Victime d’un cancer du sein triple négatif, stade 3 : Angélique Aubert a pris sa revanche sur la vie

Elle est pétillante et radieuse. De l’humour elle en a à revendre. De la tendresse aussi. À la voir légèrement maquillée, les yeux brillants d’excitation, sa tasse de thé à la main, bavardant joyeusement, racontant même sa reprise prochaine de la gymnastique ou encore son projet d’une chorégraphie pour les fêtes de fin d’année, on ne lui donnerait pas son âge. Elle fait 60 ans à tout casser. Pourtant, elle fêtera bientôt ses 72 ans. Et elle en est heureuse, car elle souhaite célébrer la vie. “La vie elle est belle quand on est bien entourée”, sourit-elle. Pourtant, il y a neuf mois, elle n’aurait pas prononcé cette phrase, car son destin s’effondrait devant elle. Mais la vie en a décidé autrement, et elle en est tout heureuse.

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Une tasse de thé au citron et miel à la main, le sourire aux lèvres, elle se présente : « Je m’appelle Angélique Aubert, j’ai 71 ans et j’ai vaincu mon cancer. » En ce début du mois d’octobre 2023, cette habitante de Pointe-aux-Sables a accepté de parler de sa maladie. Une maladie qui, aujourd’hui encore, reste taboue. “Pourtant, il faut en parler. Il faut divulguer que si le cancer nous frappe, ce n’est pas toujours une fatalité. La preuve, je suis là et bientôt je fêterai mes 72 printemps”, dit Angélique Aubert dans un rire espiègle.

Angélique a vécu pendant 42 ans en Belgique. Maman d’un fils qui a aujourd’hui 50 ans, elle est rentrée au pays il y a 20 ans. “J’ai fait 42 ans à l’étranger et je n’ai jamais été malade”, dit-elle fièrement. Cependant, à Maurice, elle a dû faire face à la maladie de ses proches. Dont un frère qu’elle a accompagné jusqu’à son dernier jour. Pourtant, cette sexagénaire n’a pas baissé les bras. Même si, parfois, dit-elle, il a fallu être très forte pour ne pas sombrer. D’ailleurs, si elle n’a jamais été malade lorsqu’elle vivait en Belgique, c’est durant ces dernières années qu’elle a développé de l’ostéoporose avec de violentes douleurs ressenties généralement sur le côté gauche de son corps.

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Elle fait avec. Elle vit normalement. Tout en restant vigilante. Et elle n’oublie pas de temps à autre de palper ses seins, car elle sait que les femmes de plus de 50 ans sont à risque du cancer du sein. Elle a appris à faire le geste. “C’était devenu machinal chez moi de palper mon sein pour voir s’il y avait quelque chose”, explique-t-elle. Heureusement, car un jour, en s’autopalpant, elle découvre une masse dans son sein gauche. “C’était comme un domino”, se souvient Angélique qui, pourtant, ne s’en inquiète pas. “Je me suis dit que cela devait être un symptôme de l’ostéoporose, car souvent, il m’arrive d’avoir des excroissances un peu partout sur le corps, surtout du côté gauche. Ça vient puis après quelque temps ça disparaît. Donc, pour moi, ce n’était rien”, raconte notre interlocutrice.

“Un domino”

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Cependant, au fil des jours, Angélique Aubert note que son “domino” devenait de plus en plus épais. Puis, un peu plus tard en fin de l’année dernière, alors qu’elle devait se rendre pour quelques jours de vacances à Rodrigues, elle constate que cette masse, qu’elle tente de reléguer au second plan, est douloureuse. “Ça me pinçait de temps à autre”, se souvient-elle. Lorsque dans la douleur l’image d’un crabe qui la tenaille lui vient à l’esprit, Angélique s’en inquiète. “C’est la première fois que j’ai pensé au cancer”, dit-elle. Mais elle n’en parle pas. Elle va en vacances, et à son retour, après quelques jours, elle décide de contacter la Mauritius Family Planning Association pour s’enquérir où elle pouvait effectuer une mammographie. On lui apprend qu’elle peut venir le jour même à l’association, où l’exercice pouvait se faire immédiatement.

