ALINE WONG (MEMBRE DU JURY POUR LA BARCLAYS COLOURS OF LIFE AWARD 2013) : « Le renforcement des ONG est capital pour les ressources bénévoles »

Lancé en septembre par le Barclays Bank of Mauritius, le Barclays Colours of Life Award est un concours qui a pour but de reconnaître la contribution des ONG au développement socio-économique du pays. Parmi les membres du jury : Aline Wong, femme entrepreneur, propriétaire et directrice de L’Inattendu, situé à Saint Julien. Celle qui s’est vu remettre le titre de l’Africa’s Most Influential Women dans le secteur des Petites et moyennes entreprises (PME) pour le continent lors de l’Africa’s Most Influential Women Award revient sur les objectifs de ce concours tout en abordant les lacunes et le rôle de la femme au sein des ONG. « Le renforcement des ONG est capital pour les ressources bénévoles », dit-elle.
Vous êtes membre du jury pour le concours Barclays Colours of Life Award lancé par la Barclays Bank of Mauritius. Parlez-nous des objectifs de ce concours.
Le Barclays Colours of Life Award a pour objectif de pérenniser les démarches des ONG en leur offrant un partenariat solide à long terme tout en favorisant leurs chances de se professionnaliser. C’est pourquoi la Barclays a invité les ONG à venir avec leurs projets. Ce que nous proposons, c’est un encadrement car au sein de divers ONG, nous ne notons pas seulement des lacunes financières mais également humaines et professionnelles. Nous espérons également faciliter la circulation de l’information autour des initiatives et des portes de secours disponibles pour ceux qui se retrouvent dans des situations difficiles.
Quel est l’engouement pour les projets sociaux ?
À Maurice, le bénévolat existe bel et bien mais il a ses limites. Le Mauricien est naturellement très accueillant et demande toujours autour de lui : « est-ce que je peux faire quelque chose pour aider ? » Par contre, il existe un manque cruel pour le renforcement des structures et des capacités des ONG. Si nous parvenons à combler cette lacune, le nombre de bénévoles augmentera systématiquement.
Revenons sur le bénévolat. Vous avez précisé que ce dernier a ses limites. Quels sont les éléments qui vous conduisent à un tel constat ?
Pour être acteur dans le développement social, il faut être lucide et réaliste. Souvent, les gens veulent voir les résultats de leurs efforts rapidement. Et lorsque tel n’est pas le cas, ils baissent les bras et abandonnent la cause qu’ils défendent. C’est là le coeur du problème. C’est pourquoi il faut refaire l’éducation du bénévole et l’encourager sur cette voie. Mais pour ce faire, il est nécessaire qu’il y ait une prise en charge du bénévole ainsi qu’un encadrement spécifique.
Qu’en est-il de la gestion des projets ? Comment mettre en pratique la bonne gouvernance ?
La gestion d’un projet dépend du leadership pratiqué. C’est pourquoi il est important d’offrir aux ONG les outils nécessaires. D’ailleurs, le leadership d’une entreprise diffère de celui d’une organisation. Car contrairement à ce qui est pratiqué dans une entreprise, le temps d’occupation du siège de la présidence d’une ONG doit être limité, sans compter que la gestion financière de l’ONG doit se faire dans la transparence. Une ONG doit aussi être capable de discerner entre l’assistanat et l’autonomisation. Lorsque l’on tombe dans l’assistanat, c’est tout un projet qui tombe à l’eau.
Quels sont les facteurs qui encouragent les ONG à pratiquer l’assistanat ?
Lorsqu’une personne est toujours assistée, elle ne fait pas l’effort d’aller au-delà de ses limites. C’est le même scénario qui s’applique à certaines ONG. Si l’ONG perçoit une allocation qui tombe tous les mois alors pourquoi travailler et fournir autant d’efforts ? C’est cette prise de conscience qui est importante afin que les activités de cette organisation portent leurs fruits. D’ailleurs, comme exemple d’autonomisation, je considère fort louable l’initiative de l’Association Mauricienne des Femmes Chefs d’Entreprises (AMFCE) qui est en partenariat avec SOS Violence pour l’embauche de femmes victimes de violence. Cet effort collectif a permis aux femmes victimes non seulement de faire face à leur situation mais d’avancer dans la vie en étant autonomes. C’est ainsi que le bénéficiaire reprend confiance en ses capacités.
Quel est le rôle des femmes dans les ONG ?
Selon les statistiques, les femmes sont beaucoup plus engagées que les hommes au sein des ONG. Cela vient peut-être de la nature de la femme qui possède comme capacité de se donner sans compter. Je pense qu’avec les structures nécessaires et l’effort déployé en ce sens par ces dernières, il est possible d’obtenir un résultat fabuleux. Car, si les ONG démontrent qu’elles peuvent mener des actions avec plus de professionnalisme, nous aurons plus d’adhésions et d’adhérents. La contribution de tout un chacun conduira à un développement social, donc, à la paix sociale. En tant que Commissaire des Femmes Chefs d’Entreprises d’Afrique, j’ai eu l’occasion de visiter pas mal de pays et faire un constat de visu sur ce qui se passe en Afrique et dans l’océan Indien. Au Comores, il n’y a pas grand-chose. À Madagascar, c’est tellement étendu que la misère est encore plus profonde. Donc, nous avons encore une marge de manoeuvre car la situation n’est pas aussi critique.
Donc la pauvreté est mieux gérée à Maurice ?
Effectivement, mais toutefois je reviens sur l’importance de la circulation de l’information car il existe un accompagnement important à Maurice. Cet accompagnement n’est pas seulement établi par les ONG mais par l’État. Autour de chaque poche de pauvreté se trouve une communauté. Il faut toucher cette communauté pour qu’elle puisse aider les familles qui résident dans ces poches de pauvreté. Il faut que les ONG et les travailleurs sociaux se battent pour toucher ceux qui sont mis à l’écart tout en valorisant ceux qui ont pu aspirer à un meilleur cadre de vie.
Qu’en est-il du rôle du gouvernement dans ce développement social et cette prise en charge ?
Malheureusement, le gouvernement a ses limites. L’administration s’ouvre à 9h et ferme ses portes à 15h45 contrairement aux ONG qui, elles, travaillent 24h sur 24. Nous notons toutefois qu’il n’y a pas assez d’écoute du gouvernement à l’égard des ONG. L’argent dépensé par les électeurs contribue au salaire des fonctionnaires sans compter que le budget national, lui, permet de financer le roulement d’un ministère. L’État ne dispose pas assez d’argent pour aider les ONG. Heureusement qu’il existe la responsabilité sociale d’entreprise. Aujourd’hui, elle connaît une forme évolutive.
Le mot de la fin…
La sensibilisation des bénéficiaires et la mobilisation des ressources sont très importants pour réussir le développement social. Et la contribution de la société civile est vitale.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -