Violence et agressions en milieu hospitalier — L’escalade franchit un nouveau palier

  Hôpital Victoria : une infirmière violemment poussée au sol et rouée de coups…

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 Hôpital Dr A. G. Jeetoo : un individu tente d’agresser
un pharmacien avec une barre de fer, avant de blesser un policier

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 Enough is enough ! » C’est le cri d’alarme lancé par les professionnels de santé après les deux nouveaux incidents qui se sont déroulés cette semaine. À l’hôpital Victoria (Candos), la violente agression physique subie, lundi matin, par une infirmière de 45 ans, au département des consultations externes de l’unité cardiaque, a provoqué une onde de choc parmi ses collègues. Son agresseur, une patiente de 34 ans, a été arrêté dans la foulée, avant d’être relâché sous caution. Rebelote, dans la nuit de mercredi à jeudi. Direction la pharmacie de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, où un individu a semé la panique en tentant d’agresser un pharmacien avec une barre de fer, avant de blesser un policier. Sans la rapide intervention d’un sergent qui a maîtrisé le suspect, les choses auraient pu tourner au vinaigre. À première vue, ce sont deux faits divers parmi d’autres. Mais pour la communauté médicale, on n’est pas loin du casus belli. Reste la question essentielle : comment mieux sécuriser les hôpitaux ? La Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA) exige du ministère de tutelle qu’il change son fusil d’épaule face à cette spirale délinquante.

Les professionnels de santé continuent de subir quotidiennement de la violence verbale, qui est souvent le précurseur de la violence physique, soit un effet secondaire inacceptable de l’augmentation des temps d’attente ou de l’exacerbation des émotions attribuables à la douleur chez les proches. Il aussi une nuance à aborder : parfois, ce ressenti est renforcé par l’attitude de certains soignants. Non pas par malveillance, mais par épuisement, surcharge de travail ou stress accumulé. Un mot sec, un regard fuyant, un soupir agacé, autant de petits signes qui peuvent, malgré soi, alimenter le sentiment d’injustice ou d’abandon chez le patient. C’est un cercle vicieux et il suffit d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres. L’épisode de lundi, à l’hôpital Victoria, est symptomatique de la montée de l’agressivité qui inquiète les hôpitaux, un facteur supplémentaire qui incite de nombreux membres du personnel soignant à quitter ces établissements ou à intégrer le privé (voir plus loin).

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Selon les premiers éléments de l’enquête, la patiente zélée, venue pour une collecte de sang, se serait montrée impatiente après avoir été informée qu’elle devait attendre son tour. Il était 8h. Figurant en onzième position sur la liste… et accompagnée de sa fille de dix ans, elle aurait quand même insisté pour passer la première. L’infirmière du département des consultations externes de l’unité cardiaque opposa une fin de non-recevoir aux exigences de la concernée qui, piquée au vif, est sortie de ses gonds en lui infligeant un violent coup de poing en plein visage ! Les choses sont parties en vrille lorsque l’infirmière a été violemment poussée au sol et rouée de coups de pied. Elle aurait également reçu un coup à la tête.

L’agression s’est déroulée sous les yeux de nombreux patients, médusés et terrorisés par la scène. Le constat est édifiant : ecchymoses au visage, contusions au coude gauche et à la cuisse droite, une enflure marquée au niveau du visage et des yeux, ainsi qu’une douleur à la hanche. En quittant son domicile aux aurores, lundi, pour gagner son pain, cette mère de famille ne se doutait pas, à cet instant-là, qu’elle s’apprêtait à vivre un véritable supplice. Son nom est sur toutes les lèvres dans l’établissement.

« On voit tous les jours des agressions du personnel, des violences verbales, physiques parfois. Depuis quelques années, il y a une escalade. Les gens sont plus exigeants, moins tolérants, ils veulent tout, tout de suite. On entend souvent dire que les médecins, infirmiers et chirurgiens de qualité ne se trouvent que dans les établissements privés. C’est un leurre. Il y a, certes, des lacunes, mais nous sommes des professionnels et ce qu’a vécu ma collègue aux mains de son bourreau est injuste et dégoûtant », confie un infirmier qui a assisté, impuissant, aux esclandres de lundi. Comme si ça ne suffisait pas, après avoir son agression physique, la victime s’est fait traiter de tous les noms d’oiseaux, sous forme de menaces, de la part de l’auteure des faits qui a ensuite été arrêtée par la police avant d’être conduite au poste de Quatre-Bornes. Elle a comparu devant la cour de Rose Hill, où elle a obtenu la liberté conditionnelle.

