2019 : Les grandes attentes

Au-delà des vœux faits au moment des pétards et des feux d’artifice, la nouvelle année est aussi accompagnée d’attentes plus sérieuses. Dans différents secteurs, les citoyens souhaitent voir bouger les choses et se concrétiser certains projets mis en attente depuis trop longtemps.

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L’année 2019 sera-t-elle synonyme du changement souhaité ? En attendant la réponse, nous avons donné la parole à des acteurs dans des domaines précis et à certains citoyens.

DROITS HUMAINS

LINDLEY COURONNE :

“Je souhaite que les institutions se mettent à fonctionner”

“La république de Maurice est, sur papier, un excellent élève des droits humains. Nous avons ratifié pratiquement toutes les conventions internationales : convention contre le racisme, contre la torture, en faveur des droits des femmes, en faveur des droits des enfants, en faveur des personnes à handicap. Nous traînons les pieds encore pour signer la Convention sur les droits des travailleurs migrants. Et aussi la Convention de Genève sur les droits des réfugiés. Et quand ces derniers arrivent sur notre sol, bien souvent, comme ces 12 réfugiés congolais, ils se retrouvent à la prison !

Oui, je disais bien sur papier, parce que dans la réalité, l’État ne fait pas suffisamment d’efforts pour changer les mentalités, car c’est de cela qu’il s’agit. Cela passe par un système éducatif digne de ce nom, que nous n’avons pas. Car c’est à l’école qu’on devrait apprendre comment fonctionne la République à nos enfants, qu’on devrait leur apprendre le respect des femmes, etc.

D’autre part, mis à part ces outils des droits humains internationaux, l’État mauricien a des outils locaux qui, une fois de plus sur papier, sont excellents : l’Equal Opportunities Commission, la NHRC, l’ICAC etc. Mais, dans la pratique, ces outils ne fonctionnent pas bien, car ils ont à leurs têtes des personnes qui veulent plaire aux petits princes du jour. Or, les droits humains ne fonctionnent pas de la sorte. À la base des droits humains, il y a la justice, et si vous n’avez pas le sens de justice, les droits humains, ce n’est que du verbiage.

Ce que je souhaite pour l’année 2019 ? Justement que les institutions se mettent à fonctionner. Mais quand on voit les derniers moves de l’État mauricien – M. Lassemillante dont on ne renouvelle pas le contrat alors qu’il était le plus convaincu de tous en matière des droits humains, son successeur qui demande à ce qu’elle ne visite pas les prisons –, on a des raisons d’être pessimiste et de croire que ceux qui sont à la tête du pays sont bons à pay lip service aux droits humains mais n’y croient pas réellement.”

LUTTE CONTRE LA DROGUE

KUNAL NAÏK : “Renforcer les systèmes par rapport à la réduction des risques”

“Il faut cesser de dire “lutter contre la drogue”, car cela signifie lutter contre les êtres humains. Il faut soutenir les personnes qui ont des soucis de consommation problématiques. Pour ce faire, il faut renforcer le système social et de santé publique pour apporter un soutien aux toxicomanes. Le Drug and HIV Council, qui a été annoncé au Cabinet il y a deux semaines, doit être officialisé afin de donner lieu à des high-level meetings autour des questions qui touchent les Mauriciens.

Des réunions extrêmement importantes auront lieu à Vienne en mars 2019. Il y aura un high-level segment meeting avec les décideurs politiques de quelques pays. J’espère que Maurice y sera représentée afin de contribuer à un débat constructif sur ce que nous devons faire pour les dix années à venir pour le monde et pour nous. Maurice a un grand rôle à jouer. Il y aura également la Commission on Narcotic Drugs, axée sur la réduction de la demande.

Par ailleurs, il faut prendre en compte les rapports émis par l’OMS concernant le cannabis. Il faudrait revoir la politique autour du cannabis médical et planifier la régularisation du cannabis.

Pour finir, il faut renforcer tous les systèmes par rapport à la réduction des risques à Maurice. Cela concerne le programme de méthadone, la réhabilitation, la prévention, le traitement et l’échange de seringues, entre autres.”

SOCIAL

FRÉDÉRIC NULLATHEMBY : “Travailler ensemble pour ceux en difficulté”

“Dans certaines régions de l’île, beaucoup de gens sont toujours en difficulté. Ils n’ont pas de maison ni même un lit pour dormir. Ils n’ont jamais été scolarisés et rencontrent énormément de soucis. Je voudrais que les Mauriciens se mobilisent afin de trouver une solution pour combattre la pauvreté. Il y a trop d’ONG qui travaillent individuellement en apportant un peu de gaieté à leur vie quotidienne. Ce n’est pas suffisant car ces personnes continueront à avoir des difficultés pour faire face à la vie.

Je constate que la vie de certains se détériore à cause de la drogue. Pour sortir de la pauvreté, certains se retrouvent malgré eux obligés à vendre de la drogue pour se faire de l’argent. Il faudrait leur donner la chance d’avoir accès à l’éducation et les former afin d’avoir un emploi pour mettre un frein à ce fléau.”

CULTURE

BRUNO RAYA : “Ki get nou ek konsider nou kouma bann travayer kiltirel”

“J’espère que toutes les choses que les artistes ont demandées en vain depuis de nombreuses années soient mises en vigueur. Nous en avons vraiment marre d’entendre des discours alors que rien de concret n’est fait. Plusieurs lois ont déjà été votées à l’Assemblée, mais nous attendons leur application. C’est avec ces nouvelles lois que le statut des artistes pourra être reconnu. Il est grand temps que les autorités nous accordent notre reconnaissance méritée. Ki zot get nou ek konsider nou kouma bann travayer kiltirel. Chacun d’entre nous, peu importe le domaine artistique dans lequel il évolue, participe au développement culturel et celui du pays.

