Près de 60 ans après son adoption, la Constitution mauricienne continue de structurer la vie politique et institutionnelle du pays. Mais face aux mutations de la société et aux failles du système électoral, la question d’une réforme profonde revient avec insistance. Comme il a été annoncé dans le programme gouvernemental, une commission devrait être instituée au cours de cette année pour recommander des réformes constitutionnelles et électorales, ainsi que le renforcement de la protection des droits fondamentaux.
La réforme électorale inclura une représentation parlementaire plus équitable avec une dose de proportionnelle, un plus grand nombre de femmes députées, un droit de révocation des députés sous certaines conditions, des dispositions contre les changements d’allégeance politique (anti-transfuges).
L’ex-président Cassam Uteem, le parlementaire Kushal Lobine et l’historien Jocelyn Chan Low livrent, cette semaine, leurs avis sur la question, entre refonte ambitieuse, modernisation ciblée et appel à un processus participatif, transparent et indépendant.
Jocelyn Chan Low, historien
« L’obstacle majeur à toute réforme est ceux qui bénéficient du système »
Selon vous, les conditions sont-elles réunies aujourd’hui pour entamer une réforme constitutionnelle profonde ?
À première vue, oui, car l’Alliance du Changement dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale bien supérieure aux trois-quarts requis par la Section 47 de la Constitution pour toute modification fondamentale. En outre, les réformes constitutionnelles figurent au programme électoral de l’Alliance, et Rezistans ek Alternativ pourrait agir en aiguillon à ce sujet, qui d’ailleurs figure en bonne place dans le discours-programme du gouvernement. Cependant, d’une manière générale, l’obstacle majeur à toute réforme constitutionnelle et électorale majeure, ici et ailleurs, c’est le fait que ce sont généralement ceux qui bénéficient du système qui arrivent à se hisser au pouvoir…
En outre, sur certains sujets, une grande partie des Mauriciens sont très conservateurs, et dans un climat où la popularité du régime est en chute, avec la politique d’austérité et la hausse des prix inévitable, il n’est pas certain que le gouvernement ouvre certains dossiers controversés.
Quelle composition garantirait, selon vous, l’indépendance et la représentativité de cette commission ?
Si nous nous référons au passé, notamment depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Commissions de réforme électorale et constitutionnelle ont été présidées invariablement par des experts étrangers, avec un très fort bagage à la fois académique et pratique en Constitution Making and Writing, avec deux assesseurs qui pourraient être des locaux. Nous nous souvenons de Trustam Eve, de Banwell, d’Albie Sachs, du Pr Carcassonne, etc.. Car au-delà de la représentativité, ce qui importe, c’est la compétence.
Bien sûr, le public est généralement invité à soumettre des propositions, mais c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot une fois le rapport soumis. Cela dit, il est a tout à fait logique qu’une femme siège au sein de la Commission. Bien sûr, tout dépendra de l’objectif du gouvernement. Par exemple serait-ce un comité ou une commission ?
Une commission est-elle le meilleur outil pour initier une réforme constitutionnelle ?
Il y a certains qui plaident pour une Assemblée constituante appelée à modifier de fond en comble notre Constitution selon les « souhaits » de la population. Mais je ne crois pas qu’une telle assemblée est d’actualité, surtout que, si nous nous référons au programme de l’Alliance du Changement, le but est d’améliorer le système, et non de le remplacer complètement.
En outre, une Assemblée constituante risque de dégénérer en Talking Shop, alourdissant et ralentissant considérablement le processus de réforme. Toutefois à travers les débats publics et les soumissions écrites à la commission, les citoyens engagés, les ONG, les forces politiques, etc., pourront toujours se faire entendre.
Quels sont, selon vous, les atouts et les limites de notre Constitution actuelle, héritée de l’indépendance ?
Ce serait très fastueux de détailler tout cela, mais il faut souligner surtout que la Constitution de 1968, qui perdure toujours malgré la trentaine d’amendements qui y ont été apportés depuis l’indépendance, a été Carefully Drafted à la suite d’un très long processus, qui avait comme objectif d’adapter le Westminster System au contexte très différent d’une société insulaire, tropicale, multiethnique, dans un contexte de crise structurelle de l’économie, d’exacerbation des tensions interethniques et de guerre froide au niveau géopolitique. Malgré ses lacunes, cette Constitution nous a bien servis.