Le révoltant spectacle de lundi à l’hôpital Victoria est la dernière d’une série noire. On dénombre une trentaine de cas d’agressions verbales et physiques dans cet établissement en 2025, quand bien même ces données ne reposent pas sur des déclarations volontaires des médecins via une fiche de signalement. Les cas de violences constitueraient ainsi la face visible de l’iceberg. « On est parfaitement au courant que certains cas d’agressions verbales et physiques mineures sont mis sous le tapis par certains établissements, histoire de ne pas faire de vague. On tente de dissuader ceux et celles enclins à porter plainte à la police. C’est aberrant », confie le Dr Meetheelesh Abeeluck, président de la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA), qui, de concert avec d’autres groupements syndicaux, à l’instar de la Medical and Health Officers Association et la Government Medical Consultant in Charge Association, n’arrête pas dénoncer la recrudescence de la violence et la pression exercée sur le personnel pour accélérer les consultations dans les hôpitaux.

On pensait conclure notre dossier sur la mésaventure vécue par l’infirmière opérant dans l’établissement phare de la ville des fleurs. Que nenni ! La violente agression qui s’est produite, jeudi, aux petites heures du matin, aux alentours de 2h35, à la pharmacie de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, à Port-Louis, est venue se greffer à la liste des pires infractions commises en milieu hospitalier. Selon nos informations, un policier en service a été pris pour cible alors qu’il tentait de maîtriser un individu armé d’une barre de métal.

Le constable, affecté à l’hôpital, avait été appelé en renfort après avoir remarqué un homme se comportant de manière agressive envers le pharmacien de garde, en brandissait une barre métallique. Le policier est aussitôt intervenu pour tenter de calmer la situation. Mais le patient voulait en découdre et a asséné un coup de poing au visage du policier avant de le menacer de lui porter un coup avec la barre de métal. Malgré les avertissements qui lui ont été donnés, l’individu aurait persisté dans son comportement agressif. Le policier lui a alors rappelé qu’il était en train de commettre une infraction, à savoir « agression d’un agent de l’autorité civile »… En vain.

L’agresseur, habitant Baie-du-Tombeau, a continué à donner du fil à retordre à l’agent de police, allant jusqu’à déchirer la chemise de l’agent et lui donner un coup de pied, le blessant au passage. L’intervention d’un sergent de police, témoin de la scène, a permis de maîtriser le suspect, qui a été placé en état d’arrestation, avant d’être remis en liberté conditionnelle après les procédures d’usage. Le policier blessé a été transporté pour recevoir des soins médicaux. Ladite pharmacie étant équipée de caméras de vidéosurveillance (CCTV), les enregistrements devraient être utilisés comme éléments de preuve dans le cadre de l’enquête.

Ce deux fâcheux épisodes relancent à la fois encore le débat sur les violences dans le milieu médical et celui, plus général et plus politique, d’une banalisation de la violence dans la société. Le personnel soignant et les syndicalistes s’étonnent du mutisme du ministre de la Santé, Anil Bachoo, sur les événements de la semaine écoulée, d’autant que ce dernier a non seulement été mis au parfum, mais a assisté, mardi, à une réunion d’ordre administrative à l’hôpital Victoria.

« Des infirmiers se sont retrouvent quotidiennement en première ligne face aux cris, insultes et gestes violents de la part des patients et ont fini par céder à la psychose face à ces agressions qui n’ont rien de banales. L’infirmière agressée à Candos a-t -elle bénéficié d’un support psychologie ? Imaginez-vous si c’est un homme qui l’avait agressé. On peut lire toute la peur sur les visages des nurses confrontées à ces situations. La moindre des choses aurait été d’émettre un communiqué ferme du côté du ministère de la Santé. Ce n’était toujours pas le cas, à hier », soutient le Dr Aubeeluck. Contactée depuis jeudi matin, la Junior Minister à la santé, Anishta Babooram, a promis de nous rappeler, mais elle n’est jamais revenue vers nous.

