2E ÉDITION DU DIKSIONER KREOL: La langue kreol, premier instrument qui nous rassemble comme Mauriciens

Le caractère unificateur du kreol morisien a été fortement souligné hier par le Premier ministre, à l’occasion du lancement de la deuxième édition du Diksioner kreol morisien. Ce dictionnaire, premier du genre dans le monde, est le fruit d’une étroite collaboration entre le linguiste Arnaud Carpooran et des étudiants ou anciens étudiants de l’Université de Maurice. « La langue kreol est le premier instrument qui nous rassemble comme Mauriciens », a déclaré Navin Ramgoolam dans son discours de circonstance.
Rappelant que le kreol est né avec l’histoire des esclaves au milieu du XVIIe siècle, le Premier ministre a souligné que cette langue de résistance puise ses racines de plusieurs cultures, plus particulièrement de l’Afrique. Il a observé que cette langue a longtemps été victime de préjugés ; certaines personnes la considéraient comme un dialecte susceptible d’avoir un effet négatif sur l’apprentissage de la langue française. « Cet argument ne repose sur aucune recherche et sur aucune donnée scientifique. Il découle plutôt d’un complexe vis-à-vis d’une langue qui a vu le jour dans un système déshumanisant et qui constitue un symbole de résistance. C’est un produit historique lorsqu’on considère le rapport dominant qui existait à l’époque. Certaines personnes considèrent cette langue comme un handicap mais c’est en réalité une richesse et un patrimoine », affirme le Premier ministre. « Les enfants comprennent lorsqu’on leur explique en kreol ». Il a insisté sur le fait que le kreol constitue une langue unificatrice, le premier instrument qui rassemble les Mauriciens de n’importe quelle communauté et de n’importe quelle classe sociale. « Elle est notre identité commune ».
Navin Ramgoolam a insisté sur les particularités du kreol et cité certaines expressions difficiles à traduire dans une autre langue comme « bouz fix » ou la dernière en date « pran so pake reste ». Il a aussi souligné l’utilisation de la langue en fonction de l’audience à laquelle un orateur doit s’adresser. Il a cité son cas personnel, affirmant sa préférence d’utiliser le kreol pour faire passer son message. Le PM a cité dans ce cas des discussions avec ses conseillers qui lui soumettent un projet de discours en anglais. Il s’est demandé la raison pour laquelle il doit prononcer un discours en anglais si dans l’audience il n’y a que trois ou quatre diplomates. « Après tout, les diplomates ne votent pas », a-t-il ironisé.
Développer et promouvoir le kreol
Après avoir codifié le kreol morisien, la prochaine tâche de l’Akademi Kreol Morisien est de développer la langue et de la promouvoir, a affirmé le président de cette instance, Vinesh Hookoomsing, à l’occasion du lancement de la deuxième édition du Disksioner Monoling Kreol Morisien.
Pour Vinesh Hookoomsing, il s’agit cette fois-ci du lancement d’un « Grand dictionnaire » avec la présence d’un échantillon des créoles agaléen, chagossien et même martiniquais. Dans cette optique, l’intervenant parle d’une « dimension pancréole ».
Il rappelle que ce dictionnaire arrive un an après la création de l’Akademi Kreol Morisien. Cette instance, sous l’égide du ministère de l’Éducation et des Ressources humaines, avait pour but de travailler sur la langue maternelle de la grosse majorité des Mauriciens afin qu’elle soit introduite à l’école en 2012. Ce travail de standardisation impliquait l’orthographe, la syntaxe, la grammaire, la formation des professeurs et le développement d’un curriculum. Ce projet a abouti, fait ressortir Vinesh Hookoomsing, qui annonce l’existence d’une Creol Unit au sein du Mauritius Institute of Education (MIE) sous la responsabilité de la linguiste et formatrice Nita Rughoonundun Chellapermal. Il indique que 80 professeurs sont actuellement inscrits en cours de kreol.
La prochaine étape dans le travail de l’Akademi est le développement et la promotion du kreol morisien, fait ressortir Vinesh Hookoomsing en affirmant que cela passera par la création d’une institution avec tout ce que cela implique comme ressources humaines ou techniques.
Pour Vinesh Hookoomsing, le lancement de ce dictionnaire et l’introduction du kreol à l’école représentent un jour nouveau pour la langue ; un rêve des Mauriciens des années post-indépendance.
Il a souhaité que le Diksioner trouve sa place sur la table du parlement au même titre que les autres qui y sont déjà.
Prenant la parole à son tour, Arnaud Carpooran a rappelé les moments forts dans le cadre de la concrétisation de ce projet, avec le prototype qui comptait les lettres A à E, présenté en septembre 2005, le premier Diksioner présenté en version intégrale en février 2009, et le lancement de la deuxième édition hier. Pour lui, c’est une « akselerasion listwar ».
Arnaud Carpooran a récapitulé les étapes importantes pour la préparation du Diksioner : 2002-2003, inventaire des mots du kreol morisien. Pour ce faire, son équipe et lui ont travaillé sur le dictionnaire bilingue Kreol-Angle de LPT en date de 1984 et celui de Baker-Hookoomsing, trilingue, anglais, français, kreol de 1987. Pour combler le vide qui a existé entre 1987 et 2002, ce sont les étudiants de l’UoM de 2002-2003 qui se sont attelés à la tâche pour répertorier les mots en usage.
Cette deuxième édition comporte 200 pages de plus, ce qui porte le Diksioner à 1 200 pages. L’orthographe, dit Arnaud Carpooran, a été remaniée. Il y a eu des modifications et des corrections après consultations avec le public. Il y a 1 500 nouveaux mots du kreol morisien, 50 mots du kreol Rodrig, 30 mots des Chagos et 40 mots de kreol Martinik.
Le Diksioner est en vente en librairie à Rs 700 l’exemplaire.

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