Tirs Croisés – Journée de la langue créole : Quelle ambition pour le kreol morisien ?

Cette dernière décennie a vu le kreol morisien (KM) déployer ses ailes avec des publications de dictionnaires, son utilisation de plus en plus fréquente par des écrivains et artistes mauriciens, mais surtout l’introduction graduelle de la langue à l’école, puis au collège avant d’être comptabilisée à des examens.

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Cette Journée mondiale de la langue créole est l’occasion de faire le point sur l’ambition que les Mauriciens nourrissent quant au développement de leur langue maternelle, les obstacles qui freinent son plein essor.

Guilhem Florigny, linguiste, dont la thèse de doctorat portait sur l’acquisition du français et du kreol par des enfants mauriciens, observe que cette langue longtemps « minorée et absente des plateformes officielles du pays » détient désormais une reconnaissance auprès de l’Etat à travers son enseignement au primaire et au secondaire. Il est d’avis qu’ « on peut dire de belles choses en KM comme on peut dire de belles choses en n’importe quelle langue ». Pour cela, « il faut arrêter de considérer que le KM est quelque chose de vulgaire ». Pour que le KM parvienne à prendre son plein envol côté éducatif, dit-il, il faut « compléter le cycle puisqu’il sera enseigné jusqu’en Grade 11 (Form V) et qu’il est déjà enseigné à l’université. Il ne manque que son enseignement en HSC ! ».

Ancien professeur de linguistique et auteur de plusieurs ouvrages sur le kreol, Vinesh Hookoomsing relève que le KM « suit son cours et va bien loin ». Il estime que la langue progresse bien en comparaison aux autres langues créoles. Pour l’heure, remarque-t-il encore, « aucun pays créolophone n’a affiché la volonté que le kreol utilisé devienne comme le français ».

Il nuance toutefois quant au devenir du KM, précisant que son essor dépend aussi de ce que les jeunes sont prêts à en faire. Le linguiste note en outre une particularité du KM : « Notre kreol est un kreol multiculturel. Mais ce kreol multiculturel n’efface pas le kreol. Nous sommes un pays multiculturel et le kreol nourrit le multiculturalisme. »

Pour sa part, Lindsey Collen, de Ledikasyon Pou Travayer, dit ne pas être satisfaite du progrès accompli. « Le KM est cantonné à une langue optionnelle, à une langue identitaire alors qu’il doit être utilisé comme médium d’enseignement. » Car, dit-il, « langaz maternel fer lespri travay ». Elle justifie l’utilisation du KM comme médium d’enseignement : « Quand nous utilisons la langue vernaculaire à l’école, les enfants n’ont pas à apprendre par cœur ». Et d’ajouter : « Aujourd’hui, nous avons un système où presque tous les enfants qui excellent dans l’éducation apprennent par cœur. »

Pour elle, si « Pravind Jugnauth a contribué à la décolonisation au niveau des territoires, la décolonisation au niveau de la langue va de pair ». Elle revendique l’introduction du KM au Parlement et se demande « combien de fois Pravind Jugnauth emploiera-t-il des “delaying tactics” »


GUILHEM FLORIGNY (LINGUISTE) : « Que le KM soit enseigné en HSC ! »

En 2012, le KM a fait son entrée comme matière optionnelle en Grade 1. En 2015, le KM est devenu un “examinable subject” au PSAC et les résultats comptaient désormais pour l’admission en Grade 7. En 2018, cette matière entre au secondaire et en 2021, pour la première fois, le KM figure parmi les “examinable subjects” au NCE. Êtes-vous satisfait du progrès ?
Définitivement. Si on regarde le parcours qu’a connu le kreol morisien, une langue minorée et absente des plateformes officielles du pays pendant très longtemps, le fait qu’il soit enseigné depuis 2012 au primaire et qu’il est examiné pour la première fois cette année au niveau du NCE montre qu’il y a une reconnaissance de cette langue par l’Etat parce qu’elle est la langue maternelle de 90% de la population mauricienne. C’est important et cela rejoint un peu la charte linguistique de l’Unesco qui indique qu’il faut encourager et favoriser l’enseignement dans la langue des apprenants pour qu’ils puissent construire leurs connaissances à partir de choses qu’ils connaissent.