La liste des cas d’urgence rapportés cette année à la police est longue comme un bras… à l’instar des graves blessures au bras, à l’épaule et à l’arrière de la tête subies, le 12 février, par un health care assistant de l’hôpital de Mahébourg, après une attaque au couteau, et il incombe désormais aux autorités compétentes de s’asseoir autour d’une table pour débattre de la mise en place d’un système de sécurité efficace, car à force de jouer à l’autruche, on se réveillera un jour pour constater qu’il sera trop tard…

« La présence d’au moins trois policiers armés, des membres de la SMF si possible, est un must. En plus de la vidéosurveillance, on devrait l’installation de bouton d’alerte relié aux postes de police. Les lois doivent être plus sévères. Les services de gardiennage n’ont pas les prérogatives pour agir. Ne devraient-ils pas être équipés de tasers ? Le manque de lumière dans cour de l’hôpital Victoria, où les départements sont éparpillés, est décrié par les médecins. Les choses doivent changer », souligne le Dr Aubeeluck.

Santé publique – dès ce lundi —L’hôpital de Moka déménage au Réduit Triangle

Le Subramania Bharati Eye Hospital quitte son site historique de Moka pour s’installer, à partir de ce lundi 10 novembre, dans une nouvelle infrastructure située au Réduit Triangle. Ce transfert marque la fermeture définitive de l’ancien bâtiment, utilisé depuis plus d’un siècle, et qui faisait face à des contraintes structurelles, notamment un manque d’espace de stationnement, une capacité de lits limitée et une difficulté à répondre à la croissance soutenue des demandes de soins ophtalmologiques.

Situé en face des locaux de la Financial Crime Commission, le New Subramania Bharati Eye Hospital a été construit au coût de Rs 715 millions, financé par l’Abu Dhabi Development Fund. L’établissement s’étend sur sept étages et a été conçu pour remplacer intégralement l’ancien hôpital. Il est équipé pour renforcer la prise en charge des consultations spécialisées, des examens diagnostiques et des interventions chirurgicales. L’un des objectifs prioritaires annoncés est de réduire les listes d’attente, en particulier pour les chirurgies de la cataracte, qui représentent une part importante de l’activité hospitalière ophtalmologique.

Le projet avait été lancé sous l’ancien gouvernement dirigé par Pravind Jugnauth, avec une livraison initialement prévue en 2024. Sa finalisation et sa mise en opération interviennent sous l’actuel gouvernement dirigé par Navin Ramgoolam.

À partir de lundi 10 novembre, l’ensemble des services, y compris les consultations, traitements ambulatoires, chirurgies programmées et services administratifs, sera assuré uniquement au New Subramania Bharati Eye Hospital. L’ancien site de Moka cessera toute activité à la même date. Le public est invité à se présenter au nouvel hôpital à partir de 8 h pour toute prise en charge.

Afin de faciliter l’accès à la nouvelle localisation, plusieurs lignes d’autobus seront ajustées ou prolongées pour desservir le Réduit Triangle :

Port-Louis : 93, 93A, 113, 113A

Flacq : 15, 16

Rose-Hill : 13, 13A, 13D, 15D, 105, 105A, 146 (via Ébène)

Rivière du Rempart : 222

Curepipe : 107 (via Castel/Phoenix), 153 (via Vacoas/Quatre Bornes)

Saint-Pierre : 74

Le transfert du personnel médical, infirmier et administratif a été effectué de manière progressive au cours des derniers jours, afin d’assurer la continuité des soins pour les patients nécessitant un suivi régulier.

La mise en service du nouvel établissement s’inscrit dans une réorganisation plus large de l’offre de soins ophtalmologiques au niveau national, visant à répondre à une demande croissante, à moderniser les équipements cliniques et à offrir des conditions de prise en charge conformes aux standards actuels.

