ARIANNE NAVARRE-MARIE: « Certains croient que le “bato pe koule”. Or il n’en est rien ! »

À la veille de l’assemblée des délégués pour la relance du MMM, Arianne Navarre-Marie se confie au Mauricien sur les secousses qui affectent son parti. « Ce n’est pas la première fois que nous connaissons de telles secousses. Nous en avons vu de toutes les couleurs dans le passé. Il y a eu la cassure de 1983 et la campagne électorale qui s’ensuivit. Ce fut le pire moment de notre histoire avec une très longue traversée du désert », observe-t-elle. Elle estime que certains croient que le « bato pe koule ». « Or ce n’est pas le cas », soutient-elle, estimant que le MMM se rebâtira sur ses valeurs de base pour rebondir.
Le leader du MMM a reconnu que l’alliance avec le PTr était une faute. Êtes-vous de cet avis ??
Nous nous sommes présentés aux élections sous la bannière PTr/MMM, l’alliance de l’unité et de la modernité. Tout le monde s’accorde à dire que nous aurions remporté les élections générales si elles étaient organisées tout juste après la conclusion de l’alliance. Or, nous avons eu le temps d’accumuler les gaffes et, parallèlement, l’Alliance Lepep a eu le temps nécessaire pour rebondir sur ces gaffes tout en améliorant sa stratégie. C’était de bonne guerre.
En tant que militante, ma première option a été, et reste toujours, que le MMM se présente seul aux élections générales. Avec le Remake, je n’avais pas de problème, quoi que j’avais voté contre au bureau politique. Mais je me suis fait une raison, ayant déjà travaillé dans le passé sous le primeministership de SAJ de 2000 à 2005 pendant la période où nous avons accompli des merveilles au niveau du pays. Le pays a alors connu de grandes avancées. Nous formions une vraie équipe et nous avons travaillé sans anicroche.
En ce qui concerne le deal avec le Parti travailliste, j’avais voté pour. Mais pas de gaîté de coeur. Mais le deal m’avait séduit. Surtout la proposition de réforme électorale. Je voyais avec un gouvernement PTr/MMM une transformation complète du pays pour la postérité.
Alan Ganoo a présenté des excuses à la population. Êtes-vous prête à faire la même chose ??
Pourquoi pas. Il n’y a aucune honte à présenter des excuses. Le problème, c’est que, souvent, on présente ses excuses quand on pense avoir eu tort de faire quelque chose. Or, je pense que nous avons conclu cette alliance avec le Parti travailliste de bonne foi. Nous avions pensé que c’était une bonne chose pour le pays. Mais finalement, c’est la population qui décide.
Les démissions se succèdent ces dernières semaines au MMM. Après celles de trois parlementaires, nous avons eu droit à la démission de plusieurs membres du bureau politique. Qu’est-ce qui se passe au MMM ?? Comment vivez-vous ces moments ??
Je ne comprends pas une chose : si l’alliance avait remporté les élections, personne n’aurait rien trouvé à redire. Certains quittent le MMM en se disant que « bato la pe koule ». On estime qu’on n’aurait pas dû conclure une alliance avec le Parti travailliste. Mais la décision a été prise par bulletin secret au bureau politique et l’assemblée des délégués. S’il est vrai que certains délégués ont exprimé des réserves à cette Assemblée, hormis Vishnu Lutchmeenaraidoo, personne d’autre au sein du BP ne s’était exprimé contre.
Ensuite, tous les députés sortants ont souhaité se présenter comme candidats pour les élections. Sauf Françoise Labelle, qui était pressentie pour être Speaker. Paul Bérenger avait toutes les peines du monde à octroyer les 30 investitures dont il disposait. Tous les candidats ont présenté cette alliance comme étant la meilleure durant la campagne. Maintenant que nous avons perdu ces élections, il est trop facile de mettre tous sur le dos d’une personne.
Tous ceux qui sont partis parlent de manque de démocratie au sein du MMM. Qu’est-ce qui explique ce sentiment ??