Évidemment, les temps ont changé, et quoi que nous en disions, la nation mauricienne a beaucoup progressé. Et sur certains points, la Constitution semble inadaptée et en retard. Par exemple, le Best Loser System, qui institutionnalise la notion de communauté, alors qu’elle n’existe nulle part ailleurs officiellement. Ensuite, une Constitution doit être évaluée dans la pratique, à travers une étude approfondie de l’histoire politique du pays.
Il est évident par exemple que la faible représentativité des femmes n’est plus tolérable dans un pays où l’éducation gratuite a considérablement accéléré l’émancipation de la femme. Ensuite, la Constitution n’a pas été capable de freiner la mauvaise gouvernance, le scandale du Money Politics, la dérive des partis politiques vers des entités non-démocratiques, non collectifs mais sous le contrôle d’une personne ou d’une famille, le financement opaque des partis politiques, qui ouvre la voie à la State Capture par de gros intérêts privés. En outre, bien que la Constitution a été écrite en 1968, elle n’a pas inclus les droits économiques et sociaux, et évidemment, elle n’inclut pas la troisième génération des droits humains, qui a trait à l’écologie, la Data Privacy face à un État ayant les moyens d’agir comme Big Brother, etc.
Et puis, comme nous avons pu le constater aux dernières élections générales, il y a définitivement une très grande méfiance parmi la population par rapport à l’organisation des élections. Il faudra renforcer les pouvoirs de la Commission électorale pour que le processus électoral soit davantage perçu comme étant Free and Fair. Finalement, il y a eu, au fil du temps, une trop grande concentration des pouvoirs aux mains du Premier ministre, et il faudra y remédier.
Sommes-nous à l’heure d’une refondation avec une nouvelle Constitution ou d’une révision constitutionnelle ?
Il est évident que nous sommes à l’heure de la révision constitutionnelle, et non dans l’élaboration d’une nouvelle République qui exigerait une très profonde réflexion sur ce que nous voulons être en tant que nation. Par exemple, Maurice pourrait alors être décrite comme une République indivisible, multiculturelle, démocratique et sociale. De ce fait, dans un pays marqué profondément par les traumatismes de l’esclavage, de l’engagisme et l’extrême concentration des richesses, la mission de l’État serait alors de réduire les inégalités sociales et de garantir le bien-être de la population, par exemple en consolidant le Welfare State et les acquis sociaux. Malheureusement, la nouvelle République n’est pas à l’agenda.
Quels changements vous semblent nécessaires pour rendre le système électoral plus équitable ?
La question de la réforme a été longuement débattue au cours de ces dernières décennies depuis le rapport Sachs, Collendavelloo, Carcassonne, Sithanen, etc. Il est évident qu’un système électoral qui a produit à trois reprises un 60-0 alors que les perdants ont récolté au moins 25% des votes ne peut perdurer. Le remède serait d’introduire une bonne dose de proportionnelle dans le système, sans affaiblir l’exécutif. Cette dose de proportionnelle pourrait aussi aider à régler le problème du Best Loser System. Il est à souligner que le Ptr et le MMM sont tombés d’accord sur la formule Sithanen de 2014, bien qu’il y ait quelques problèmes à régler autour du BLS.
Quels mécanismes ou garanties pourraient prévenir toute instrumentalisation politique de cette réforme ?
Malheureusement, l’histoire politique récente révèle que, parmi les amendements apportés à la Constitution depuis 1968, la grosse majorité obéissait primordialement à des considérations tactiques politiciennes conjoncturelles, et non à une volonté réelle de moderniser la Constitution. Dans le cas présent, avec un gouvernement élu avec une majorité de 60-0, nous ne pouvons qu’en appeler à la bonne conscience des dirigeants et des députés de l’Alliance du Changement en leur rappelant surtout que le pouvoir est un “greasy pole difficult to climb up and so easy to slide down”…
Pensez-vous que la société civile, les citoyens, ou les experts devraient être consultés dans ce processus ? Vous-même, auriez-vous souhaité y contribuer ?
Bien sûr, toute réforme constitutionnelle exige des consultations avec la société civile, etc. Et tout citoyen responsable doit y contribuer volontairement selon ses capacités.
Cassam Uteem, ex-président de la République
« It’s now or never »
Selon vous, les conditions sont-elles réunies aujourd’hui pour entamer une réforme constitutionnelle profonde ?