Suite à la belle performance des candidats qui ont opté pour cette matière cette année au NCE – 96% de réussite – LPT a préparé une déclaration commune signée par une vingtaine de professionnels de l’enseignement, dont vous, pour réclamer que le KM soit utilisé comme médium d’enseignement. Qu’est-ce qui justifie une telle demande pour vous ?
C’est prouvé par les linguistes depuis pas mal d’années que les apprentissages se font mieux dans la langue maternelle de l’enfant. La demande de LPT au ministère de l’Éducation et au gouvernement mauricien ne vise pas à remplacer l’anglais par le KM mais à permettre aux enfants d’apprendre également en KM, qui est leur langue première pour un meilleur apprentissage.
Nous savons que le KM était déjà présent à l’école depuis les années 1940-1950. La déclaration vient demander une reconnaissance officielle de l’utilisation du KM à l’école. Tous les enseignants diront qu’ils sont obligés de passer par le KM pour expliquer des concepts aux enfants parce que s’ils expliquaient uniquement en anglais ou en français, les enfants ne comprendraient pas. À partir de là, il est logique que le KM soit officiellement accepté comme médium d’enseignement.

La déclaration commune propose l’enseignement des maths et des sciences dans un premier temps ?
Tout peut être enseigné en KM. Un enfant qui apprend les sciences doit apprendre des concepts. Or, quand ce n’est pas dans sa langue maternelle, il ne comprend pas la langue dans laquelle on est en train de lui expliquer. C’est donc plus judicieux de commencer par lui expliquer des choses dans sa langue, et ensuite lui donner la terminologie utilisée dans les examens en anglais.

Quant à l’enseignement du KM en Grade 10 (Form IV), le Conseil des ministres a avalisé en mai dernier cette décision. On a aussi parlé du KM qui comptera parmi les cinq “Credits” pour accéder en Grade 12, le premier examen devant commencer en 2023. Quelles sont les autres étapes à franchir pour le plein essor de cette langue ?
La décision a déjà été prise pour que le KM soit enseigné jusqu’en Grade 11. Le MIE a travaillé sur un curriculum. Il a aussi été décidé que les examinateurs ne seraient pas Cambridge mais l’université de Maurice. Beaucoup de collègues le disent et je pense que c’est vrai : nous sommes dans un processus de décolonisation de notre système éducatif aussi.
Pourquoi devrait-on faire passer un examen anglais à nos jeunes, sachant que les conditions de correction sont probablement moins bonnes que celles du MES. Il ne faut pas douter de la qualité du MES en ce qui concerne des examens nationaux. La prochaine étape donc, je pense, est qu’on complète le cycle puisque le KM sera enseigné jusqu’en Grade 11 (Form V) et qu’il est déjà enseigné à l’université, il ne manque que son enseignement en HSC !

Le progrès de cette langue est aussi passé par son utilisation de plus en plus fréquente par des écrivains mauriciens à travers le théâtre, le slam, la poésie, le roman. Quelle est la place du KM dans la littérature mauricienne ?
Je pense que la littérature, qui n’est pas mon domaine premier, car je suis plus linguiste, n’est pas uniquement écrite. Elle est aussi orale. Il existe depuis très longtemps une littérature orale très vivante à Maurice, que ce soit sous forme de sirandanes, de ségas, de contes, etc. Quant à la littérature écrite, le KM apparaît dans les écrits de nos auteurs et même les plus célèbres. Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement, sachant que c’est une réalité que nous vivons tous.
J’espère qu’à terme la littérature deviendra accessible à tous les Mauriciens puisque pour l’instant, j’ai l’impression que les Mauriciens considèrent que la littérature se fait exclusivement en anglais ou en français et que c’est un objet auquel ils ne peuvent accéder alors que la littérature, c’est partager des écrits. On peut tout dire dans n’importe quelle langue. Je pense qu’on peut dire de belles choses en KM comme on peut dire de belles choses en n’importe quelle langue. Il faut arrêter de considérer que le KM est quelque chose de vulgaire.

Existe-t-il divers niveaux de langue pour le KM : populaire, plus soutenu, littéraire?
Le KM comme n’importe quelle langue connaît différentes variétés à l’écrit comme à l’oral. Si on regarde des documents officiels écrits en kreol, le curriculum des Grades 10, 11, je pense qu’on verra un KM soutenu. Je pense qu’il existe des registres plus esthétiques à travers les différents concours organisés par LPT ou la Creole Speaking Union. Il y a des auteurs qui ont été primés pour la beauté de leur texte.