“Je me suis dit : c’est fini je vais mourir”

L’habitante de Pointe-aux-Sables s’y rend. Elle effectue sa mammographie et deux semaines plus tard, le radiologue confirme qu’il y a effectivement une masse dans son sein gauche. Une nouvelle bouleversante qui n’étonne toutefois guère Angélique, qui prend tout de même rendez-vous pour d’autres examens médicaux, dont une biopsie. Elle refuse toujours de penser au négatif. “J’ai lu, j’ai vu des documentaires, j’ai entendu parler du cancer. Le cancer, cela ne fait pas mal, c’est comme un petit grain de riz qui roule sous les doigts. Et moi ma masse elle était comme un domino. Ça ne pouvait pas être ça”, se dit-elle.

Mais le 25 février, le résultat tombe et la nouvelle est implacable : il s’agit bien d’un cancer. Très vite, des images défilent dans la tête d’Angélique. “Je me croyais comme ce qu’on voit un peu dans les films, affaiblie, chauve, malade à mort, à la charge de mes proches… Et je ne voulais pas de ça. Dans ma tête, je me suis dit : c’est fini je vais mourir”. Des images qu’Angélique refuse. Elle ne voulait surtout pas être un “fardeau” pour ses proches.

Elle se dit et annonce aussi à son frère qui l’accompagne qu’elle ne se ferait pas soigner. “Ce sera trop dur pour ma famille. Je préférais mourir sans donner de soucis à mes proches”, dit-elle. Mais le radiologue la réfère à un oncologue en lui disant : “Soignez-vous. Aujourd’hui il y a différentes techniques et traitements. Je vous souhaite bonne chance”. Des mots qui résonnent encore dans la tête de la sexagénaire, qui avait déjà une idée bien tranchée de ce qu’elle pourrait vivre si elle se faisait soigner.

Un médecin “adorable”

Finalement, Angélique décide d’évoquer sa maladie avec ses proches. Tous, en dépit du choc, l’encouragent. Tous souhaitent qu’elle se soigne et lui assurent leur soutien. “Je me suis dit que j’avais de la chance d’avoir une famille aussi chaleureuse, aussi solidaire”, se souvient-elle. Elle change ainsi d’avis et décide de se faire soigner. Pour sa famille. “Pour mon fils, pour mes proches, et pour voir grandir mes petits-enfants Gabriel, qui a sept ans, et Côme, qui en a quatre”, dit-elle.

Angélique prend donc rendez-vous avec le Dr Sohawon, un oncologue que lui a référé sa soeur, elle-même atteinte d’un cancer. Ce médecin, dit Angélique, est “adorable”. Il n’y a pas d’autres mots, dit-elle pour décrire son médecin, qui a été d’une réelle patience avec elle. “Nous avons passé près d’une heure dans sa consultation et il a pris la peine de tout nous expliquer”, dit Angélique. L’oncologue lui explique ce qu’elle est atteinte d’un cancer du sein triple négatif, de stade 3 ! Habituellement plus agressif, le cancer triple négatif a la faculté de se propager rapidement, apprend Angélique, qui redoute alors pour sa survie.

“Je me disais qu’à mon âge, cela ne serait pas être simple. Le traitement serait sans doute lourd. Je ne sais pas ce qui m’attend. Et les images de la mort me revenaient en tête”, raconte-t-elle. Mais le Dr Sohawon, extrêmement compatissant, dit-elle, l’a rassurée : “Mme Aubert, de plus en plus de personnes vivent avec le cancer. Il y a des traitements et aujourd’hui, cette maladie se soigne. Ne vous en faites pas, on va le vaincre ce cancer”.