Depuis le temps que nous en parlons, it’s now or never ! Nous avons aujourd’hui un gouvernement de coalition dit du changement et dont les composantes, qui ont toutes ou presque toutes déclaré à un moment ou à un autre, et certaines de façon systématique et vigoureuse, être en faveur d’amendements à une Constitution, vieille de presque 60 ans et héritée des Britanniques, au moment des négociations en vue de notre indépendance, sans apport aucun affirme-t-on, de la partie mauricienne.
Ce gouvernement détient la majorité quasi absolue à l’Assemblée nationale quand il ne suffit que d’une majorité relative de 2/3 ou de 3/4 pour apporter des amendements aux clauses de la Constitution. Ce dont, selon moi, le pays a besoin serait un large consensus, non pas sur des amendements parcellaires ou conjoncturels, comme nous en avons quelques rares fois apportés, mais bien d’une réforme fondamentale de sa Constitution.
Quelle composition garantirait l’indépendance et la représentativité de cette commission ?
J’ai déjà, par le passé, proposé la mise sur pied d’une Assemblée constituante, qui est fondamentalement un regroupement de personnes, avec un mandat clair et net, et qui se fixent pour but de rédiger et d’adopter le texte suprême d’un Etat, sa Constitution. Cette Assemblée ou Convention pourrait être proposée par l’Assemblée nationale et, idéalement, constituée des parties prenantes, de divers courants d’opinion, de juristes chevronnés, de femmes et d’hommes venant du milieu universitaire et du monde syndical, jeunes et moins jeunes, et à qui un délai raisonnable serait imparti pour la soumission de son rapport, rédigé dans la terminologie la moins technique possible, et qui serait approuvé par voie référendaire ou toute autre procédure recommandée.
Une commission est-elle, selon vous, le meilleur outil pour initier une réforme constitutionnelle ? Ou faudrait-il envisager un processus plus participatif ?
Une vraie reforme constitutionnelle doit refléter le fondement démocratique de notre société et doit impérativement faire l’objet de débats sérieux, de discussions appropriées et en profondeur. Et des échanges fertiles sur des valeurs démocratiques et républicaines fondamentales et auxquelles doit adhérer notre pays, sur les libertés civiques, les droits humains, les droits économiques et sociaux, sur les institutions, le partage des pouvoirs, les Checks and Balances, etc. C’est une tâche colossale dont seule pourrait se charger une Convention constituante, représentative, à compétence et intégrité avérées.
Quels sont les atouts et les limites de notre Constitution actuelle, héritée de l’indépendance ?
Pour répondre à cette question, il faudrait rédiger toute une dissertation savante. En deux mots, je dirais que certaines dispositions de notre Constitution ont assuré une transition relativement stable et nous ont permis de surmonter des obstacles, réels et imaginaires, érigés sur la route vers notre liberté politique et économique, tandis que d’autres ont agi comme des entraves à la naissance d’une vraie nation mauricienne.
Sommes-nous à l’heure d’une refondation avec une nouvelle Constitution ou d’une révision constitutionnelle ?
C’est aux leaders politiques d’en décider. Je ne sais si, avec le bilan économique qu’ils disent avoir hérité, la réforme constitutionnelle demeure toujours une de leurs priorités, comme défini dans leur manifeste électoral, ou si elle sera renvoyée aux calendes grecques. Même si ce ne devrait pas être du coup par coup, je pense qu’on devrait pouvoir réformer notre Constitution sans avoir à tout chambouler. Gardons ce qui est bon et ce qui nous a toujours très bien servis, amendons ce qui doit l’être et remplaçons les morceaux obsolètes. Nous avons préconisé une réforme, pas la révolution !
La réforme électorale fait partie des missions annoncées de la commission. Quels changements vous semblent nécessaires pour rendre le système plus équitable ?
L’expérience du fonctionnement de notre système électoral First Past the Post a démontré qu’il donne lieu à des dysfonctionnements de notre vie politique et parlementaire démocratiques, avec pour résultat une présence minimale de l’opposition à l’Assemblée nationale, qui ne reflète nullement sa force numérique au sein de la population. Nous avons alors ce que l’Anglais appelle un Lopsided Parliament. Il faut absolument y remédier, mais nous n’avons pas à réinventer la roue. Des propositions de réforme du système, avec l’introduction d’une dose de proportionnelle, ont été maintes fois formulées, par les experts étrangers et locaux. Il n’y a qu’à les appliquer… avec un simple amendement constitutionnel !