Le MMM est le seul parti à Maurice qui organise régulièrement des élections internes, et ce par bulletin secret. Et il est le seul parti ou le leader se porte candidat comme n’importe quel militant. Et c’est un gros risque. Les Mauriciens connaissent maintenant le fonctionnement des instances du parti. Est-ce qu’il y a une meilleure formule pour le renouvellement des instances du parti ?? La question se pose au sein du MMM, mais personne n’est en mesure d’en proposer une meilleure.
Est-ce la frustration ou un sentiment de colère qui motive les démissionnaires ??
Je crois plutôt que certains croient que le « bato pe koule ». Or il n’en est rien. Il est vrai que nous passons par des moments difficiles. Ce n’est pas la première fois que nous connaissons de telles secousses. Nous en avons vu de toutes les couleurs dans le passé. Il y a eu la cassure de1983 et la campagne électorale qui s’ensuivit. Ce fut le pire moment de notre histoire avec une très longue traversée du désert. Mais nous avions pu remonter la pente. Il y a eu une nouvelle cassure en 1993 où nous avions failli perdre notre symbole coeur. Nous nous sommes très vite remis sur nos jambes. En plusieurs occasions, des camarades nous ont quittés pour prendre un autre chemin. Cette fois, c’est la même chose. Ce n’est pas la première fois et ce ne sera certainement pas la dernière. C’est dommage. Mais il faut continuer à avancer.
Beaucoup s’étonnent que des militants sortis en tête de liste durant les élections des membres du comité central n’ont pas été élus au bureau politique ou dans le comité exécutif. Cela est-il normal ??
N’importe quel leader tend à constituer une équipe avec qui il peut travailler en toute sérénité. Or, certaines personnes, et non des moindres, sont tentées de faire circuler des listes bloquées. Je ne généralise pas. Elles se reconnaîtront facilement. Je trouve donc normal que le leader, de concert avec le secrétaire général, constitue une équipe avec laquelle il pourra travailler en toute sérénité.
Les nominations faites par le leader du MMM ne semblent pas faire l’unanimité. Qu’en pensez-vous? ?
Le bureau politique est une émanation du comité central dont les membres ont été élus par les militants aux niveaux national et régional. Trente élus au niveau national, 20 au niveau des circonscriptions, cinq représentantes des femmes et deux des jeunes. Ces 57 personnes votent à bulletin secret pour élire 20 personnes et constituer le bureau politique. Ces 20 personnes se rencontrent pour élire le leader et le secrétaire général. Ceux-ci se consultent pour constituer une équipe qu’ils recommandent au comité central. Le comité central a approuvé par 44 voix pour et huit contre, tandis que cinq personnes étaient absentes. Toujours par bulletin secret. Il n’y a pas eu d’unanimité, c’est vrai, mais il y a eu une écrasante majorité ayant voté en faveur de cette équipe.
Très peu de femmes ont été élues au BP, dont la présidente de la Commission des femmes, qui a depuis soumis sa démission. Comment accueillez-vous cette démarche ??
Si les femmes n’ont pas été élues au BP, doit-on imputer la faute au leader du MMM ?? Tout le monde sait que dans toutes les élections – que ce soit générales, municipales ou villageoises –, peu de femmes se font élire. Les élections internes d’un parti politique n’échappent pas à cette règle. C’est pourquoi j’avais dans le passé proposé un système de quota qui aurait été temporaire jusqu’à ce que l’équilibre se rétablisse de lui-même.
L’ex-présidente de la Commission des femmes sait très bien que le leader en personne fait beaucoup d’efforts pour une meilleure représentativité des femmes. Non seulement, la constitution du parti a été amendée pour permettre à plus de femmes d’être présentes au comité central, mais le leader lui-même avait tout de suite agréé à une requête de la commission pour que la Présidente de la Commission des femmes soit représentée au bureau politique avec droit de vote. Lysie Ribot sait avec quel acharnement le leader s’est battu pour faire de la réforme électorale une réussite, justement pour réaliser une meilleure représentativité des femmes en politique.
Il est vrai qu’il y a encore à faire au niveau du parti. Par exemple, cinq femmes sont représentées au comité central alors qu’on votait pour 20 personnes. Il faut peut-être revoir ce nombre maintenant que nous avons 30 personnes. Tout cela, nous nous engageons à en discuter dans les instances du parti.
