AGNÈS LI HEE CHEONG : Cent ans et mille vies

Ce 14 janvier 2015, Mme Agnès Li Hee Cheong fête ses 100 ans. Née à Maurice avant de repartir vers la Chine, elle a dû fuir les communistes pour tout reprendre à zéro avec son époux André, à Port-Louis. Vingt-cinq ans plus tard, elle a retrouvé la famille restée là-bas. Mais l’arrière-grand-mère, qui fut une fille des rizières du Meizhou avant de devenir commerçante et mère dévouée, sourit en pensant à ses nombreuses vies.
Sans être impolie, elle manifeste quelques signes d’impatience sur le pas de la porte de sa maison à Vacoas. Comme toujours, c’est en hakka qu’elle interpelle son fils cadet James pour lui rappeler qu’elle a un coup de téléphone à donner. Ce dernier esquisse un sourire : Mme Agnès aime souvent appeler les siens en Chine pour prendre des nouvelles. Surtout depuis qu’elle a plus ou moins compris que, par on ne sait quelle diablerie technologique, les appels vers le pays de ses ancêtres ne coûtent plus rien. Il y a même mieux : elle, qui a été complètement coupée des siens durant de terribles années, peut aujourd’hui voir son neveu de Meizhou à travers le téléphone portable de son fils.
Internet, wifi, WhatsApp, Skype : tout cela sonne un peu comme du latin pour elle. Mais la fille des rizières ne s’est pas laissée embourber. Comme elle le fait depuis un siècle, face au changement, elle a trouvé des appuis pour s’adapter et vivre dans l’air du temps.
Derrière elle, une foule de souvenirs se bousculent. Ils traversent les continents, voguent au-dessus des flots, passent à travers les rues de Port-Louis, celles de la province du Guangdong, visitent des cités d’ailleurs, des villages d’ici.
1915. La Première Guerre mondiale secoue presque tous les continents depuis une année. Des disputes sur la frontière font monter la tension entre la Chine et le Japon, pendant que Mohandas Karamchand Gandhi rentre en Inde où il commence sa lutte pour l’indépendance. À Maurice, les immigrants d’Inde et de Chine s’adaptent et préparent le pays, qui connaîtra un boom sucrier dans cinq ans. En Afrique, d’importants bouleversements sont en cours. L’humanité est à l’aube du changement.

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