Yamal Matabudul (CEO) : « L’employabilité fortement enracinée dans le modèle éducatif des polytechniques »

Les écoles polytechniques, qui sont une alternative aux universités, sont appelées à jouer un rôle plus important dans la formation des étudiants mauriciens, d’autant que leurs cours sont désormais gratuits. Les programmes d’études taillés sur mesure pour répondre aux exigences du marché du travail devront faire des polytechniques un moyen d’être formé tout en étant certain d’obtenir un emploi. Yamal Matabudul, CEO de Polytechnics Mauritius Ltd (PML), livre ses impressions sur la récente mesure concernant l’éducation gratuite dans toutes les institutions publiques et sur le rôle de PML, qui s’associe à différentes institutions de formations reconnues pour offrir ses cours, dans la formation des étudiants.

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L’enseignement supérieur est désormais gratuit dans les institutions à financement public. Quel est votre avis sur cette mesure ?

Cette mesure est historique car elle offre plus d’accessibilité et d’équité. Chez PML, cette mesure nous ravit. Ce qui nous réjouit le plus, c’est que cette mesure touche également les institutions offrant des formations techniques et professionnelles ainsi que celles dispensant des cours très pointus au-delà des universités, comme PML et le MITD. Cette mesure est logique et est en droite ligne avec la vision du gouvernement de faire de Maurice une économie à revenus élevés basée sur des compétences accrues. Chez PML, nous nous focalisons à développer des cours de haute facture dans les domaines, notamment, des TIC et des technologies émergentes, des soins de santé, du tourisme et de l’accueil, en sus de cours de croisières. Le curriculum de ces cours comprend le côté pratique et est axé sur le développement des compétences pour répondre aux besoins évolutifs des industries. Cette mesure canalisera les étudiants qui choisissent cette approche différente de l’éducation et de la formation comme une alternative à l’université. 

La ministre de l’Éducation a parlé des besoins du marché et a demandé aux jeunes de profiter des opportunités qui leur sont accordées. Comment PML répondra-t-elle aux demandes actuelles du marché ?

La question n’est pas de savoir comment on le fera, car on le fait déjà. L’employabilité est fortement enracinée dans le modèle éducatif des polytechniques à travers le monde. Considérons par exemple les polytechniques de Singapour, les collèges communautaires aux États-Unis ou encore la Technical and Further Education (TAFE) de l’Australie. Notre modèle est de la même trempe. Chez PML, l’industrie doit se sentir à l’aise de collaborer et de “co-créer” ensemble. Nos valeurs sont synonymes d’expérientiel et de création. Tous les programmes que nous avons lancés jusqu’à présent ont réuni tout un panel de “stakeholders” de l’industrie lors de la phase de conception elle-même. Si nous devons faire appel à l’industrie à un stade avancé, nous ne pouvons pas nous attendre à leur collaboration entière du fait qu’elle n’a pas été consultée dès le départ. La mise en place d’un programme n’est pas simplement une question de curriculum, d’emploi du temps ou de stages. Alors que ceux-ci se concentrent sur le « quoi », nous devons nous focaliser sur le « comment ». Comment mettons-nous en place les programmes ? Les étudiants pourront-ils mieux apprendre durant leurs stages ou leur formation ? Choisissons-nous des horaires en fonction de la disponibilité de mentors et de superviseurs pouvant accompagner ces étudiants dans leur pratique ? Tout cela est discuté avec l’industrie.

Jusqu’à présent, dans tous nos programmes, les étudiants passent environ 50% de leur temps en stages. Cela leur permet de se familiariser avec la culture et l’environnement de travail. Ils grandissent, se développent grâce à cette association permanente avec des personnes au travail. Cela les mettra dans une situation privilégiée lors des entretiens d’embauche car ils connaîtront déjà le quotidien. Ainsi, le risque de ne pas être employé est moindre par rapport aux étudiants qui se sont concentrés sur l’apprentissage théorique.

Aujourd’hui, les jeunes sont plus intéressés par des cours à l’université que par l’école polytechnique. Comment pouvons-nous changer ce manque d’intérêt ou de perception ?

C’est vrai. Tout changement de mentalité prend du temps. Il ne faut pas oublier que l’enseignement polytechnique est nouveau à Maurice. Il existe dans le paysage professionnel mais se concentre sur les compétences élevées et, en tant que tel, est complémentaire au MITD, et non un substitut. Un article récent de Maclean’s, le périodique universitaire canadien, a montré les mérites des écoles polytechniques. C’est plutôt un choix privilégié à la place de l’université. Je pense que le ministère de l’Éducation et le gouvernement avaient la même idée de base lorsqu’ils ont créé les écoles polytechniques pour être une alternative à l’université, et pas seulement pour être une voie de progression, bien que cela puisse être le cas.