Quels mécanismes ou garanties pourraient prévenir toute instrumentalisation politique de cette réforme ?
La soumission d’une liste de candidats à être considéré comme des élus éventuels à la proportionnelle doit être connue et mise en circulation bien avant les élections. Le choix de ces candidats, tout comme ceux des candidats pour le First Past the Post, revient bien entendu aux partis politiques concernés. En dernier lieu, c’est le nombre de suffrages recueillis par les partis politiques qui détermineront le nombre de leurs élus respectifs à la proportionnelle.
Si vous voulez parler de la Réforme constitutionnelle intégrale, l’option de la Convention constituante avec des membres intègres, indépendants, compétents et triés sur le volet, tels que j’ai mentionné plus tôt, avec la participation de membres des différents partis politiques tant au gouvernement que dans l’opposition, devrait prévenir toute instrumentalisation politique.
Pensez-vous que la société civile, les citoyens ou les experts devraient être consultés dans ce processus ? Vous-même auriez-vous souhaité y contribuer ?
Nous devrions pouvoir réunir toutes les compétences disponibles pour mener à bien cette réforme dont le pays a tant besoin? Une Constitution à la mauricienne !
Kushal Lobine, parlementaire
« La réforme constitutionnelle doit être construite sur des bases claires »
Selon vous, les conditions sont-elles réunies aujourd’hui pour entamer une réforme constitutionnelle profonde ?
Oui, d’autant plus que le “Government Programme” prévoit explicitement la mise en place, d’une Constitutional Review Commission, chargée de faire des recommandations sur les réformes constitutionnelles et électorales. Ce cadre institutionnel annoncé constitue déjà un point de départ important.
Il reste cependant indispensable que le processus soit construit sur des bases claires : un mandat précis adopté par le Parlement, un calendrier transparent avec des étapes et livrables connus du public, et des garanties formelles d’indépendance pour l’organe chargé de la réforme.
Notre Constitution a prouvé sa solidité institutionnelle, mais elle présente aussi des failles reconnues de longue date : déséquilibres entre pouvoirs, mécanismes électoraux datés, nominations parfois trop dépendantes de l’Exécutif.
Nous avons donc le devoir d’agir avec méthode et ambition. L’exemple de la réforme constitutionnelle menée au Kenya en 2010 montre qu’une loi-cadre, une commission indépendante et un processus ouvert peuvent aboutir à un texte modernisé et légitime.
Quelle composition garantirait, selon vous, l’indépendance et la représentativité de cette commission ?
Je préconise une composition réduite — entre 11 et 15 membres — mais soigneusement équilibrée. Il faudrait y retrouver d’anciens juges de la Cour suprême, des juristes spécialisés en droit constitutionnel et administratif, des experts en systèmes électoraux et statistiques, ainsi que des représentants de la société civile, y compris de Rodrigues. La parité hommes-femmes doit être assurée.
Les nominations devraient se faire par appel public à candidatures, avec une sélection initiale par un panel indépendant et une approbation à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ou des deux tiers de l’Assemblée. Cette méthode, inspirée de pratiques utilisées dans plusieurs juridictions du Commonwealth pour les nominations judiciaires, réduit le risque d’influence politique et renforce la légitimité des travaux de la commission.
Une commission est-elle le meilleur outil pour initier une réforme constitutionnelle ? Ou faudrait-il un processus plus participatif ?
La commission est indispensable comme organe technique : elle assure la cohérence juridique, le respect des engagements internationaux et la faisabilité institutionnelle des propositions. Mais son travail doit être ancré dans un processus participatif bien structuré.
Il faut prévoir des consultations ouvertes à tous, une plateforme numérique pour recueillir des avis écrits, et, pourquoi pas, un panel citoyen tiré au sort pour tester les propositions. Ce modèle, combinant expertise et participation, a permis, par exemple, à l’Irlande d’adopter des réformes sociétales majeures dans un climat de confiance. L’objectif est double : enrichir le contenu par la diversité des contributions et légitimer le processus aux yeux des citoyens.
Quels sont, selon vous, les atouts et les limites de notre Constitution actuelle?