Désertification, exode et ingérence politique

Traiter le problème à la source

Au-delà de la question de la mise en place d’un système de sécurité efficace, se pose celle des conditions de travail, du manque de personnel, de la désertification médicale et des temps d’attente. Tous ces sujets sont liés : le fait qu’une majorité de faits de violence trouvent leur origine dans la prise en charge des patients le montre. Le manque cruel de médecins dans certains établissements amène à la saturation des services d’urgence, ce qui conduit à faire exploser les temps d’attente et donc l’exaspération des patients et leurs proches, sans parler de l’épuisement des soignants. Nombreux sont ceux qui abandonnent leur poste en raison du salaire qu’ils considèrent comme dérisoire, préférant trouver de l’emploi dans le secteur privé. Traiter le problème des violences à la source devrait donc commencer par traiter la question de la désertification.

Le système de santé public mauricien connaît une hémorragie inquiétante de ses soignants, de plus en plus nombreux à opter pour une transition vers le secteur privé ou à une reconversion professionnelle. Il n’y a pas de données exhaustives sur le sujet, mais si on se fie aux dires du Dr Meetheelesh Abeeluck, président de la GMDOA, « depuis ces trois dernières années, entre 40 et 45 spécialistes ont démissionné du service public pour prendre de l’emploi dans le service privé ou ont tout simplement changé de carrière. Cette vague de départs touche des domaines essentiels comme la gynécologie, la pédiatrie, la chirurgie, la médecine interne et l’anesthésie. L’imposition du système de travail 24/7, depuis août 2022, inadapté aux ressources humaines disponibles, a découragé pas mal de spécialistes, car le service n’a pas suffisamment de personnel pour opérer ce type de rotation de travail. Le burn-out est l’un des principaux facteurs qui poussent les médecins à abandonner leur poste. »

Le président de la GMDOA souligne qu’ « on ne peut demander à un spécialiste de travailler 31 heures d’affilée. Il y a paradoxe flagrant avec les recommandations du Pay Research Bureau (PRB) qui stipulent clairement que les médecins généralistes ne peuvent pas travailler 31 heures consécutives pour préserver leur santé, leur vie familiale et leur équilibre professionnel. L’augmentation de l’offre de soins n’a pas été accompagnée d’un recrutement proportionnel de personnel soignant. » Comment sortir de ce cercle vicieux  ? « Ce dont les médecins ont besoin, c’est de plus de ressources, de plus d’infirmières, de plus de personnel formé. Je crois qu’actuellement, si on veut renverser cette tendance, ce n’est pas nécessairement en adoptant des mesures contraignantes, mais en améliorant les conditions de travail », dit-il.

Le Dr Meetheelesh Abeeluck ajoute qu’ « au-delà du système 24/7 et des affectations à Rodrigues, d’autres facteurs aggravants contribuent à cette fuite de cerveaux : l’ingérence politique dans le management des patients. Ceux qui sont partis ont fait comprendre qu’ils subissaient trop de pression et d’ingérence. Un système dictatorial s’était installé sous l’ancien gouvernement, où ceux qui osaient remettre en question le fonctionnement du système de santé public étaient sanctionnés par des transferts arbitraires. Il ne faut que l’actuel gouvernement tolère ce genre de dérive. »

Accord Maurice-Inde pour améliorer

les soins et la formation médicale

« Ce partenariat permettra d’améliorer la qualité des soins prodigués aux patients mauriciens, d’élargir leurs options de traitement en Inde et de renforcer les compétences du personnel médical local ». C’est ce qu’a déclaré le ministre de la Santé, Anil Bachoo, vendredi, à l’issue de la signature d’un protocole d’accord avec le SIMS Hospital (SRM Institutes for Medical Science) de Chennai, qui vise à faciliter l’envoi de patients mauriciens à l’étranger pour des traitements médicaux spécialisés, tout en offrant aux médecins mauriciens l’opportunité de suivre des formations avancées dispensées par des spécialistes du SIMS Hospital. Cet accord marque une nouvelle étape dans la coopération bilatérale entre Maurice et l’Inde dans le domaine de la santé. Anil Bachoo a souligné que « cette collaboration illustre la volonté du gouvernement de poursuivre la modernisation du système de santé mauricien à travers des échanges de savoir-faire et d’expertise médicale. »

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