À Singapour, les étudiants qui optent pour les écoles polytechniques ne sont pas mal vus. Au contraire, leurs taux de placement six mois après leurs cours font souvent envie car il se situe entre 90 et 95%. De même, la TAFE australienne est un élément essentiel de l’écosystème de la formation, car elle permet aux étudiants d’être « adaptés à leurs objectifs » et d’être efficaces dès leur arrivée sur le marché du travail. Pas besoin de se recycler. Notre intention est similaire. Nous différencions également notre offre en nous concentrant sur la construction de nouvelles compétences et de compétences futures.

Croyez-vous que notre système d’éducation n’a pas accordé au secteur de la formation professionnelle sa juste valeur ?

Les secteurs de la formation technique et professionnelle et du monde universitaire doivent coexister pour faire place à un paysage équilibré en matière d’éducation et de formation. Comme je l’ai dit, je suis heureux que le gouvernement ait inclus les écoles polytechniques et le MITD dans le programme d’enseignement supérieur gratuit. C’est un signal fort.

Le secteur de l’enseignement supérieur est aujourd’hui très compétitif. Comment PML va-t-elle réussir à s’imposer ?

Sans entrer dans les comparaisons directes, laissez-moi vous dire que notre approche et nos objectifs finaux sont différents. Nous formons pour le marché du travail dans une perspective unique afin de créer un écosystème de compétences élevées. Le paysage de l’enseignement supérieur est non seulement concurrentiel, mais différencié. Les étudiants ont une plus large palette de choix. Veulent-ils choisir une formation polytechnique ou une formation de style universitaire ? Avec le nouvel écosystème d’enseignement supérieur gratuit pour un premier programme, les étudiants ont également le choix de terminer un diplôme à l’école polytechnique et un « degree » à l’université. Nous sommes à un moment de complémentarité. L’important ici est que l’étudiant puisse prendre une décision éclairée après en avoir discuté avec toutes les institutions.

Comme je l’ai dit précédemment, il ne s’agit pas seulement de savoir quelle institution et quel programme, mais également la manière dont on étudie et le format qui nous plaît le plus et qui est le mieux à même de traiter notre carrière et notre avenir.

La fuite des cerveaux est un phénomène national. PML s’étant associée avec des institutions mondiales, ne craignez-vous pas que vos étudiants quittent le pays après avoir obtenu leur diplôme ?

Le positionnement de nos programmes par rapport aux principaux secteurs de développement de l’économie a ses avantages. Les étudiants acquièrent des compétences utiles, pertinentes et axées sur l’avenir qui les rendent hautement utilisables. Nous attachons une grande importance à l’immersion pratique par le biais de stages et de projets Capstone, ce qui met déjà nos étudiants à l’aise dans le monde du travail. Nous visons à former les étudiants afin qu’ils réalisent leur plein potentiel et leurs aspirations. Nous croyons également en la roue de la contribution grâce à laquelle les anciens élèves peuvent jouer le rôle des amis, de facilitateurs et de mentors auprès de la prochaine cohorte d’étudiants. Après la remise des diplômes, la relation avec l’étudiant ne s’arrête pas, elle évolue. Conserver les compétences adéquates sera important pour créer le bon écosystème de croissance et d’émancipation des étudiants en professionnels, puis en gestionnaires et dirigeants.

L’exposition internationale doit être considérée comme un avantage à long terme pour le pays d’origine. Une fois que les étudiants acquièrent des qualifications internationales chez PML, s’aventurent à l’étranger pour des études, une culture ou un travail, ils acquièrent également des compétences précieuses et les mettent en contact avec le marché du travail local. Certains de nos partenaires hôteliers pensent que les étudiants qui montent sur des bateaux de croisière et qui reviennent ont tendance à être plus productifs après leur retour.

Vous venez de signer un protocole d’entente avec l’Université de Murdoch. D’autres accords seront-ils bientôt négociés ?

Absolument. Nous avons plusieurs projets en cours qui, nous l’espérons, contribueront grandement au développement des compétences de notre population, tant dans des domaines de développement de niche que futurs.

Quelle est votre vision de PML pour les dix prochaines années ?

La vision de PML est d’innover et de créer un écosystème de hautes compétences faisant de nous un centre de classe mondiale. Notre mission est d’inspirer les étudiants, de nourrir un large état d’esprit et de désigner des professionnels qui dirigent et transforment l’industrie, favorisant la croissance, l’harmonie et la durabilité, à Maurice et au-delà. Je pense que tout cela est assez puissant, pas seulement pour 10 ans, mais pour beaucoup d’autres années encore !

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