Waterpark : chronique d’une fermeture contestée

Praveen Ramburn, ex-président du SIT :« Pa ti bizin ferm Waterpark ! »
Nishta Jooty-Needroo, CEO:  «le Waterpark ne vaut rien, mais une dette de Rs 500 millions!»

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Le parc a été la cible de vols récemment.  Ses équipements auraient été achetés sans contrat de service après-vente
Les réalisations de l’ex-CEO Yashwantsingh Ramdharee (2023-2024) vantées en interne, avant son départ

Alors que la CEO du Sugar Investment Trust (SIT), Nishta Jooty-Needroo, évoque des pertes chroniques, des dettes bancaires imminentes et un site « qui ne vaut rien », l’ancien président du conseil d’administration, Praveen Ramburn, défend une vision totalement opposée. Selon lui, un plan de redressement financier avait été enclenché avec succès sous son mandat, appuyé par des projets immobiliers, une réduction substantielle de la dette, le retour des dividendes et la relance du marketing. Aujourd’hui, deux récits s’opposent : celui d’un gouffre à fermer, et celui d’un potentiel sacrifié trop tôt. Entretemps, des équipements achetés sans contrat de service après-vente se sont dégradés, laissant place à un parc aquatique fantôme, entretenu par un personnel restreint uniquement chargé d’assurer un service minimum. Le site a également été la cible de vols. Vendredi dernier, la CEO, accompagnée de membres du conseil d’administration, a effectué une visite surprise afin de constater l’état des lieux.

