ACTION CITOYENNE — Violence contre les femmes : Une nouvelle plate-forme contre l’impunité voit le jour

À la suite de la marche du 26 octobre dernier, le lancement officiel de la Platform Stop Violans Kont Fam a eu lieu le 10 décembre, dans le sillage de la Journée internationale des droits humains. Cette plateforme a eu le soutien de plusieurs associations : Citoyens, Union fam, SOS Femmes, Ailes, Dis-Moi, Gender Links ainsi que Passerelles. Selon Catherine Prosper, présidente de la plate-forme, la violence à l’égard des femmes constitue l’une des violations des droits humains la plus répandue et la moins signalée en raison de l’impunité, du silence, de la stigmatisation et du sentiment de honte qui l’entoure.

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Nadine Bachelot, grand reporter à La Réunion et membre de l’Association Presse Judiciaire de Paris, dira sans détour que la violence domestique est un mal silencieux. « Le féminicide, il y en a beaucoup. Les femmes sont victimes des coups de leur conjoint. Il faut stopper un fléau qui fragilise notre société et non pas se substituer au pouvoir public. Il faut aussi pouvoir entendre la voix de toutes ces femmes pour arriver à briser le silence. On dit toujours que la femme est l’avenir de l’homme. Quel est l’avenir des hommes si on tue les femmes ? »

En trois mois, Maurice a connu une vague de féminicide, ce qui est « une grande violation des droits de la femme ». Ambal Jeanne de SOS Femmes abonde dans le même sens : « Une femme sur trois a déjà été victime de violence sous différentes formes, ce qui est énorme. » Selon elle, au fil des années, il y a eu « plusieurs dysfonctionnements dans les mécanismes légal, policier et administratif ». Elle demande que des structures et des infrastructures soient mises en place pour que les survivantes de la violence domestique puissent se reconstruire avec leurs enfants. Elle déplore qu’il n’y ait à ce jour aucun plan de logement, d’aide sociale, de garderie après les heures d’école.

Martine Fong, de Passerelles, a déclaré, pour sa part, que la violence faite aux femmes « peut avoir une multitude de conséquences dévastatrices » à la fois physique et psychologique sur leur santé. « Les victimes ne vont pas de l’avant dans leurs dénonciations de peur que le système n’arrive pas à les protéger. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les victimes de violences conjugales perdent entre une et quatre années de vie en bonne santé. Le risque de fausse couche ou d’accouchement prématuré augmente de 60%, celui du diabète et de l’hypertension artérielle de 40%. » Martine Fong a mis aussi l’accent sur les enfants des victimes qui sont des témoins et dit qu’il ne faudrait outre mesure minimiser l’impact de la violence sur les enfants. Ces mêmes violences, a-t-elle ajouté, ont un impact économique sur la société. Ce qui, selon elle, entraîne des recours aux urgences, à l’hospitalisation, à des frais de justice et d’hébergement.

Vigilance, information et espoir

Marie-Noëlle Elissac, membre de la plate-forme, dira quant à elle : « On ne se substitue pas aux Ong, mais on cherche par tous les moyens de mettre en place un code légal. Il y a huit femmes qui sont mortes en ce début d’année et c’est un engagement citoyen qui est parti de là. » Elle salue la mise sur pied d’un High Powered Committee qui, selon elle, montre que ce gouvernement qui est en début de mandat lutte contre la violence faite à l’égard de la femme. « C’est une priorité et un engagement personnel du Premier ministre et, à cet effet, un mémorandum sera envoyé au High-Powered Committee. Et dans ce High-Powered Committee, il faut inclure le ministre des Finances pour que l’Etat revoie son investissement dans cette lutte. Il faut aussi amplifier les voix qui réclament que ceux qui sont censés protéger les victimes fassent leur travail. »

Pour Marie-Noëlle Elissac, la mission de la Platform Stop Violans Kont Fam s’articule autour de trois axes : la vigilance, l’information et l’espoir. Le premier axe entend interpeller les décideurs pour qu’ils mettent en place une application du cadre légal. Le deuxième axe, l’information, vise à sensibiliser les femmes à leur propre autonomie. Le dernier axe vise à trouver des solutions pour la reconstruction des victimes collatérales et pour le suivi de la réhabilitation de l’agresseur. « Il faut offrir un meilleur écosystème pour lutter contre le phénomène de la violence envers la femme qui est un problème qui a pris toute son ampleur. La femme représente 52% de la population de notre pays et contribue à 50% dans notre économie. » Marie-Noëlle Elissac insiste qu’une des actions qui devrait être prise en urgence par l’Etat est la création de shelters pour les femmes en difficulté. Et a rappelé qu’il faut une meilleure prise en charge des victimes.

Selon Catherine Prosper, présidente de la Platform Stop Violans Fam, celle-ci a été mise en place pour dénoncer une situation, d’autant plus que la loi existe mais n’est point appliquée en raison de ses failles et ses dysfonctionnements. Une des demandes de la plate-forme pour lutter contre la recrudescence du féminicide est de mettre en place une cellule GBV sous le PMO’s Office tout en demandant que les postes de police deviennent “gender-friendly” avec la création d’une unité spécialisée. Sur le plan légal, la mise sur pied d’une Domestic Violence Court est souhaitée. Et parmi les projets en cours pour 2020 : un atelier de travail pour formuler des propositions concrètes qui seront soumises au High-Powered Committee. Mais un des objectifs précis de la Platform Stop Violans Fam est de favoriser un engagement collectif national pour une meilleure prise en charge des victimes.

Lindley Couronne de DIS-MOI dira, pour sa part, que les Ong de Maurice ont du mal à travailler ensemble. Et qu’une des problématiques liées à la violence contre la femme est que plus le temps passe, plus le pouvoir est entre la main des hommes. « Sa problematik dela violans kont fam li indign mwa si zom ki ti pe gagn sa problem-la eski tou pa ti pou ale pli vit, nou pa kapav kontigne koumsa, ena bokou travay bizin fer ek bann zom pou sanz zot regar lor zot aksion. » Il demande qu’une lettre ouverte soit adressée au judiciaire pour faire état de ce rapport de force. « Plis zom agresif ek violan plis ena travay pou fer dan sa sans-la. » Ambal Jeanne a évoqué un mélange des citoyens et d’Ong dans ce combat en vue de donner une approche plus holistique à cette cause qui, espère-t-elle, prendra la forme d’un engagement collectif et aboutira à une prise de conscience de tout un chacun « avec cette volonté et cette énergie de s’engager ».

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