Tourisme baleinier à Maurice  : Quand la loi est bafouée au mépris des animaux et des hommes

Maurice est l’un des rares endroits au monde où les cachalots résident à l’année. Ce privilège, fruit d’une biodiversité exceptionnelle, pourrait bien être perdu si rien n’est fait pour mettre un terme à des pratiques illégales et destructrices, tolérées à ciel ouvert.

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Chaque matin, au large de la côte ouest, une scène se répète dans un silence coupable. Dès l’aube, une vingtaine de bateaux rapides convergent vers une zone surnommée « la ville » — là où les cachalots sont régulièrement observés. Dès qu’un souffle jaillit, c’est la ruée. Les moteurs rugissent, les skippers accélèrent, les touristes s’agitent. Et trop souvent, des nageurs sont jetés à l’eau, en totale violation de la loi mauricienne.

Car n’en déplaise aux vendeurs de sensations fortes et aux touristes insouciants ou cyniques, il est interdit de nager avec les cachalots à Maurice. Cette interdiction n’est ni facultative ni symbolique : elle vise à protéger les animaux, leur tranquillité et leur survie, mais aussi la sécurité des humains. Les cachalots sont des géants fragiles, non pas des attractions aquatiques.

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Le plus choquant dans ce constat, c’est la complicité active d’une partie des touristes qui, par ignorance ou par mépris, paient des opérateurs pour enfreindre la loi. Certains exigent de «descendre nager», d’autres vont jusqu’à offrir des pourboires plus élevés pour contourner les règles. Ces mêmes touristes repartent ensuite avec des photos à poster sur les réseaux sociaux, sans jamais se demander à quel prix écologique, humain et éthique leur expérience a été obtenue.

Le plus ironique ? Certains bateaux affichent fièrement les mots «Eco Trip» ou «Responsible Whale Watching» sur leurs coques. Pourtant, ce sont parfois ces mêmes opérateurs qui déversent des groupes entiers de nageurs dans l’eau, semant le chaos autour des baleines.

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Un témoin étranger, qui a partagé une vidéo de la scène, raconte : «Des touristes sautaient dans une mer agitée pour se placer juste devant le museau des cachalots. C’était dangereux, et profondément irrespectueux.»

Que font les autorités mauriciennes ? Pourquoi ces infractions répétées ne font-elles l’objet d’aucune sanction visible ? La loi existe. Mais l’absence de contrôle sur le terrain rend son application illusoire. Aucun patrouilleur maritime, aucune amende dissuasive, aucun suivi sur les opérateurs fautifs. Ce laxisme ouvre la voie à une exploitation incontrôlée du vivant.

Ce manque de volonté de faire respecter la réglementation décrédibilise les efforts de conservation menés depuis des années par des ONG comme la Mauritius Marine Conservation Organization (MMCO). Cette structure indépendante collecte des données, sensibilise les opérateurs et plaide pour une meilleure régulation. Mais sans soutien politique ferme, ses efforts risquent de rester lettre morte.

Autre réalité cruelle : derrière cette chaîne de désastre, de nombreux skippers sont eux-mêmes piégés. Issus de milieux modestes, dépendants du tourisme pour survivre, ils sont poussés à répondre à une demande toxique. Quand un touriste paie, exige et menace de mal noter ou de ne pas payer, le rapport de force est faussé. L’illégalité devient la norme, sous la pression de l’argent.

Il ne s’agit, donc, pas de pointer du doigt uniquement les petits opérateurs, mais bien de rappeler aux touristes qu’ils n’ont pas tous les droits, et aux autorités qu’elles ont une responsabilité : celle de défendre l’intérêt collectif et l’image du pays.

Ce harcèlement quotidien a un coût invisible : celui du stress imposé aux baleines. Les cachalots, déjà menacés par les activités humaines, voient leur espace vital réduit et leur rythme de vie perturbé. S’ils fuient les côtes mauriciennes, c’est tout un pan du tourisme durable qui disparaîtra avec eux. «Si on ne fait rien, c’est la nature qui nous tournera le dos, et les touristes viendront nous voir pour constater… qu’il n’y a plus rien à voir», dit un bénévole sur un bateau d’observation.

Maurice court également un risque d’image. Une destination qui prétend valoriser l’écotourisme tout en fermant les yeux sur la violence invisible qu’elle inflige à sa faune marine s’expose à des campagnes internationales de dénonciation, des boycotts, des scandales.

1. Faire respecter la loi existante. Pas demain. Aujourd’hui. Chaque opérateur qui enfreint la règle doit être suspendu.

2. Créer un label de certification “Tourisme responsable”, obligatoire et contrôlé, pour tous les bateaux d’observation de cétacés.

3. Former les skippers et guides touristiques sur la conduite à adopter avec les baleines, et les protéger contre la pression commerciale de certains clients.

4. Lancer une campagne publique de sensibilisation, en mer et à terre, pour rappeler aux visiteurs que respecter les baleines, c’est respecter Maurice.

On ne protège pas ce que l’on exploite. Et on ne peut parler de tourisme durable si l’on transforme les plus beaux trésors de la nature en attractions de foire, au mépris de leur bien-être.

Les cachalots de Maurice méritent mieux que cela. Ils nous offrent leur présence, leur mystère et leur grâce. À nous, humains, d’être dignes de leur confiance.

Et aux autorités de rappeler que la loi de la mer commence sur terre.

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