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Lorsque la nouvelle Chief Executive Officer du Sugar Investment Trust (SIT), Nishta Jooty-Needroo a annoncé la fermeture de Splash N Fun Leisure Park (anciennement Waterpark) en mai dernier, ni son prédécesseur ni l’ancien président du conseil d’administration du SIT n’ont réagi publiquement. « À quoi cela aurait-il servi de parler, de défendre les stratégies que nous avions mises en place pour redresser la situation financière ? », lâche Praveen Ramburn. Aujourd’hui, il affirme que le plan de restructuration du SIT incluait un projet de développement foncier à proximité du parc aquatique, ainsi qu’une période moratoire de sept ans accordée par les banques, afin de permettre le remboursement des dettes.
« Malgré la situation difficile que nous traversions, nous aurions remboursé nos loans en moins de 7 ans. Nous projets nous auraient permis d’honorer nos remboursements en 2 à 3 ans », explique Praveen Ramburn. Parmi ces projets, figurait « la construction de bungalows sur un terrain situé non loin du Splash N Fun Leisure Park. » Il avance que la location de ces bungalows aurait fait partie des prestations proposées aux clients du parc, entre autres. « En quelques mois, nos dettes sont passées de Rs 1,5 milliard à Rs 1 milliard. Nous avons pu accorder une augmentation aux employés, et nous envisagions même d’embaucher les contractuels. De leur côté, les actionnaires ont perçu leurs dividendes », précise Praveen Ramburn. Et d’ajouter : « Il ne nous restait plus qu’à trouver Rs 1 milliard pour éponger nos dettes ! Nous n’en avons simplement pas eu le temps. Pa ti bizin ferm Waterpark !”  Dans sa tentative d’augmenter la fréquentation au parc aquatique, le SIT s’apprêtait à lancer une opération marketing sur le marché touristique à l’étranger, et comptait proposer une offre attractive aux touristes pendant les périodes creuses. D’autre part, le recrutement à des postes clés pour le groupe SIT avait également été amorcé. Des postes de Chief Finance Officer, comptable, secrétaire général, et responsable des opérations pour Splash n Fun Leisure Park étaient à pourvoir.
En mai dernier, alors que Nishta Jooty-Needroo dressait, face à la presse, un bilan catastrophique – Rs 150 millions de déficit par an – de la santé financière de la SIT, l’organisme avait, depuis plusieurs mois, consigné les « achievements of the CEO » d’alors, Yashwantsingh Ramdharee, proche de l’ex-ministre de l’Agriculture Maneesh Gobin. Et au vu des réalisations notées, le SIT n’en était pas peu fier. Nommé CEO du Sugar Investment Trust (SIT) en septembre 2023 pour un mandat d’un an, Yashwantsingh Ramdharee « s’est, selon l’organisme, rapidement illustré par une gestion proactive et déterminée à remettre le groupe sur les rails, tant sur le plan financier qu’opérationnel, avec l’appui constant du Conseil d’administration. En seulement dix mois, il a enclenché plusieurs réformes et réalisé des progrès notables dans des domaines clés. »
Selon nos informations, il est dit qu’avec le soutien du conseil d’administration, Yashwantsingh Ramdharee a travaillé avec « diligence à la réalisation des objectifs de cette organisation de renom au cours des dix derniers mois. Son mandat a été marqué par plusieurs réalisations clés. »  L’une de ses principales responsabilités en tant que CEO consistait à veiller à ce que chaque entité du groupe dispose d’objectifs, de politiques et de stratégies clairs, accompagnés de plans et de budgets adaptés pour les atteindre, dans le but de rendre le groupe SIT rentable et en mesure de verser des dividendes à ses actionnaires.
Dans son compte rendu sur la performance de son ancien CEO, le SIT relève que face à l’échéance de prêts et d’obligations d’un montant colossal de 1,2 milliard de roupies, et à l’impossibilité pour le SIT de respecter ses engagements financiers en raison de retards de projets et de problèmes de trésorerie, la direction, sous sa conduite, a lancé un important processus de restructuration de la dette dès décembre 2023.  L’organisme dit avoir mis en place « des contrôles budgétaires rigoureux et de bonnes pratiques de gestion financière pour l’ensemble du groupe SIT. »
Selon le SIT, à l’époque, celui-ci a pu verser un dividende de 5% à tous ses actionnaires et de SIT Land Holdings Ltd, après quatre années d’interruption. L’organisme avance qu’avec le recrutement, en 2024, d’un Team Leader – Marketing et d’un Marketing Officer, « le CEO a rétabli le département marketing, et l’impact a été immédiat. Grâce à la mise en place de nouvelles stratégies marketing, le projet agricole du Domaine Île d’Ambre a été relancé via les plateformes de réseaux sociaux. » Et c’est ainsi que « depuis juin 2024, un total de 12 parcelles ont été réservées pour un montant total de Rs 26,5 millions. » Les actes de propriété devaient être finalisés en septembre 2024. Le SIT, sous la direction de Yashwantsingh Ramdharee, comptait sur cette transaction pour un impact positif sur ses performances financières de l’exercice 2025.
Après près de trois années de négociations intensives entre SIT Land Holdings Ltd et le syndicat concernant la révision des conditions d’emploi des ouvriers agricoles, l’entreprise est parvenue à conclure un accord collectif en décembre 2023. « Pour les employés de SIT et SITL, le CEO a mis en place un nouveau système de rémunération et de classification en interne, sans recourir à un consultant externe en ressources humaines, évitant ainsi des coûts additionnels. Après six années, le personnel a pu bénéficier d’une augmentation de salaire de base, avec un rappel de salaire sur six mois. »