Quel avenir souhaitez-vous pour le KM ?
Pour les Mauriciens plutôt, je souhaite qu’ils s’affranchissent des préjugés et qu’ils puissent s’exprimer dans la langue où ils se sentent le plus à l’aise ; qu’ils ne soient pas jugés sur leur performance dans telle ou telle langue pour avoir un travail. Qu’ils puissent s’exprimer librement. Dans cette perspective, il est important que le KM trouve sa place et qu’il soit au Parlement et que nos politiciens puissent s’exprimer dans la langue où ils se sentent le plus à l’aise.


VINESH HOOKOOMSING (LINGUISTE) : « Notre kreol nourrit le multiculturalisme »

En 2012, le kreol morisien a fait son entrée comme matière optionnelle en Grade 1. En 2015, le KM est devenu un “examinable subject” au PSAC et les résultats comptaient désormais pour l’admission en Grade 7. En 2018, cette matière entre au secondaire et en 2021, pour la première fois, le KM figure parmi les “examinable subjects” au NCE. Êtes-vous satisfait du progrès ?
Effectivement ! Le kreol morisien suit son cours tranquillement et va bien loin maintenant. Si on le compare aux autres langues créoles, on verra qu’on a bien fait. Je pense qu’il va arriver un moment où l’on va dire : le kreol est déjà bien établi. On commence à faire des poèmes mais au-delà de cela, il y aura l’enseignement des mathématiques, etc., en kreol. Prenez les langues enseignées à Maurice : l’hindi, l’ourdou, le mandarin, etc. Ces langues ne vont pas plus loin. Les parents se contentent de ce qu’on en fait. Elles n’iront pas plus loin que cela à mon avis.

Alors que le KM est appelé à aller plus loin encore ?
C’est possible mais on ne peut être sûr. La langue est peut-être fatiguée. Quand je regarde autour de moi, je me dis que si le kreol morisien peut aller plus loin, tant mieux mais si on dit qu’on ne peut aller plus loin… Si les parents pensent ainsi ou si les enfants disent « ça va, on a appris, on a une bonne connaissance du kreol… ».

Cela dépend aussi donc des parents, des enfants…
Les élèves eux-mêmes disent : « j’arrête là ». À Maurice, on l’a fait de manière normale, tranquille. Si on va dans les Antilles par exemple et dans les autres pays créolophones dépendant de la France, on verra que ce n’est pas la même chose. Ils ne vont pas plus loin. Un ancien collègue avait essayé de créer des mots un peu philosophiques pour le kreol. Très tôt, il s’est essoufflé et a laissé tomber. Aucun pays créolophone pour le moment n’a affiché la volonté que le kreol utilisé devienne comme le français.

Pensez-vous que le KM pourra un jour avoir un statut comparable à celui de la langue française ?
Cela peut venir mais cela m’étonnerait. Encore une fois, ce sont les jeunes qui vont en décider… Prenons les Seychelles, ils sont allés le plus loin au niveau du kreol qui coexiste avec l’anglais et le français. Les Seychellois sont très pragmatiques et se sont dit : on a l’anglais, le français et le kreol ; on est un petit pays et on roule tranquille.

Vous figurez parmi la vingtaine de signataires de la déclaration commune préparée par Ledikasyon Pou Travayer dans le but de réclamer le kreol morisien comme médium d’enseignement des mathématiques et des sciences dans un premier temps. Pourquoi serait-il bon de l’utiliser comme médium d’enseignement ?
La question n’est pas de savoir si c’est bon ou pas. À partir du moment où cela marche à l’école, le kreol aura sa place. À mon époque, le prof parlait en français, ensuite en kreol ; il mélangeait les deux langues. Dans un contexte multiculturel, on a besoin de parler d’une certaine manière. Déjà, le kreol et le français à Maurice marchent très bien. Récemment, un jeune a commencé à écrire des mots sur des T-shirts. Au lieu de dire par exemple : kot ou pe ale, il a écrit kot pi ale. Il a vendu beaucoup de T-shirts mais finalement il s’en est lassé et cela a disparu. Les jeunes ont l’habitude de créer de nouveaux mots. Cela marche mais ensuite cela disparaît.
Le kreol a toujours un côté qui est à la fois kreol et un mélange. C’est comme cela que la langue continue de rester très forte mais en même temps très faible. On crée des mots et on les balance ensuite. Par contre, l’anglais, le français, ça reste, ça ne part pas.

