10E CIRCONSCRIPTION DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER: 19 candidats pour un siège de député

Depuis jeudi dernier, une partie des 93,058 Français de l’étranger de la 10e circonscription, dont Maurice fait partie, votent par internet. Le reste de ces électeurs s’exprimeront le 3 puis le 17 juin dans le cadre des législatives françaises. Grâce à quelques candidats rencontrés à Maurice et d’autres avec qui nous avons parlé au téléphone, nous vous proposons un survol de cet immense circonscription qui regroupe une grande partie de l’Afrique, du Moyen Orient et des pays de l’océan Indien. Et une description de ses électeurs.
C’est  au début de cette année que dans le cadre d’un redécoupage électoral, la Commission électorale française supprime 11 circonscriptions en France pour en créer 11 nouvelles à travers le monde pour représenter les quelque 2.3 millions de Français résidant hors de France. Pour ce faire, le monde a été divisé en 11 circonscriptions en dehors de la France de ses DOM et de ses TOM. Chaque nouvelle circonscription est une zone géographique où vivent entre 100,000 et 140,000 ressortissants français. La création des 11 nouveaux postes de députés est la concrétisation d’une longue lutte des Français de l’étranger pour avoir des représentants à l’Assemblée Nationale.
La création de poste de député des Français à l’étranger, évoqué par François Mitterrand dans les années 80, sera finalement réalisée sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Les observateurs politiques soulignent que les calculs politiques derrière cette décision sont évidents et que le redécoupage des circonscriptions avait pour but premier d’assurer à la majorité sortante le maximum de sièges. Est-ce que ce sera le cas avec le changement politique survenu lors de la présidentielle? Réponse dans quelques semaines.
Le 10e district regroupe les trois-quarts de l’Afrique, une partie du Moyen Orient et les îles de l’océan Indien, soit un total de 49 pays. Combien y a-t-il de ressortissants français qui vivent à l’étranger? Selon les dernières statistiques, ils seraient plus de 2.5 millions répartis sur les cinq continents et divisés en deux grandes catégories: ceux qui vivent dans des pays dont ils ont acquis la nationalité – les bi-nationaux ayant deux passeports – et ceux qui résident à l’étranger pour des raisons surtout professionnelles.
Ces Français vivant hors de la France affirment depuis des années qu’ils ne sont pas représentés – ou le sont très mal – en France. Mais est-ce qu’il n’existe pas des instances qui sont les porte-parole de cette catégorie de Français et dont on parle de temps en temps dans la presse locale?  » Il y a les conseillers des Français de l’étranger qui font partie d’un  organisme qui n’a qu’un pouvoir consultatif. Il y a les sénateurs des Français de l’étranger qui ne sont pas assignés à des pays particuliers. Les Français de l’étranger avaient besoin de représentants pour défendre leurs droits et leurs intérêts en France, au Parlement », affirme Patricia Elias Smida, une des candidates de la 10e circonscription.
Quels sont les moyens financiers dont doit disposer un candidat pour se faire connaître de l’électorat dans une circonscription d’une telle envergure? Ce sont les moyens mis à la disposition des candidats par le loi électorale française: 38,000 euros pour la circonscription, plus 4 centimes d’euros par votant. Les candidats  doivent avancer la somme puisqu’elle est remboursée après la campagne. Le candidat qui arrive à obtenir plus de 5% des voix de sa circonscription est remboursé de 50% de ses dépenses électorales. Jean-Pierre Pont, candidat indépendant, a budgetté une somme des 80,000 euros, ses économies pour la campagne, et espère faire les 5% de voix qui donnent droit au remboursement d’une partie des frais. Si les indépendants investissent de leur proche, les candidats des grands partis sont financièrement soutenus.
Du « parachutage »
Depuis le début de l’année, les 19 candidats inscrits dans la 10e essayent, tant bien que mal, de faire leur tour de leur circonscription, mais se concentrent beaucoup plus sur le Liban, Madagascar et au Gabon où vivent la majorité des Français de la zone. Pour essayer d’atteindre le maximum de leurs électeurs, les candidats utilisent plus l’internet que les avions. Le blog sur internet est le premier outil de communication des ces candidats à la députation, suivi de déplacements géographiques et de déclarations ou interviews de presse. Ceux des grands partis bénéficient de l’appui de leurs représentants ou soutiens officiels dans les différents pays de la circonscription.