Des projets auraient connu un coup d’accélérateur durant la période « bénie » sous Ramdharee. Notamment i) le projet de Smart City.  Le certificat du Smart City Scheme a même été obtenu et la direction avait déjà soumis une demande auprès du Prime Minister’s Office en vertu de la Non-Citizens (Property Restrictions) Act. Un suivi était en cours auprès des autorités concernées pour résoudre la question des pas géométriques. Par ailleurs, une demande de permis EIA a été soumise au ministère de l’Environnement pour la construction d’un hôtel 5 étoiles. Le débroussaillage des terrains avait déjà commencé en prévision de ce projet. Et ii) le projet de morcellement résidentiel Aurea. La lettre d’intention a été reçue en décembre 2023. Il revient que des contacts avaient été établis avec le consultant, à qui il a été demandé d’entreprendre les démarches nécessaires. Mais ce dernier a informé le SIT que, compte tenu de l’inflation, le coût estimatif du projet, réalisé initialement en 2020, allait être révisé. La finalisation d’une nouvelle grille tarifaire avant le lancement des ventes foncières était en cours.
Concernant ses activités liées à la canne à sucre, malgré un déclin de la production sucrière, le SIT a, dans le sillage des éloges sur son ancien CEO, signifié son intention de relancer et mécaniser les cultures grâce au Cane Replantation Revolving Fund. L’objectif est de replanter 500 arpents de canne d’ici fin 2028. L’organisme a aussi l’intention de  développer deux fermes solaires photovoltaïques : en collaboration avec l’Université de Maurice pour réviser les études de faisabilité, avant de lancer un appel à manifestation d’intérêt pour le choix d’un partenaire technique. Le rapport mentionne les contacts engagés auprès de White Water West LLC pour l’achèvement du tobogan Boomerango.
Nishta Jooty-Needroo, dit ne pas être au courant de ce “rapport interne” sur les réalisations de son prédécesseur. En revanche, les dettes du SIT laisse-t-elle entendre sont bien réels!  En mai 2024, le prêt de Rs 1 milliard contracté par la SIT était arrivé à échéance dit-elle. “ La banque était sur le point de saisir nos biens “, explique-t-la CEO, en précisant qu’un autre emprunt était également arrivé à échéance en janvier dernier. Et de rappeler qu’une enquête de la Financial Crime Commission concernant des allégations de mauvaise gestion et l’attribution irrégulière de contrats d’une valeur de Rs 1 milliard, est en cours.
S’agissant du Waterpark, la CEO du SIT  est catégorique, le site n’était plus profitable. “Le Waterpark subissait une perte financière annuelle de Rs 65 millions. Monsieur Ramburn évoque un projet immobilier pour le sauver. Mais combien de temps cela aurait-il pris pour que ce projet se concrétise et devienne rentable ? “, s’interroge Nishta Jooty-Needroo. Par ailleurs,  lance-t-elle: “Ils auraient dû défricher le terrain qu’ils avaient identifié pour démarrer leur projet ! » Et de souligner: “Depuis sa création en 2000, pour un coût avoisinant les Rs 80 millions, le Waterpark n’a jamais généré de profit. Sa situation à Belle-Mare, exposée aux vents hivernaux, représente un réel désavantage : le taux de fréquentation durant cette période chute drastiquement. “
Elle ajoute : “Le parc aquatique est également situé dans une zone difficile d’accès pour de nombreux Mauriciens. Lors de sa réouverture en 2019, un emprunt de Rs 350 millions a été contracté. Honnêtement, je ne vois pas comment cet argent a été utilisé pour remettre le parc à niveau. Les infrastructures sont en mauvais état, et les équipements acquis pendant les travaux de rénovation ont été achetés sans contrat de service après-vente. Résultat : certains appareils, une fois tombés en panne, n’ont jamais pu être réparés ! “, déplore Nishta Jooty-Needroo. À ce jour, précise-t-elle, “ le Waterpark ne vaut rien, mais il représente une dette de Rs 500 millions !” Le SIT a décidé, nous dit-elle, de maintenir un personnel restreint afin d’assurer un minimum d’entretien du parc.
Nishta Jooty-Needroo explique que  l’avenir du site dépendra du futur partenaire du SIT. La CEO s’explique : “ Nous allons lancer un appel d’offres afin de trouver un partenaire, idéalement étranger, qui reprendra le parc pour y développer un nouveau projet. Cependant, la SIT conservera la mainmise sur le site. Je ne pense pas qu’il restera un parc aquatique.” Toutefois, elle reconnaît que “ pour le moment, ce sont les dettes accumulées qui préoccupent le SIT. Une fois celles-ci régularisées, le SIT pourra se pencher sur le sort du Waterpark.”
S’agissant du personnel du Waterpark, si les contrats de 15 employés contractuels n’ont pas été renouvelés, les 50 autres employés permanents, explique Nishta Jooty-Needroo , auront la possibilité de travailler sur un autre site du SIT ou d’être redéployés auprès du ministère de l’Agro-industrie. “Nous sommes actuellement en train de finaliser un plan, et les négociations sont en cours”, avance cette dernière.
Selon Nishta Jooty-Needroo, “le projet du Domaine Île d’Ambre n’allait pas sauver la SIT de ses difficultés financières. “  Elle avance que les bénéfices tirés de la vente des lots, de même que les dividendes reçu d’Omnicane ont été utilisés pour rembourser les intérêts bancaires. Pour ce qui est du projet de smart city, la CEO du SIT révèle que celui-ci a été gelé pour le moment: “Nous sommes en discussion avec le promoteurs, il y a des questions à régler concernant le terrain.”

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