DANS LES COULOIRS DES HÔPITAUX PUBLICS : la Santé publique à l’épreuve

Des employés des services de santé publique sont Streched jusqu'au bout avec la pandémie de Covid-19. Le problème No 1 n'est autre que les ressources humaines sur l'Establishment des hôpitaux. Des tâches confiées généralement à un groupe de personnes peuvent désormais être remises à une seule. Mais malgré un épuisement visible, ils assurent tout de même le nécessaire. La crainte d’une dégradation de la situation de la Covid est cependant exprimée à l’approche de la réouverture des frontières du 1er octobre. Infirmiers et Health Care Assistants prient pour un recrutement massif au sein des hôpitaux publics et autres centres de santé. Jusqu'à l'heure, le ministre de la Santé ne semble y accorder le moindre soupçon d'intérêt.

— Le système de santé risque de ne plus fonctionner efficacement si une poignée additionnelle d’employés vient à manquer

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– Des employés de l’hôpital Victoria: « Tou bann vie dimounn ki’nn gagn Kovid dan sa lasal-la inn mor »

Les opérations dans les hôpitaux publics tiennent bon pour le moment, malgré « enn ti ralantisman », constatent les professionnels de la médecine. Toutefois, l’ensemble des services offerts par les hôpitaux repose sur un personnel exténué, à bout de souffle. Les répercussions de la pandémie de la Covid-19 pèsent lourd pour eux. Fatigue, stress, positivité au virus contribuent à un épuisement généralisé parmi leurs rangs, que les discours et explications des politiques ne parviennent à estomper. Ces paroles « anler-anler » ne reflètent nullement leur réalité. Elles contribuent au contraire à nourrir une indignation profonde. Car le système de santé public menace de ne plus fonctionner si une poignée additionnelle d’employés vient à manquer. On s’approche de la Saturation Point.
Pourtant, dans les couloirs des hôpitaux, l’atmosphère a regagné une certaine normalité. Il y a trois semaines, c’était la ruée vers les Covid-19 Centres, étape marquée par l’impossibilité de garantir la moindre distanciation sociale et surtout du fait que ces centres pouvaient se transformer en foyer du virus invisible, les patients positifs attendant des heures aux côtés de ceux venus réaliser de tests PCR par précaution.

Actuellement, que ce soit à l’hôpital Jeetoo ou à celui de Victoria, des dispositions ont été prises pour le respect des mesures préconisées dans le cadre du protocole sanitaire anti-Covid. Comme à Port-Louis, où un agent de sécurité posté aux abords de la pharmacie de l’hôpital s’assure que le nombre de personnes s’y présentant ne soit pas trop important. Des autocollants sont placardés sur les sièges afin d’éviter que deux patients s’installent côte à côte.

Quelques écarts minimes sont relevés à l’hôpital Victoria, relevant principalement de la distanciation. Notamment au niveau des Casualties. Mais dans l’ensemble, les patients portent tous correctement leurs masques sanitaires, étant surveillés de près par des agents de sécurité qui circulent inlassablement dans les couloirs et interviennent avec des rappels à l’ordre quand il le faut.

Le plus gros changement s’est opéré aux abords des Covid-19 Testing Centres. La cacophonie qui y régnait s’est estompée. À Port-Louis, la marquise installée pour accueillir les centaines de patients qui s’y présentaient quotidiennement est désormais vide. En file indienne, une dizaine de patients attendent de se faire enregistrer. Idem à l’hôpital Victoria, où une vingtaine de personnes patientent dans le calme. Mais il ne faut s’y méprendre.

The Devil is in the detail

« Tout cela n’est qu’une illusion », confie une infirmière en levant des yeux cernés, un signe d’extrême fatigue indéniable. Les premières fissures qui apparaissent au tableau idyllique se situent au niveau de la réception de l’hôpital Candos. Toute personne souhaitant se faire dépister de la Covid-19 doit s’y rendre pour récupérer un bout de papier, avant d’être informée d’un protocole des plus inquiétants (voir hors-texte). L’illusion des Covid-19 Testing Centres vides vole en éclats. Et d’un coup.