Que faudrait-il pour s’assurer que cela reste comme pour l’anglais et le français ?
Je ne suis pas prophète. Mais, je ne pense pas que l’anglais et le français vont disparaître. Maintenant, on a des variétés d’anglais. L’anglais américain par exemple est un offshoot de l’anglais ; La Réunion a créé une variété du kreol dont elle est contente.
Il ne faut pas dénigrer le kreol. Il a sa place. Depuis que je suis à la retraite et que j’ai fait un accident dont je suis heureusement sorti indemne, je voyage beaucoup par le bus. Dans le bus, vous n’entendez aucun mot français, aucun mot anglais. Les gens ne parlent que le kreol. Quand il y a un mariage hindou, le nouveau marié ne connaît rien des mots que profère le religieux. Les nouveaux mariés obéissent car c’est la tradition. Chez les musulmans, quand il y a une mortalité, mot qui est un créolisme, on dit qu’on va à un mayat. Ce terme peut rester mais cela peut changer avec le temps. Moi-même, j’ai 73 ans. Avec l’arrivée de Divali, il y a des mots hindi qui me reviennent comme « Je vais faire le goorlago’ (se prosterner). » Ce genre de mots reste car c’est un mot religieux. Les musulmans ont un mot pour le petit-déjeuner : nasta. On garde cet aspect multiculturel. Notre kreol est un kreol multiculturel. Mais ce kreol multiculturel n’efface pas le kreol. Vous entrez dans un autobus, dans le métro, on ne va pas parler français pour parler de telles choses…
Dans un entretien, Robert Chaudenson, un très grand linguiste spécialiste des créoles, décédé l’an dernier, a dit ceci : « Le visage de la créolisation diffère selon les pays concernés. » En fonction de ce qu’ils ont comme bagage donc, ils changent de visage. C’est exactement le cas à Maurice. Nous sommes un pays multiculturel et le kreol est en train de nourrir le multiculturalisme.

Quel avenir souhaitez-vous pour le kreol morisien ?
On ne peut dire que le kreol va disparaître à un moment ou à un autre. Ce qui m’intéresse, c’est qu’à chaque fois, quand j’entre dans un bus rempli, tout le monde parle kreol. Aussi longtemps qu’il y aura des bus, des métros et la jeunesse, l’anglais va rester une langue de richesse.


LINDSEY COLLEN (LPT) : « La décolonisation des territoires va de pair avec celle de la langue »

En 2012, le kreol morisien a fait son entrée comme matière optionnelle en Grade 1. En 2015, le KM est devenu un “examinable subject” au PSAC et les résultats comptaient désormais pour l’admission en Grade 7. En 2018, cette matière entre au secondaire et en 2021, pour la première fois, le KM figure parmi les “examinable subjects” au NCE. Êtes-vous satisfait du progrès ?
À Ledikasyon Pou Travayer, nous ne sommes pas satisfaits de ce progrès car c’est un progrès qui se cantonne intentionnellement à un cadre très gênant pour une langue maternelle. Du fait que c’est une matière optionnelle, elle est reléguée à un « choix », à une langue identitaire qui n’est pas une langue maternelle.

Cela vient accentuer une mauvaise compréhension sur ce qu’est la langue de l’humain. À Maurice, le KM est la langue naturelle, la langue maternelle de plus de 90% des Mauriciens et aussi la langue vernaculaire. La langue de l’humain, c’est la langue par laquelle nous appréhendons le monde. Elle n’est pas une langue dans laquelle on choisit de communiquer. Or, quand elle est cantonnée à une langue de choix, à une langue identitaire, cela crée beaucoup de tort.

Ce qui est important en ce qui concerne l’éducation, c’est qu’elle doit être utilisée comme médium d’enseignement pour la compréhension de concepts abstraits. Quand nous utilisons la langue vernaculaire à l’école, les enfants n’ont pas à apprendre par cœur. Aujourd’hui, nous avons un système où presque tous les enfants qui excellent dans l’éducation apprennent par cœur. Langaz maternel fer lespri travay. Mais à l’école, nous ne voyons pas cet impératif de fer lespri travay.

Par exemple, dans d’autres pays, la punition corporelle existe pour avoir proféré un juron, pour s’être bagarré, ou pour du bullying, etc., mais jamais, avant d’en être témoin, n’avais-je entendu qu’un enfant était puni parce qu’il n’avait pas compris une leçon. Cela est dû à l’apprentissage par cœur. Il faut que le ministère de l’Éducation vienne avec une date pour dire quand le KM sera introduit comme médium d’enseignement des sciences et des maths dans un premier temps.

