Travaux de l’Urban Terminal de Curepipe : le calvaire des maraîchers du Forum face aux nuages de poussière

La maire Devika Pabaroo promet un plan de relogement dans les plus brefs délais

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Les forains opérant sur le site qui, jadis, a abrité le Forum, démoli en 2016, montent au créneau pour dénoncer les conditions dans lesquelles ils doivent écouler leurs produits depuis le démarrage des travaux préliminaires du futur Urban Terminal. La poussière qui émane du chantier pose problème tant pour les locataires que la clientèle qui se réduit comme peau de chagrin. Des conditions sanitaires déplorables qui se greffent aux fuites dans la toiture et aux bâches, à la présence des rats et des singes sauvages, ainsi qu’aux étales abîmés. « Ces travaux ont démarré sans aucun préavis ni consultation avec les maraîchers qui ne savent toujours pas où ils seront relocalisés. Le site est parsemé de crevasses. Un véritable danger », confie l’ex-député Adrien Duval, qui était aux côtés des plaignants cette semaine. La maire Devika Pabaroo souligne qu’une lettre leur sera adressée dans les jours à venir et qu’un plan de relogement est en voie de finalisation.
Parmi les locataires qui opèrent actuellement sur le site délabré du Forum, il y a ceux qui étaient là en septembre 1991 lorsque le maire Amédée Darga avait procédé à la cérémonie de koup riban. Après des années en quête d’un emplacement décent et accessible à toutes les bourses, Selven dit avoir savouré cet instant avec bonheur. Sauf qu’il va déchanter au rythme des fausses promesses de reconstruction de ce lieu incontournable de la ville lumière (voir plus loin). Les conditions dans lesquelles ses collègues et lui opèrent depuis une dizaine d’années et qui ont empiré récemment méritent qu’on s’y attarde. La construction de ce projet pharaonique devrait s’échelonner sur une période de trois ans au minimum.
En attendant les forains broient du noir et sont surpris d’avoir vu débarquer sur le site camions, pelleteuses et compacteurs. « Ce sont les ouvriers qui ont informé les maraîchers qu’on les avait sollicités pour des travaux de tests des caractéristiques du sol. Il y a un projet, très bien, mais la moindre des choses aurait été de les reloger dans un endroit propre et décent avant de démarrer les travaux. Le gouvernement et la mairie n’en ont cure », soutien Adrien Duval. Lorsque les engins de chantier battent leur plein et que des vents soulèvent dans l’atmosphère de grandes quantités de poussière, les forains commencent à en voir de toutes les couleurs.
Poussière, rats et pluie
La colère des locataires du site a désormais atteint son point d’ébullition, car ils risquent d’encourir d’énormes pertes financières compte tenu de ces aléas à répétition qui font fuir la clientèle. Pour couronner le tout, les bâches et la toiture qui se sont nettement dégradées au fil du temps ne les protègent plus des intempéries. Et ce n’est pas faute d’avoir tenté de convaincre la mairie de procéder à des réparations. « Je vends des volailles ici depuis que l’emplacement a vu le jour. Imaginez les répercussions que cette poussière, ces rats, la pluie et j’en passe, ont sur mon business. C’est une catastrophe. Certaines personnes n’ont pas retenu les erreurs qu’elles ont faites dans le passé », confie un forain.
Les travaux de fouilles font que les places de parking sont désormais très limitées. À en croire Adrien Duval, « non seulement ces trous béants réduisent considérablement les places réservées aux voitures et les possibilités d’embarquement et de débarquement des produits maraîchers, mais ils mettent aussi en péril la vie et la sécurité de tout ce beau monde. Les autorités ont fait preuve d’amateurisme à tous les étages. » La maire Devika Pabaroo confie que « des paper notice ont été distribués sur le site pour informer les forains des travaux. Je constate que le message n’a pas été adressé dans les meilleures conditions. Raison pour laquelle chaque locataire recevra dans les jours à venir une lettre en bonne et due forme liée aux conditions de relogement qui se feront sur un site jouxtant le site du Forum où ils n’auront pas à se soucier des inconvénients auxquels ils sont confrontés actuellement. »

 