Dans le même esprit, nous devons avoir plusieurs endroits à travers l’île pour nous produire, travailler et évoluer. J’attends aussi qu’on mette de l’ordre à la MASA (Mauritius Society of Authors), et qu’il y ait plus de communication de la part de cet organisme. Tou bann zafer inn vinn anba lao. Et j’aimerais que les radios aient réellement la volonté de promouvoir les artistes locaux. Et, s’il le faut, que les autorités leur imposent un quota de diffusion de musiques locales.”

POLITIQUE

JACK BIZLALL : “Il faut que l’économie se mette au service du social”

“Je pense que le gouvernement mauricien ne porte pas suffisamment d’attention à l’endettement des ménages. Cela a un impact énorme sur l’économie et c’est la principale cause de la crise à venir.

Il y a aussi un gaspillage extraordinaire de ressources humaines, matérielles et monétaires, que nous dilapidons dans des projets qui émanent de la fantasmagorie, tel que le Metro Express. D’autre part, je suis très en colère qu’on n’ait pas réussi à trouver une solution pour la clinique Medpoint, qui a quand même coûté Rs 144 millions. Il y a du gaspillage dans la construction des routes.

La répartition des revenus laisse également à désirer. Nous sommes entrés dans la ségrégation sociale à tous les niveaux. Notre croissance est mal conçue, nous n’avons pas de ministère du Plan. Nous avons de gros projets qui bouffent nos terres et cela crée des dépenses à tous les niveaux – l’État, les entreprises et les ménages. Il y a des dépenses superflues dans des choses inutiles alors qu’on aurait pu se concentrer sur d’autres priorités. Il y a un manque d’attention sur l’économie réelle; c’est dramatique. Nous sommes entrés dans l’économie offshore et nous abandonnons l’économie réelle. Nous avons un paradoxe à Maurice : les entreprises ne portent pas attention à la microéconomie et l’État ne porte pas attention à la macroéconomie, alors qu’il n’y a plus de séparation entre les deux.

Il faut régler le chômage des gradués, il ne faut pas oublier que c’est ce qui a poussé au “Printemps arabe”. Il y a une absence de formation cohérente. Il y a une catastrophe constitutionnelle avec le projet du gouvernement – qui a foiré d’ailleurs, pour remplacer le Best loser system.

Le social est mis au service de l’économie, alors qu’il faut que ce soit l’économie qui se mette au service du social.”

SPORT

JEAN-BERNARD BAPTISTE : “Travailler pour l’intégrité des athlètes”

“J’espère que tous les athlètes, les fédérations et le ministère travaillent pour l’intégrité de l’athlète, d’abord en tant qu’être humain, pour que notre niveau national soit relevé au niveau international. Je m’attends à ce que le nouveau complexe sportif de Côte d’Or apporte une nouvelle essence à notre sport local et aide les athlètes de la nouvelle génération à faire mieux dans leurs domaines respectifs pour atteindre le plus haut niveau. Ce centre d’excellence, s’il est bien utilisé, pourra attirer des grands noms du monde du sport à venir s’entraîner sur notre sol et partager leurs connaissances et expériences.

Pour ma part, 2019 sera une année remplie de défis, dont les Jeux des Îles devant notre public. Je souhaite faire une belle saison, et mieux qu’en 2018.”

ENVIRONNEMENT

VASSEN KAUPPAYMUTHOO : “2019 doit être une année de transformation”

“Tout le monde s’attendait à ce que la COP 24 soit un échec, mais la conférence a été sauvée. Au niveau international, on s’est rendu compte que le changement climatique est un défi pour l’humanité et non pas l’apanage de quelques écologistes. Maurice est le dixième pays le plus à risque par rapport aux catastrophes naturelles et le treizième pays par rapport aux impacts. Le niveau de la mer monte de 5,6 mm par année, ce qui est pratiquement le double de la moyenne mondiale. On a des épisodes plus fréquents de pluies torrentielles et de sécheresses, les cyclones sont plus violents. Le secteur touristique, l’économie, l’environnement, le social en seront affectés. Cilinda était un cyclone de catégorie 5, avec des vents de 314 km/h. Nous avons eu de la chance qu’il passe à côté de nous et pas sur nous, sinon Maurice aurait été à plat.

2019 doit être une année de transformation au niveau des mentalités et de notre engagement vis-à-vis de l’environnement. Il nous faut faire plus : diminuer l’importation de produits pétroliers, augmenter notre parc de voitures électriques, prôner les eco-resorts et aller très vite vers les énergies renouvelables, revoir et mettre en place des systèmes de résilience par rapport aux impacts du changement climatique qui vont se combiner et devenir de plus en plus catastrophiques dans les années à venir. Il faut aussi que la population soit davantage sensibilisée, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Il nous faut éliminer les constructions dans les drains naturels et dans les lits des rivières. On a également beaucoup d’efforts à faire face au problème que posent les bouteilles en plastique. Il est inacceptable qu’en 2018, on n’ait pas un système de collecte.

La population mauricienne continue à jeter ses déchets dans la nature. Il y a des lois pour cela, il faut que les autorités agissent. Si l’éducation ne fonctionne pas, il faut prendre des sanctions plus fortes.”

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