ? Un bibliothécaire peut travailler dans une grande bibliothèque qui a de belles collections de livres mais s’il n’arrive pas à prendre l’enfant par la main et le guider vers le livre, il faillit à son rôle. C’est ce qui manque à Maurice, des passionnés de lecture qui transmettent cette passion aux enfants. Si un enfant entre pour la première fois dans une bibliothèque et rencontre une personne passionnée par le livre, l’enfant sera sous le charme…
GILLIAN GENEVIÈVE (ENSEIGNANT ET NOUVELLISTE) :
« L’émergence d’une situation qui confronte l’homme à son destin »
Dans le sillage de la Journée du Livre, l’on ne saurait passer outre la propension que prend de plus en plus l’intelligence artificielle (IA), en particulier ChatGPT qui pourrait, entend-on, écrire un livre entier en à peine quelques heures. L’omniprésence grandissante de cet outil qui pourrait aider n’importe qui à écrire un livre constitue-t-elle une menace pour les auteurs ?
Il y aurait tant à dire de l’IA, surtout qu’on est juste au tout début de cette nouvelle phase de l’épopée humaine. Je parle de nouvelle phase car l’IA change la donne et nous sommes en train d’assister à l’émergence d’une situation qui confronte l’homme à son destin, au sens même de sa vie et à sa place dans le cosmos. De surcroît, les implications de la présence dans nos vies d’intelligences artificielles sont à la fois philosophiques, économiques, sociales, existentielles, éthiques et même religieuses. Les enjeux sont énormes et il s’agit pour nous humains de ne pas jouer aux apprentis sorciers. Tout comme le nucléaire avec le projet Manhattan a eu le pouvoir de donner une nouvelle orientation à l’aventure humaine, l’intelligence artificielle va changer le cours de notre histoire. Et il s’agit d’en être conscient. Pour au moins être capable de commencer une ébauche de réflexion et ne pas se laisser happer par ce qui va se passer au cours des prochaines années.
Pour en revenir à votre question, toute avancée technologique représente pour moi à la fois une menace mais aussi une opportunité pour les auteurs. L’imprimerie a permis aux textes de se propager alors que dans certains milieux on la considérait comme une menace pour la foi et l’humain. Internet et les réseaux sociaux ont créé une nouvelle génération d’hébétés passifs qui restent hypnotisés par leurs écrans et qui ne lisent plus. Mais les réseaux sont aussi un outil de communication extraordinaire qui a permis l’échange et une meilleure intelligence du monde chez certains. L’IA sera aussi à la fois menace et opportunité pour les auteurs.
Comment voyez-vous l’avenir du livre avec l’intelligence artificielle ? Les rayons des librairies regorgeront-ils dans le futur de produits de ChatGPT?
On peut déjà trouver des livres écrits par l’IA sur les rayons de certaines librairies à l’étranger. Ils sont aussi disponibles en ligne. Et le phénomène va inévitablement s’accentuer. Il est inutile de s’en inquiéter. Cette situation n’est pas réversible. Mais son succès dépendra juste d’une question d’offre et de demande. Si la demande est là pour des livres écrits par l’IA, alors le succès sera là et les auteurs humains devront apprendre à côtoyer ces nouveaux compétiteurs, faire preuve d’imagination pour sortir du lot et se distinguer à la fois de l’intelligence artificielle et d’autres auteurs humains.
Mais au fond, tout cela n’est pas nouveau. Spécialiste du marketing, je sais déjà que le monde de l’art, de la musique ou du cinéma est déjà touché depuis longtemps par un phénomène de formatage, conséquence d’une approche proactive du marché de la chose culturelle et artistique.
On procède à une étude de marché et on fabrique des boys bands qui marchent le temps de quelques années. On étudie les subtilités de la demande et on produit des séries Netflix qui trouvent preneurs. Il en sera de même pour les livres écrits par l’IA. S’il y a demande, il y aura offre.
Mais les séries insipides sur les plateformes de streaming n’empêchent pas des chefs d’œuvres humains d’exister. Et ce sera la même chose en littérature. Impossibles adieux de Han Kang, dernier prix Nobel de Littérature, magnifique roman « humain », va se retrouver sur les mêmes rayons que des romans écrits par l’IA. Paradoxalement, les livres générés par l’IA peuvent au contraire augmenter le nombre de lecteurs tout comme les séries quelconques ont augmenté le nombre d’individus consommateurs de films. Mais il s’agira dans le domaine du livre aux lecteurs de faire le bon choix…
ChatGPT peut-il remplacer les écrivains ?
Le mot artificiel me vient à l’esprit et évoque en moi (c’est un avis personnel) un déficit d’âme, un déficit de souffle humain, un déficit de blessures et de ressentis, un déficit de vécu et d’expériences qui feront toute la différence. La véritable intelligence ne se construit pas uniquement avec des données. La vie ne se résume pas au big data. Et c’est cela la limite de l’intelligence artificielle. Biberonnée au data, elle est capable de tout faire sauf de restituer le vivant en nous qui n’est pas que la somme des données constitutives de notre histoire. Il manquera toujours la nuance, l’invisible, l’imprévisible, l’indicible propres à ce qu’aura vécu un auteur humain et qui lui donnera dans son travail d’écriture du style. Cela fait toute la différence. Et l’humain saura reconnaître ce qui fait réellement écho à son humanité. C’est du moins mon espérance.
Faudrait-il des lois autour de l’utilisation de l’IA dans la production du contenu d’un livre ?
Définitivement. Ce que l’IA fait s’apparente à une forme de pillage du patrimoine culturel et littéraire. Et cela, sans l’assentiment des auteurs et des artistes. Cela m’a choqué récemment, la génération d’images dans le style du studio Ghibli. Cela paraissait amusant mais n’était pas à mon avis anodin. C’est tout le travail d’un homme, Miyazaki, tout son vécu, tout ce qui a permis son talent et son style, fruit de toute une vie de réflexions qui était ainsi utilisé, vulgarisé, dénaturé sans lui avoir demandé son avis. Cela est inacceptable !
En conclusion…
Jorge Borges a écrit un jour que vivre à une époque de grands périls et de grandes promesses, c’est faire l’expérience à la fois de la tragédie et de la comédie, avec l’imminence d’une révélation dans la compréhension de nous-mêmes et du monde.
Nous en sommes là. À la croisée des chemins. Peu en sont conscients. J’ai l’intuition que les choix que nous ferons concernant l’IA diront, au bout du compte, ce qu’est réellement l’humanité, ce qui fait véritablement la grandeur ou, au bout du compte, la médiocrité de notre espèce.
Mais je reste un éternel optimiste. Certes, l’humain a toujours été capable de tendre vers le pire mais, pour citer le malheureusement défunt pape François : je crois en l’homme.