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Genèse d’un flop retentissant
Comment a-t-on pu en arriver là ? C’est en septembre 1991, après six mois de travaux effectués par le contracteur Bhunjun & Associates, que le Forum, sis à Forest-Side, est inauguré. Il avait coûté la bagatelle de Rs 50 millions. Aménagé sur une surface de 5 476 mètres carrés, des espaces sont réservés pour la tenue de la foire maraîchère, le mercredi et le samedi, le reste est utilisé pour abriter des foires commerciales. De plus, l’ensemble de cet espace est converti en gymnase pour des activités sportives comme le volleyball, le basket-ball et la boxe, etc. Sauf que les choses vont vite tourner au vinaigre après la mise en demeure servie par le contracteur à la mairie au motif qu’elle n’aurait pas payé une somme de Rs 11 millions pour les travaux accomplis.
La rentabilité du projet est aussi remise en question à maintes reprises au conseil. Un rapport confidentiel, réalisé à la requête du General Purpose Committee par de hauts cadres de la municipalité, révèle en avril 1994 que « le Forum, dont le coût de construction était estimé initialement à Rs 20 millions, ne serait pas rentable avant 1998. » Le Bureau de l’Audit enfonce le clou en novembre 1997 en publiant un rapport sans équivoque : les coûts du projet ont été révisés à cinq reprises pour atteindre la somme de Rs 68,2 millions. La gestion calamiteuse du projet apportera de l’eau au moulin auxdits rapports. Laissé sans entretien, l’édifice subit au fil du temps une nette dégradation avant démantèlement en 2016.
À la lumière des articles de presse puisés de nos archives, le terme « reconstruction » a été évoqué pour la première fois en novembre 2007 après la publication par un quotidien de photos édifiantes dévoilant une structure dégradée par la rouille et au bord de l’effondrement à certains compartiments. Subir Sen Sewnath, maire de la ville, met en place un comité pour examiner la question de construire un nouveau Forum en rasant le bâtiment en décrépitude. Il n’en a rien été.
Ce projet semble connaître un coup d’accélérateur en novembre 2012, lorsque le maire Sunil Beedassy annonce à la presse que « l’appel d’offres pour les travaux de démolition et de reconstruction du Forum a accouché de trois soumissionnaires et devraient coûter Rs 50 millions. » Le dossier fut finalement rangé dans le tiroir des projets fantômes après les réticences affichées par les compagnies d’assurances d’assurer le bâtiment en cas d’incendie. Les autorités reviendront pourtant à la charge un an plus tard. Un Master Plan est dévoilé pour des investissements dédiés à la démolition/rénovation au coût de Rs 180 millions. L’exercice d’appel d’offres vire au fiasco compte tenu des propositions dérisoires faites par les soumissionnaires.
Le projet revient sur le tapis avec l’arrivée de l’alliance MSM-PMSD-ML en janvier 2015. Sous la houlette de la maire Nathalie Gopee (PMSD), le bâtiment est démoli en 2016, mais la démission de Xavier Duval du gouvernement, suivi de la destitution de la première nommée au fauteuil mairal donne lieu à des divergences profondes au sein du conseil et la reconstruction du Forum sera reportée aux calendes grecques. Le nouveau maire Hans Marguerite a bien tenté de réanimer le projet en décembre 2018, en soutenant qu’il sera réalisé en trois phases. La compagnie Synergie conçoit une maquette qui avait été rendue publique en octobre 2018. Ce ne sera finalement que de la poudre aux yeux.
En avril 2023, Me José Moirt, au nom de Linion Pep Morisyen (LPM), jette un pavé dans la marre en soutenant que Rs 7 millions ont été payées à un consultant pour la construction du Forum à Curepipe, alors que le projet a été abandonné pour faire place à l’Urban Terminal. José Moirt dépose alors des documents relatifs à cette affaire à l’ICAC. Joint au téléphone, le principal concerné soutient que « dosie-la pe dormi dan tirwar ‘Icac. » La balle est désormais dans le camp du Premier ministre adjoint Steeve Obeegadoo, qui a affirmé l’année dernière que les forains seront relogés dans le futur terminal urbain.

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