Notre Constitution présente des atouts indéniables. Elle a assuré la stabilité institutionnelle du pays depuis l’indépendance, offrant un cadre clair pour l’organisation des pouvoirs publics. Elle garantit la protection justiciable des droits fondamentaux, ce qui permet à chaque citoyen de saisir directement la justice en cas d’atteinte à ses libertés. Elle a également permis de préserver l’indépendance réelle du pouvoir judiciaire, qui reste l’un des piliers de notre État de droit.
Toutefois, ses limites sont réelles. La concentration des pouvoirs entre les mains de l’Exécutif crée un déséquilibre institutionnel. Les procédures de nomination de certaines hautes fonctions sont perfectibles et manquent de transparence.
De plus, l’absence de réforme électorale majeure depuis des décennies fait que notre système ne répond plus aux standards de modernité et d’efficacité, et que certaines dispositions encadrant les pouvoirs d’urgence manquent de garde-fous suffisants pour garantir la protection des libertés publiques.
Sommes-nous à l’heure d’une refondation avec une nouvelle constitution ou d’une révision constitutionnelle ?
Je privilégie une révision constitutionnelle profonde plutôt qu’une refondation totale. Nous avons une ossature institutionnelle qui fonctionne ; il s’agit de la moderniser, de corriger ses déséquilibres et d’ajouter des garanties adaptées aux réalités actuelles. Cette approche est plus sûre juridiquement, plus rapide et tout aussi transformative. L’Afrique du Sud, par exemple, a su engager des révisions ciblées sur des points névralgiques, ce qui a permis d’apporter des changements majeurs sans rompre la continuité institutionnelle.
La réforme électorale fait partie des missions annoncées de la commission. Quels changements vous semblent nécessaires pour rendre le système plus équitable ?
Nous devons envisager une réforme électorale orientée vers un système plus moderne et plus inclusif. Cela implique non seulement de réfléchir à un mode de scrutin, garantissant une représentation équitable tout en assurant la stabilité, mais aussi de repenser le processus même de l’élection.
Comment organisons-nous nos élections ? Comment assurons-nous un enregistrement fiable, accessible et sécurisé des électeurs ? Quelles solutions technologiques pouvons-nous intégrer pour simplifier le vote tout en renforçant sa sécurité ? Nous n’avons pas connu de réforme en profondeur du processus électoral depuis des décennies, et il est temps d’y remédier.
Un système mixte, combinant scrutin majoritaire et proportionnel (comme en Nouvelle-Zélande), avec un seuil d’entrée raisonnable — autour de 3 à 5 % —, permettrait aux partis émergents d’obtenir une représentation juste, sans créer d’instabilité. La parité hommes-femmes doit également être un objectif prioritaire inscrit dans la loi.
Quels mécanismes ou garanties pourraient prévenir toute instrumentalisation politique de cette réforme ?
Plusieurs garde-fous sont nécessaires. Le texte final devrait être adopté à un seuil élevé, par exemple les trois quarts des voix à l’Assemblée. Toutes les contributions reçues devraient être rendues publiques, accompagnées d’études d’impact détaillées.
Les membres de la commission devraient être soumis à des règles strictes de déclaration et de gestion des conflits d’intérêts. Il faudrait également prévoir un contrôle juridictionnel accéléré en cas de contestation de la procédure. Enfin, une clause de réexamen obligatoire quelques années après l’entrée en vigueur de la réforme permettrait d’ajuster rapidement le dispositif si nécessaire.
Pensez-vous que la société civile, les citoyens, ou les experts devraient être consultés ? Vous-même, auriez-vous souhaité y contribuer ?
Oui, sans aucune réserve. La légitimité d’une réforme constitutionnelle repose sur l’inclusion et la transparence. Je plaide pour un dispositif de consultation à plusieurs niveaux : des ateliers régionaux ouverts aux citoyens, une plateforme numérique pour recueillir des propositions et commentaires, et la publication régulière de synthèses des contributions afin que chacun note comment ses idées sont prises en compte. Nous pourrions également envisager une assemblée citoyenne tirée au sort, chargée d’examiner les compromis proposés par la commission.
En tant que juriste et député, je suis prêt à contribuer activement, notamment sur la séparation des pouvoirs, les procédures de nomination, la protection des droits fondamentaux et la modernisation de notre système électoral. L’enjeu n’est pas seulement juridique ; il est aussi démocratique : il s’agit de bâtir une Constitution qui soit à la fois techniquement solide et pleinement légitime aux yeux du peuple mauricien.