Pourquoi les sciences et les maths d’abord ?
Si on dit à un enfant qu’il aura accès aux maths à condition qu’il connaisse l’anglais ou le français, on étouffe son génie. Toutes les instructions en anglais constituent une barrière à la compréhension des maths. Les sciences et les maths sont des matières conceptuelles. Nous proposons un dual medium : il y a déjà des manuels en anglais. On n’a qu’à le faire en KM pour les maths et les sciences. Les enfants peuvent avoir le choix de faire leurs examens en KM ou en anglais.

Vous proposez donc un “dual medium” dans un premier temps ?
Cela dépend. Le dual medium peut rester. Cela ne représente pas un grand coût pour le ministère. On peut commencer par le Grade 1.

Cela fait plusieurs années que LPT demande l’introduction du KM au Parlement. Où en est-on ?
Pour la reprise parlementaire, nous avons demandé au Premier ministre d’annoncer une date quant à l’introduction du KM comme option au Parlement et qu’il mette sur pied un Select Committee pour se pencher sur le côté pratique.

Pourquoi le KM doit-il entrer au Parlement ?
Nous réfléchissons dans notre langue maternelle et du coup le niveau de réflexion sera plus élevé avec l’utilisation du KM. Par ailleurs, le public sera mieux à même de comprendre, avec précision, les débats parlementaires. Ce que nous remarquons avec Pravind Jugnauth, c’est qu’il s’est tellement dit en faveur de l’introduction du kreol au Parlement que chaque fois que c’est reporté, c’est comme s’il induisait le Parlement en erreur. Combien de fois emploiera-t-il des delaying tactics ? LPT avait organisé des débats publics le 9 mars 2020. Le MSM n’était pas représenté. Trois partis parlementaires de l’opposition, le PTr, le MMM et le PMSD étaient présents et avaient donné leur assentiment pour l’introduction du kreol au Parlement. La Constitution devrait ainsi être amendée :
The official language (s) shall be in English (and Kreol Repiblik Moris) but any member may address the Chair in French, les ajouts étant entre parenthèses. Pour voter cet amendement, il faut trois quarts des députés. Or, les partis d’opposition sont d’accord.
Pravind Jugnauth a contribué à la décolonisation au niveau des territoires mais la décolonisation au niveau de la langue va de pair. Il aurait pu rassembler les deux. Dans deux mois, cela fera 100 ans qu’un conseiller municipal à Port-Louis, Mamode Ellam, s’est exprimé en kreol. Il s’est toujours exprimé en kreol jusqu’à ce que le Speaker lui demande de quitter le conseil en 1922. En mémoire du centenaire de son action, le KM aurait dû entrer au Parlement en 2022.
La pensée qu’il fait une grande base de données pour qu’une langue puisse être sur transcription automatique est un prétexte car on peut le faire en même temps, manuellement. On peut le faire sur une base d’essai. Les enregistrements officiels peuvent rester en anglais pour les premiers six mois et on constitue la base de données graduellement. La plus grande database sur la centaine de langues créoles dans le monde est le Kreol Repiblik Moris.
L’université de Paris VIII a demandé la permission à Lalit d’utiliser sa database sur le KM qui est plus grande que celle de Haïti qui a officialisé sa langue créole depuis longtemps. La database de Lalit est immense. La Constitution de Maurice a déjà été traduite en kreol par Rama Valayden. Les arguments techniques donc pour retarder son introduction ne tiennent pas.

Quelle est la place du KM dans la littérature mauricienne ? Existe-t-il divers niveaux de KM ?
Il existe un kreol formel utilisé dans les essais politiques et par des organisations qui rédigent leurs minutes en Kreol. Il y a aussi une grande créativité en kreol côté littéraire. Nous avons une œuvre immense de Dev Virahsawmy. Il existe beaucoup de contes pour enfants en kreol de même qu’une riche collection au niveau des pièces de théâtre. Nous avons un patrimoine d’œuvres en kreol assez riche et qui continue de s’élargir. Le gouvernement peut encourager des œuvres de qualité en kreol à travers des prix littéraires.

Quel avenir souhaitez-vous pour le KM ?
J’espère que le Kreol Repiblik Moris soit assez développé et accessible partout pour que nous puissions enfin vivre dans notre langue maternelle et nous libérer de ce joug colonial qui fait croire que cette langue est inférieure.

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