Toxicomanie : Quand la substance prend le contrôle

Les drogues et produits psychoactifs agissent directement sur le cerveau et modifient le comportement de l’usager. Les effets diffèrent selon les individus et en fonction des produits consommés.

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Selon le Dr Ramkoosalsing, psychiatre retraité du Brown-Séquard Mental Hospital et président de la Mental Health Federation, ces écarts comportementaux sont dans la définition même du terme drogue. “La drogue est une substance psychoactive médicamenteuse ou non, licite ou illicite, qui agit sur notre système nerveux central et modifie l’activité mentale, les émotions, la pensée, les sensations et le comportement.” Certaines drogues ont la faculté de donner à l’individu l’impression d’être plus fort, plus motivé. D’autres mettront l’usager dans un état de somnolence tout en accentuant la sensation de bien-être.

La tyrannie de la poudre.

Le Dr Ramkoosalsing indique que l’usager peut changer radicalement de comportement, mais que les réactions dépendent des drogues qu’il consomme. “Cela peut avoir un effet stimulant ou dépresseur. Toutefois, des points communs sont observés assez régulièrement : la négligence de tout ce qui l’entoure, comme sa famille, son travail, et même son hygiène personnelle. Dans certains cas, les usagers sont dans un état confusionnel, d’agitation, d’agressivité. Ils peuvent se rouler par terre, avoir des hallucinations ou des délires de persécution. Il ne faut cependant pas perdre de vue que c’est la substance qui est responsable. Ils ne savent pas ce qu’ils font.”

Imran Danoo, du Centre Idrice Goomany, souligne que le comportement du consommateur change surtout quand il est en état de manque. “Ça prend le dessus sur la raison. On appelle cela la tyrannie de la poudre. C’est son corps qui le domine. On retrouve cela surtout chez les consommateurs d’héroïne.” À ce sujet, le Dr Seewoobudul, de l’hôpital Brown-Séquard, confie que l’héroïne a des effets plus forts, en comparaison avec beaucoup d’autres drogues. Il parle même d’extase. “En ce qui concerne l’héroïne, on dit qu’il y a un flash de type orgasmique 50 à 100 fois plus fort qu’une éjaculation. C’est pour cela que les gens deviennent accros à l’héroïne. Cette drogue va directement au cerveau, contrairement à l’alcool. On devient dépendant beaucoup plus vite qu’avec l’alcool”, affirme le Dr Ramkoosalsing.

Comportements variés.

Imran Danoo explique que la drogue a la capacité de “voler” le système qui produit de la dopamine, la molécule du plaisir. “Le cerveau en produit quand on mange, quand on boit ou qu’on fait l’amour. Chaque type de drogue a des effets différents mais la drogue en général a la capacité de donner cet effet au cerveau. Quand le cerveau a ce signal-là, il ne sait pas ce que c’est, mais il produit la dopamine. Cela met alors le toxicomane dans un état de bien-être.”

Le comportement d’un usager de drogue peut varier selon plusieurs critères, confie le Dr Seewoobudul. L’âge, le nombre d’années durant lesquelles il consomme de la drogue, la corpulence et la quantité de la substance qu’il a consommée influent sur le comportement qu’il peut avoir, notamment quand il est en état de manque.

Concernant les drogues synthétiques, nos interlocuteurs parlent d’effets qui tentent d’imiter ceux du cannabis, mais à un échelon supérieur. “La différence est que l’effet est considérablement augmenté. Ce qui amène à des changements dans le comportement de l’usager.”

Polisubstance abuse.

L’hôpital Brown-Séquard accueille quotidiennement un minimum de dix personnes qui sont victimes d’intoxications liées à la drogue. Un chiffre en lien avec l’émergence des drogues synthétiques dans le pays. Selon le Dr Seewoobudul, les patients arrivent dans des états différents. “Certains sont en état de manque et d’autres ont pris trop de drogues différentes.”

Selon lui, la polisubstance abuse est arrivé à un stade avancé. “Plus de 90% des usagers font usage de plusieurs types de drogue. Cela peut être un mélange d’héroïne, de gandia, de drogues synthétiques, de comprimés psychotropes, de méthadone ou de sirop contenant de la codéine.” Ceci provoque des états différents chez les patients, rendant le traitement compliqué à mettre en place. L’effet de l’héroïne, par exemple, se termine assez rapidement, entre trente minutes et une heure. “Le problème est que le cerveau en voudra encore. Si l’usager n’a pas d’argent pour une autre dose d’héroïne, il se tournera vers des drogues moins chères, comme les drogues synthétiques. Il aura besoin d’en prendre deux ou trois pour retrouver le même effet, ce qui peut conduire à des intoxications et des comportements inappropriés.”

Traitement

Selon le Dr Seewoobudul, le traitement des intoxications à la drogue varie selon les états. Dans beaucoup de cas d’intoxication, il est mieux que la victime se rende dans un hôpital car il aura surtout besoin de soins physiques. Le traitement est souvent symptomatique. “S’il est agité, on lui donne des somnifères ou des médicaments anti-hallucinatoires jusqu’à ce que le corps élimine la substance.”

Les drogues synthétiques posent un problème au niveau du traitement, car elles ont la particularité d’être très différentes les unes des autres et sont souvent dosées différemment. “Même ceux qui fabriquent ces drogues ne connaissent pas leurs effets. Ils arrivent à connaître les effets uniquement lorsque les gens prennent la drogue en question. Ils ont alors des informations qui leur permettent de savoir s’il faut réduire ou augmenter les doses de tel ou tel produit. Ils le font dans des laboratoires clandestins et il n’y a pas de contrôle de qualité. Tout ceci rend les traitements difficiles en cas d’intoxication.”

Ritesh, ancien toxicomane : “Mon comportement changeait mais je n’avais pas le choix”

Ces changements de comportement peuvent être remarqués par les usagers eux-mêmes dans certains cas. Ritesh (prénom fictif), ancien toxicomane qui est sous traitement à la méthadone depuis sept ans, indique qu’il était conscient de l’état d’agressivité dans lequel il se trouvait quand il ne pouvait avoir sa dose. “Je constatais que mon comportement changeait mais je n’avais pas le choix. Je ne pouvais pas lutter contre. Je devenais nerveux et agressif. Ma femme était craintive et finissait par me donner de l’argent pour que je puisse me procurer ma drogue. Parfois, elle était obligée d’aller emprunter de l’argent à sa famille.”

Parfois, Ritesh pratiquait le chantage affectif. “Je me suis déjà tapé la tête contre le miroir pour inciter ma femme à trouver de l’argent. Je lui disais que j’allais me tuer.” Il a été témoin d’actes de violence de la part d’un autre toxicomane. “J’ai déjà vu un ami arracher la chaîne du cou d’une femme car il ne pouvait plus supporter son état de manque. Lorsque quelqu’un est en état de manque, il ne peut plus réfléchir. Sa seule pensée est vers cette dose.” Ritesh souligne qu’il devenait une tout autre personne dès qu’il avait eu son injection d’héroïne.Pli bon ki mwa pena personn dan sa ler la. Mo netway lakaz, mo koze, mo riye. À ce moment-là, on ne réalise pas quel genre de personne on est devenu.”

Sa perception des choses a changé quand il est entré sur le programme de la méthadone. “C’était magique. C’est à ce moment-là que j’ai compris comment la drogue avait transformé ma personnalité et me détruisait. C’était en 2012, lorsque je suis sorti de prison. J’avais attrapé le Sida, perdu ma femme et j’ai été SDF pendant trois ans. Aujourd’hui, mon combat est la prévention, que je fais dans les collèges.”

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