D’où vient cette idée d’intelligence collégiale constituée d’un groupe très sélectif ??
C’est une recommandation émanant du bureau politique que le comité central, après discussions, a approuvé et que l’assemblée des délégués sera appelée à ratifier demain matin. Je prévois encore de longs débats sur la question. Mais elle tranchera d’une manière ou d’une autre. Je ne peux anticiper quels en seront les résultats.
Certains prennent pour argument le fait que la constitution du parti ne prévoit pas une telle instance, mais reconnaissent quand même que cela avait existé dans le passé. Mais tout le monde savait aussi que les élections internes auraient dû avoir lieu depuis longtemps. Or, à l’époque, personne n’en avait fait grand cas. Tout le monde reconnaît que la constitution mérite un dépoussiérage. Certains points méritent d’être revus. C’est ce que nous ferons, comme une équipe. Tout cela doit être étudié et corrigé par la nouvelle direction en consultation permanente avec la base. Il suffit d’émettre ses idées dans les instances du parti, de réfléchir et de prendre des décisions dans le consensus.
Le MMM ne s’est pas beaucoup manifesté à l’occasion de la Journée internationale de la Femme. Pourquoi ??
Après les élections générales, tout le monde était occupé et préoccupé par les élections internes du parti. La Commission des femmes s’est réunie sous la présidence de Lysie Ribot pour discuter de la manière de marquer cette date. Vu qu’on n’avait pas le temps, nous avons décidé de préparer un communiqué à être publié dans la presse le 6 mars. Nous avons commencé à discuter du contenu mais… la suite, vous la devinez.
Vous avez été élue au sein de l’exécutif comme leader adjoint. Comment avez-vous accueilli cela ??
Je remercie les militants et mon leader pour cette confiance renouvelée. Je n’ai pas adhéré au MMM pour être leader adjointe. Je suis une militante dans l’âme. Je suis très discrète des fois, mais ma flamme de militante est toujours très très ardente, surtout dans des moments comme ceux que le parti connaît actuellement. À un certain moment, je ne voulais pas me porter candidate pour les instances du parti. J’en avais fait part à Paul Bérenger. Mais des camarades m’ont convaincu de poser ma candidature. Et j’ai été élue. Je sens que je peux encore donner au parti. Je le fais de tout coeur, sans jeu de mots.
Sentez-vous que le MMM a tiré ses leçons de ses défaites, que les mesures sont prises pour corriger le tir ??
Lors de l’Assemblée des délégués prévue pour demain, le leader fera un discours fort, qui sera celui de la relance. Auparavant, nous nous sommes concertés pour analyser ce qui n’a pas marché et repenser les stratégies en prenant comme base nos valeurs. Nous serons intransigeants sur nos valeurs. Ce sera un zéro tolérance. Back to our roots qui ont fait nos forces. Nous nous bâtirons sur ces valeurs pour rebondir. Et cela se fera très très vite.
Comment s’annonce l’avenir du MMM ??
Des rencontres sont prévues à plusieurs niveaux pour renforcer les structures du parti, pour les rendre plus efficientes et effectives et leur permettre de relever les défis. Tout le long de son parcours, le MMM est passé par bien des secousses. Évidemment, c’est toujours difficile de perdre des camarades, voir des amis, en cours de route. Ce sont parfois des amitiés, des complicités, des personnes avec qui nous avons vécu de bons et de mauvais moments, des personnes avec qui nous avons passé plus de temps qu’avec les membres de notre propre famille des fois. Cela ne se défait pas d’un coup de baguette magique. Mais que voulez-vous ? À un moment donné, chacun choisit sa route. Chacun fait son chemin. Cette fois encore, nous avons la capacité de rebondir. « Militan enn lot ras sa ! » avons-nous l’habitude de dire.
Demain, à l’Assemblée des délégués, le discours du leader du MMM est attendu avec beaucoup d’intérêt. Nous ne sommes pas à la croisée des chemins. Nous avons déjà fait notre choix. Nous avons déjà pris ce chemin de la relance avec une nouvelle direction plébiscitée par une majorité de 44 pour et de 8 contre au comité central du 21 février.

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