Le Dr Sohawon, dit-elle, avait tellement d’empathie qu’elle lui fait confiance. Angélique prend alors ce défi avec la même énergie et détermination qui caractérisent son attitude envers la vie. Elle effectue d’abord un “Fish Test” pour savoir quel traitement lui conviendrait le mieux. Et quelques jours plus tard, son protocole de traitement est établi. Elle doit avoir recours à la chimiothérapie. “Le premier jour, lorsque je suis arrivée pour ma chimio à la clinique, j’avais très, très peur. Il y avait toujours ces images de films de patients à l’agonie qui me hantaient. Mais lorsque j’ai franchi la porte du département au 4e étage, toute mon appréhension s’est envolée”, se souvient-elle. Pour cause : un personnel totalement accueillant, chaleureux et dévoué.

C’était le 16 mars dernier. Une date qu’Angélique mémorise, car “j’ai rencontré des gens formidables”, dit-elle. Même son traitement, sa première chimiothérapie est “formidable”, poursuit la sexagénaire. “Il y avait cette employée qui m’a tenu la main, avec une légère pression en me disant : Mme Aubert, ça va aller. Nous sommes là avec vous, ne vous en faites pas. On va la gagner ensemble cette bataille. Et effectivement, Angélique a été assistée tout au long. Si elle craignait qu’elle allait vomir ou défaillir à sa première chimie, cela n’a pas été le cas. Elle ressort du 4e étage avec le sourire. Tout s’était très bien passé. Elle avait trouvé dans le personnel de ce 4e étage une famille.

“Toute la chaîne, du médecin à l’employé qui nettoie la salle, en passant par celui qui nous injecte le médicament, etc., tout le monde est compatissant et surtout, ils nous donnent confiance”, insiste Angélique. Même lorsqu’elle rentre chez elle en fin d’après-midi, elle se sent bien. “J’ai mis un seau à côté de mon lit au cas où je vomirais, mais rien. Tout était ok. J’étais en forme”. Idem pour sa deuxième séance deux semaines après. Par la suite, elle perdra un peu l’appétit. D’autant qu’Angélique est végétarienne. “Mais mon médecin m’a conseillé tout ce qu’il fallait manger pour que je ne développe pas d’autres complications”, dit-elle. Elle fera ainsi quatre séances de chimio, sans effets secondaires, avant de changer de protocole pour une session de trois séances de chimio chaque trois semaines.

“Pas eu besoin de la perruque”

Entre-temps, les cheveux d’Angélique, qu’elle portait sur les épaules, commencent à tomber. Mais la sexagénaire avait déjà anticipé la situation. Elle s’était acheté une perruque “au cas où”, dit-elle. Et de poursuivre, “je n’ai pas eu besoin de la perruque, j’ai devancé les choses”. En effet, Angélique notera au lendemain de sa deuxième séance de chimio que ses cheveux tombent un peu. “Je savais que cela allait venir. J’avais vu ma soeur, j’avais vu des gens dans les films… Et je me suis dit, je vais anticiper”, raconte-t-elle. Elle se rend donc chez son coiffeur et lui demande de lui couper les cheveux court. Puis, quelque temps, elle demande à sa nièce de lui couper les cheveux “koumadir semin lera. Koupe brik-brak”, rigole Angélique.

Si sa nièce n’en revient pas de la requête de sa tante, elle s’exécute. Une fois qu’Angélique découvre le résultat “pas joli du tout, seve koumadir inn pran dife, cela lui donne le courage de se raser le crâne. “J’ai moi-même pris mon rasoir et je l’ai passé dans mes cheveux. J’ai tout enlevé”, dit-elle, montrant son joli foulard, et ajoutant : “Depuis, je porte ces trucs. Et je me sens bien, même si mes cheveux commencent à repousser”. Le plus difficile c’est de perdre ses sourcils et ses cils. « C’est là que le regard devient malade. C’est là qu’on voit qu’on n’est pas top-top », dit-elle.