C’est surtout le cas des candidats de l’UMP, du PS et du FN – encore que ce dernier parti n’ait pas de représentant officiel à Maurice, où il dit pourtant avoir de nombreux soutiens. Les autres doivent créer leurs réseaux et trouver leurs représentants. La majeure partie de ceux qui briguent les suffrages se sont publiquement prononcés pour des candidats résidents de la zone et contre les parachutés de France. Ce terme que l’on retrouve dans la bouche de pratiquement tous les candidats vise en particulier Alain Marsaud, le représentant officiel de l’UMP. C’est le cas de Guy Makki, qui se considérait comme meilleur candidat UMP dans la zone, mais qui a été coiffé au poteau par la décision de l’UMP de nommer Alain Marsaud. Du coup, Guy Makki se présente comme candidat indépendant pour faire savoir qu’il est contre « les personnalités parachutées – ce qui va a l’encontre du but initial de la création des députés des Français de l’étranger. »
S’il y a une chose qui unit la majorité des candidats que nous avons rencontrés, c’est bien le « parachutage » d’Alain Marsaud dans la 10e. Il fait l’unanimité négative chez une majorité de candidats. Ce à quoi Alain Marsaud,  très sensible sur cette appellation, répond: « Le travail obligatoire d’un député des Français de l’étranger est de siéger trois jours par semaine à l’Assemblée Nationale. Cette circonscription est tellement immense qu’elle ne peut se gérer que depuis Paris à tel point que mon adversaire socialiste a déclaré que s’il était élu, il prenait l’engagement d’aller habiter Paris. Vous avez donc la réponse sur le parachutage. Je ne suis pas plus parachuté que les autres candidats et à celui qui sera élu, si ce n’est pas moi, je lui dirai bienvenue au club des parachutés, car l’élu sera obligé d’aller habiter Paris. »
En déhors de siéger à l’Assemblée Nationale, en quoi consistera le travail du futur député des Français de l’étranger?  Réponse d’Alain Marsaud: « Il faudra qu’il s’organise et aura à décider ce que doit être son rôle auprès des autorités nationales, qui n’est pas le rôle d’un député traditionel et ne devra pas interférer sur le travail du diplomate. C’est un métier nouveau et dificile à discerner avec les associations des Français de l’étranger, qui font un vrai travail, ainsi que  les ambassades. »
 » Les Français de l’étrager sont ignorés, mal compris et parfois maltraités par les Français de France. »
Maintenant que le travail du futur député est plus ou moins défini et les principaux candidats présentés, passons à la description de ceux qui éliront le député de la 10e. Qui sont donc ces Français de l’étranger? Laissons la parole à Patricia Elias Smida, qui pense qu’il existe en France un mauvais amalgame entre Français de l’étranger et exilés fiscaux.  » Il y a 30 milliardaires français qui se sont exilés en Suisse pour ne pas payer des impôts. On a tendance à les confondre avec les plus de 2 millions et demi de ressortissants français qui vivent à l’étranger et que l’on a tendance à visualiser allongés sous les cocotiers devant la piscine avec des boys leur servant des boissons fraîches. » L’image est sans doute caricaturale, mais est-elle fausse à cent pour cent? N’existe-t-il pas des Français de l’étranger qui vivent extrêmement bien et qui ont parfois tendance à retrouver – pour ne pas dire à faire revivre – les travers des colons du temps passé? « Ce n’est pas ainsi que vivent la majorité des Français de l’étranger. Il y a une petite minorité qui vit comme ça et elle n’a pas besoin d’être défendue ou représentée. La majorité, c’est ceux qui travaillent, sont honnêtes et sont arrivés grâce à leur travail et dont les droits ne sont pas défendus. La plupart des Français de l’étranger sont dans des situations précaires. Les Français de l’étranger sont des bosseurs qui travaillent à la sueur de leur front, qui travaillent plus que les 35 heures qui ont cours en France et payent leurs impôts dans les pays où ils vivent. Nous sommes le rayonnement de la France à l’étranger et sa force économique. Je milite pour la reconnaissance des Français de l’étranger avec leur spécificité qui est souvent méconnue en France. Nos intérêts ne sont pas les mêmes que ceux des Français de France. Il y a eu beaucoup de projets de loi pour imposer encore les Français de l’étranger car on considère qu’il y a de l’argent à récupérer de nous, sans contre partie. Nous Français de l’étranger payons tout: nos impôts, nos soins, nos charges sociales, nos écoles et, de temps à autre, on veut inventer et nous imposer  une nouvelle taxe. Nous avons besoin d’être défendus contre ces menaces au plus haut niveau. En tant que Française vivant a l’étranger, je sais que nous sommes ignorés, mal compris et parfois maltraités par les Français de France. »
Jean-Luc Pont ajoute quelques touches politiques au portrait des Français de l’étranger. « Contrairement à ce que pensent les Parisiens, les Français de l’étranger ne sont pas à droite majoritairement. Ils ne sont, en fait, ni à  gauche, ni à droite, mais veulent seulement qu’on s’occupe d’eux, qu’on règle leurs  problèmes, qu’on améliore les services auxquels ils ont droit, dont l’assurance sociale et médicale. Ils veulent avoir droit au même système social que celui dont bénéficient les Français de La Réunion, par exemple. »

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