ART CONTEMPORAIN – DU 22 SEPTEMBRE AU 15 NOVEMBRE : La création au chevet de nos savoirs industriels

Meta-Morphosis organise, dans le cadre du projet Moris Dime, une exposition d’un genre nouveau à Maurice, dans laquelle les industries mauriciennes deviennent à la fois le support et la source d’inspiration des artistes. Plus qu’une simple exposition, la Cité mécanique est un concept que l’agence a créé en Belgique pour revaloriser le patrimoine et les savoirs industriels, et qu’elle décline ici aujourd’hui comme une fierté mauricienne à affirmer en prélude aux 50 ans de l’Indépendance. Le photographe et représentant de Méta-Morphosis, Axel Ruhomaully, le plasticien Gaël Froget et la galerie 3A The Excellence of Art, qui inaugure ainsi un nouvel espace d’exposition au United Docks business park, en sont les principaux instigateurs.
Le principe de la Cité mécanique, tel que l’a conçu l’agence Meta-Morphosis, consiste notamment à collecter du matériel industriel ou artisanal, n’ayant pas de valeur muséale, et à le confier à des artistes qui en font alors un support de création tout autant d’ailleurs qu’un sujet d’inspiration. En Belgique, l’agence a ainsi créé un grand catalogue de mobiliers et de matériaux industriels qui représentent des savoir-faire emblématiques du pays, puis elle les propose aux artistes intéressés par la démarche de créer une oeuvre d’art avec ces objets.
Cette action permet à la fois de préserver et de valoriser du patrimoine industriel et des savoirs qui tomberaient sinon dans les oubliettes de l’histoire, et de créer des oeuvres qui leur donnent une nouvelle actualité, une nouvelle fonction, et même un nouveau sens. Ces objets transformés sont assortis d’un certificat de provenance, qui atteste leur nature et origine industrielles, et du certificat de création de l’artiste concerné, ce qui souligne la double fonction de la démarche.
La déclinaison de ce concept à Maurice a commencé par de vieux équipements de sucrerie dont le groupe Terra ne savait plus que faire, si ce n’est les revendre au poids ou les jeter. « Nous récupérons ces objets, nous explique Axel Ruhomaully, qui sont souvent assez délabrés car inutilisés depuis un certain temps. Avant de les confier aux artistes, nous demandons à des ouvriers ou artisans de les remettre en état. Leur nouvelle vie commence ainsi par une création d’activités et un sérieux toilettage. Ensuite, l’artiste est plus qu’heureux de pouvoir travailler sur un support qui a une âme, avec laquelle il va dialoguer dans son propre langage. » Gaël Froget met donc actuellement une dernière main aux 10 oeuvres en trois dimensions, qu’il a créées avec des pièces de moulin à sucre, des éléments de tracteurs et d’autres remorques anciennement vouées à l’exploitation sucrière.
De son côté, Axel Ruhomaully a pour ainsi dire endossé le rôle du détective pour dénicher à travers le pays diverses belles machines, objets ou matériaux, qu’il a ensuite littéralement traités comme des stars. Imaginez, par exemple, l’immense coque d’un bateau en cale sèche, chez Taylor & Smith, entièrement éclairée de lumières de studio. Pour pouvoir réaliser cette image, le photographe a travaillé entre 18 heures et minuit. Dans le même esprit, il a photographié une machine du moulin de l’usine sucrière de Terra, en plus des gros tracteurs et autres camions Bedford qui réalisent une sorte d’enivrant ballet avec leurs chargements aux senteurs sucrées, aux abords de l’usine.
Le début d’une aventure
Parfois le modèle est moins gigantesque, mais tout aussi impressionnant par sa beauté visuelle et le savoir qu’il représente. Ainsi est-il, par exemple, tombé sur un superbe sextant maritime du père de Derek Taylor, dans le petit musée que ce dernier réserve à ses partenaires. À la poste, il porte son dévolu sur un ancien distributeur de timbres qu’il rêve d’encapsuler dans son boîtier, ou encore sur les presses des deux dernières imprimeries mauriciennes qui travaillent au plomb pour réaliser de petits travaux. Il s’est aussi par exemple intéressé au vieux matériel de la télévision nationale, à d’anciennes machines Singer prisées dans des ateliers de confection, et aussi de vieilles balances avec leurs jolis poids sculptés dans les boutiques chinoises.
Dans l’esprit des concepteurs, cette exposition représente le début d’une démarche, qui est appelée par exemple à aboutir à la réalisation d’un livre aussi complet que possible pour l’année prochaine. Autre prolongement de cette initiative, les bénéfices des ventes des oeuvres seront affectés à un projet de préservation du patrimoine dont le choix est actuellement en discussion avec différents professionnels du patrimoine. « Les métiers manuels sont très peu valorisés à Maurice », fait remarquer Axel Ruhomaully. « Par exemple, nous n’avons pas des systèmes d’apprentissage aussi valorisants que le compagnonnage et le meilleur ouvrier de France. Pourtant, ces métiers sont aussi indispensables que les autres. Leurs réalisations méritent d’être considérés comme des chefs-d’oeuvre du patrimoine. »
Pour lancer cette exposition et en faire le tremplin d’une valorisation continue de ces savoirs, Meta-Morphosis a aussi invité une personnalité étroitement concernée par ces sujets. Yves Winkin, directeur de la culture scientifique et technique au Centre national des Arts et Métiers (CNAM) et directeur du musée du même organisme, en France, sera le parrain de la Cité mécanique mauricienne. Il donnera d’ailleurs une conférence à l’Aventure du Sucre le 19 septembre, soit quelques jours avant le vernissage. Le 21 septembre, jour inaugural, marquera aussi d’ailleurs le 170e anniversaire de l’émission du célèbre Blue Penny, ce petit carré concentré de savoir qui a marqué d’une encre indélébile l’histoire postale de Maurice et du monde.

- Publicité -
EN CONTINU ↻

l'édition du jour

- Publicité -