“On se bat pour nos proches”

Si la première session de chimio s’est très bien passée, la deuxième est un peu plus difficile à supporter. “Là, j’ai été malade. J’ai connu les effets secondaires. À la 6e séance, je suis même tombée syncope. Mais à chaque fois que ça allait mal, je me disais : Angélique, bats-toi, sois courageuse pour ta famille. “La famille, un mot qui revient souvent dans les propos de la sexagénaire. Et c’est cela son message aux personnes victimes d’un cancer. Dès fois, il peut arriver qu’on se décourage, qu’on veuille tout laisser tomber, qu’on veuille se laisser aller. Mais non, il ne faut pas sombrer. Il faut se battre. On ne se bat pas pour nous. On se bat pour les autres. Pour nos proches. Si nous on pense que c’est fini, eux, ils ont besoin de nous”, dit-elle. Aussi, si Angélique est croyante, elle n’est pas pratiquante, confie-t-elle. Mais la maladie l’a rapprochée de la foi. “Il faut faire confiance. La prière m’a beaucoup apaisée”, dit-elle.

Quelque temps après sa septième séance de chimio, Angélique effectue quelques examens médicaux et la première bonne nouvelle tombe. “Le traitement a été concluant”. C’est ce que lui annonce son oncologue, qui lui recommande néanmoins, pour une optimisation de son traitement, d’avoir recours à une mastectomie. Là encore, Angélique se retrouve devant un dilemme : elle a peur des opérations. Mais le Dr Abassakoor, le chirurgien référé par son oncologue, “est tout aussi adorable”, note-t-elle. Et c’est sans regret qu’elle accepte de se faire enlever un sein. “À mon âge, ce n’est pas une histoire d’en manquer un”, rigole-t-elle. Elle se fait donc opérer le 14 août dernier. Et d’ajouter : “Là encore, avec le Dr Abassakoor, qui est très chaleureux et compatissant, j’ai trouvé une nouvelle petite famille qui m’a soutenue et portée avant, pendant et après l’opération”.

“Traitement concluant”

Trois jours après son opération, Angélique peut rentrer à la maison. Elle revient voir son médecin, il y a un mois.

“J’avais quelques appréhensions. Car on attendait des résultats. Mais dès que j’ai vu le visage du médecin, j’ai su : ça a été”, raconte Angélique. En effet, les résultats d’analyse montrent que le cancer a disparu. Plus de traces.

Le traitement avait fonctionné. Angélique avait combattu son cancer agressif. “J’ai tout de suite appelé mes proches et je leur ait dit : La Reine mère est de retour !” rigole-t-elle. Oui, Angélique est guérie. Celle que pensait qu’elle allait mourir, celle qui se voyait comme un légume pour ses proches, a bel et bien vaincu son cancer. “Bien sûr, il faut rester vigilant. Mais les résultats sont là, le cancer est parti. Désormais, on célèbre la vie”.

Et la vie, Angélique compte bien la célébrer chaque jour qui passe. Et elle s’applique. Outre ses tâches quotidiennes qu’elle a recommencé à effectuer à la maison, la sexagénaire compte reprendre aussi la gym. “Pas trop fort pour démarrer, mais je me remettrai à la gymnastique”, dit-elle. Aussi, elle prépare sa chorégraphie, des pas de danse, que ses proches découvriront pour les fêtes de fin d’année.

“Certainement, cette maladie a été une épreuve. Pas facile à vivre, mais aujourd’hui, je sais que quelque chose a changé dans ma vie. J’ai pris une revanche. Et je souhaite que tous ceux et celles qui traversent ce genre de difficultés ne baissent pas les bras. C’est important de se prendre en main quand on peut. Et surtout au plus vite. D’autant qu’il y a des médecins qualifiés et formidables prêts à nous prendre en charge”, dit-elle. Et d’insister : “Le dépistage ne doit pas être tabou. Il faut le faire, car le plus tôt que l’on sait, le mieux peut-on anticiper avant qu’il ne soit trop tard !”

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