« Pe gagn ka partou », poursuit l’infirmière, à l’abri des regards. Un témoignage que soutient un Health Care Assistant. « Preske toulezour pe gagn mor bann pasian Kovid. Selman pa pe dir » , lâche-t-on avec un air dépité. Les langues se délient au sein des hôpitaux pour faire état des décès de patients positifs, surtout parmi les personnes âgées (voir encat plus loin). L’argument de comorbidité se révèle une véritable aubaine pour maintenir les chiffres de décès à un niveau en-deçà des autres pays de la région et de la réalité sur le terrain.

L’explosion de cas positifs dans des hôpitaux publics fait qu’il est impossible de rapporter concrètement le nombre de salles fermées. On parle désormais d’étages, voire de blocs à l’hôpital Victoria, alors que des cas sont recensés quotidiennement parmi les patients de l’hôpital Jeetoo.

« Il y a beaucoup de patientes positives également qui accouchent », raconte une infirmière au téléphone. Comme cette patiente qui quitte ce mardi la salle des soins intensifs D4 de l’hôpital Victoria, sous les yeux ébahis des visiteurs. Affaiblie sur un lit, elle est escortée par des infirmières portant des combinaisons sanitaires. La jeune mère, positive à la Covid, crie désespérément dans les couloirs pour voir son nouveau-né. Les supplications de ces proches, à l’effet de faire preuve de compréhension, ne suffiront pas à la raisonner. Elle sera emmenée de force, à l’écart de son enfant, qui vient de naître. Une scène déchirante…

« Li bien difisil pou nou », relate l’infirmière, qui fait état de la fatigue accumulée depuis le début de la pandémie. Depuis plus d’un an, le personnel des hôpitaux a également été déployé dans les centres de quarantaine. Alors que des cas positifs parmi les employés des hôpitaux sont recensés quotidiennement. De fait, la main-d’œuvre vient à manquer au sein des hôpitaux, et ce, à différents niveaux. Chez les Health Care Assistants de l’hôpital Victoria, généralement à six pour couvrir une salle (trois hommes et trois femmes), c’est l’exténuation. Certaines fois, un unique employé peut se retrouver à répondre pour deux salles.

« Il y a un manque de staff au sein des hôpitaux », déplore Jeewuth Bholanath, vice-président de la Health Services Union et secrétaire de la Nurses’ Union. Pour cette raison, des Vacation Leaves ne sont que rarement accordés. Cette situation n’est pas nouvelle. Lors d’une rencontre en octobre 2020 avec le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, le syndicat des infirmiers avait fait la demande pour un recrutement massif, surtout en cette période de crise. Mais un an après, le constat de Jeewuth Bholanath est accablant. « Pa’nn tann nanye depi », regrette-t-il. « Si plus d’employés viennent à manquer, il n’y aura pas assez de staff pour couvrir tous les départements au sein des hôpitaux », craint-il avec la réouverture des frontires déjà une réalité.


L’horreur de la salle G7

Vers fin août la salle G7 de l’hôpital Victoria avait été retenue pour des admissions de patients positifs. Des témoignages recueillis auprès d’infirmiers et de Health Care Assistants déployés dans cette unité donnent froid dans le dos. « Tou bann vie dimounn ki’nn gagn Kovid dan sa lasal-la inn mor », indique-t-on. La seule rescapée serait une quinquagénaire, qui avait « gard laform ». Pour les autres, soit trop âgés ou souffrant de comorbidité, la Covid-19 s’est révélée fatale. « Tou inn mor enn derier lot », ajoute-t-on. Dans les couloirs de cet hôpital, l’attention était braquée un temps sur cette salle, car aucun décès n’a été rapporté par les services de santé comme directement lié à la Covid.

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