ART DE LA SCÈNE: Le théâtre, une passion partagée

Public scolaire et amateurs de théâtre sont invités à voir Les Fourberies de Scapin à partir de mercredi. Cette comédie de Molière, qui figure au programme d’études des Forms IV et V, est la cinquième pièce montée par la troupe Théâtralis dans le cadre scolaire. Fondée il y a une dizaine d’années par Kevin Bissonauth et Corinne De Baize, elle repose sur la passion commune que partage le couple pour le théâtre. Un amour qu’ils vivent aussi bien sur scène que dans la vraie vie et qu’ils partagent avec leurs amis comédiens et le public. L’initiative a une double vocation sociale. Elle leur permet en outre de venir en aide à une association. Rencontre avec les comédiens.
« Nous essayons de monter au minimum une pièce qui figure au programme scolaire tous les deux ans afin que les élèves puissent mieux la comprendre. C’est aussi l’occasion pour les comédiens de pratiquer cet art et pour rendre le théâtre accessible au grand public », laissent entendre Kevin Bissonauth, formateur de théâtre et Corinne de Baize, professeure de Français, pour qui monter leur propre troupe est un rêve qui s’est concrétisé.
« Cela fait quelques années que je n’ai pas joué. Je me sentais un peu frustré »,  affirme le septuagénaire Christian Sauzier, qui découvre le théâtre alors qu’il était au collège. « Auparavant, il n’y avait pas d’écoles de théâtre. Je jouais de petites scènes de Shakespeare. Lorsqu’il y avait des troupes étrangères qui venaient à Maurice, je jouais de petits rôles », poursuit notre interlocuteur. Il précise toutefois qu’il accepte un rôle après avoir lu la pièce et pris connaissance de ce qui lui est demandé.
Après toutes ces années, notre interlocuteur ne s’en lasse pas. « On apprend toujours », soutient cet ancien employé de banque. Cependant avec l’âge, la mémoire fait défaut. « Retenir les textes est une question d’habitude mais aujourd’hui, il est de plus en plus difficile pour moi de les garder en mémoire », précise Christian Sauzier. Outre le théâtre, notre interlocuteur aime le jardinage et est amateur de bridge. «  Une activité qui aide à travailler la mémoire », confie-t-il.
Christian Sauzier a aussi fait du cinéma. Il affirme qu’il n’y a aucune comparaison entre les deux genres. « Dans le théâtre, il y a ce contact avec le public qui est primordial. On voit tout de suite sa réaction. Cela aide l’acteur à s’améliorer. Au cinéma par contre, on ne voit pas le public, cela ne demande pas le même effort de mémorisation du texte et si une scène ne convient pas, on la rejoue. » Christian Sauzier préfère les rôles comiques. Dans Les Fourberies de Scapin, il incarne celui de Géronte.
« C’est indescriptible quand le public nous regarde, cela nous donne une telle énergie! » lance pour sa part Yannick Guérin, qui mesure la crédibilité de l’acteur par la réaction du public. De surcroît quand il s’agit d’un public estudiantin. « Cela n’a pas de prix, surtout si la pièce se termine par un standing ovation », poursuit-il. Pour cet employé de la publicité monter sur scène est « un challenge personnel ». La réaction du public contribue à rehausser sa confiance personnelle. M. Guérin préfère aussi jouer des rôles drôles. Il incarne ici le personnage d’Argante. Son secret pour retenir son texte : il demande à sa femme de le lui lire et il écoute. Selon lui, on n’a pas la même satisfaction au théâtre et au cinéma.
Yannick Guérin joue devant un public pour la première fois en 2001 avec Théâtralis. Selon lui, « dans une troupe, il y a une énergie qui se dégage et nous porte. Nous nous soutenons l’un l’autre et nous trouvons vite nos repères ». C’est ainsi que Yannick Guérin branche sa soeur cadette, Valerie Gourel de St-Pern pour un rôle dans la pièce. Après trois répétitions, la jeune femme commençait effectivement à se  sentir plus à l’aise et à trouver ses repères même si « plus le jour de la première approche, je sens la pression monter », confie-t-elle au Mauricien.
De son côté, Sandrine Fabre étudiante de Beaux-Arts s’est vu confier le rôle de Zerbinette. « Un personnage joueur, qui rit beaucoup… qui est complètement le contraire de ce que je suis », affirme-t-elle en précisant qu’elle est timide de nature. Ancienne élève au collège Lorette de Rose-Hill, Sandrine Fabre a déjà joué dans des pièces à l’école. Le personnage de Zerbinette lui permet de découvrir un autre trait de son caractère. « C’est super intéressant, dit-elle. Cela m’aide à mieux me connaître ». La jeune femme aime aussi le contact avec le public.
Théâtralis a aussi fait appel à un élève pour jouer dans la pièce. Julien Dijoux, élève de Kevin Bissonauth au Lycée Labourdonnais, incarne très bien le personnage de Scapin. Un jeu de scène qui demande beaucoup à son acteur car son personnage est appelé à jouer d’autres rôles dont ceux d’un allemand et d’un espagnol qui parlent français. Si au départ, cet élève de la filière scientifique du Lycée avait choisi l’option théâtre, c’était pour pouvoir s’exprimer devant un public. Après avoir joué dans quelques pièces, il a aimé et poursuit sa passion.
« On est comme une famille sur scène. Cela me permet aussi de m’évader de l’instant présent. C’est cool », dit Julien Dijoux. Néanmoins, il concède qu’il commence à ressentir la pression avec les répétitions, deux spectacles à préparer pour l’école en plus de ses études. Le jeune homme relit plusieurs fois son texte pour pouvoir le retenir. « Je bute encore sur quelques mots », affirme-t-il. « Sans les précieux conseils de Corinne et de Kevin, je n’aurai pas pu jouer Scapin. »
Kevin Bissonauth indique que lorsque les répliques sont longues, « on conseille aux acteurs de relire le texte à plusieurs reprises même s’ils ne le comprennent pas. La compréhension et le travail de la voix se fait après ». Corinne de Baize précise qu’« au théâtre, il n’y a pas de micro, il faut un travail sur la voix pour que le public puisse entendre les acteurs », poursuit-elle.
Ceux qui ont l’habitude de voir Alexandre Martin dans les pièces des Komikos, dont la dernière Fami pa kontan, pourront le voir dans un autre genre. Cette fois-ci, classique. Il interprète ici le personnage de Sylvestre, le valet d’Octave. Alexandre Martin joue pour la troisième fois avec Théâtralis. « C’est une très jolie expérience », dit-il. Et de souligner que cela change de jouer en vieux français. « J’aime bien le sérieux de la troupe et leur mise en scène. Ils respectent le texte original. » Les costumes seront aussi de l’époque, précise  Mme De Baize.
Jérémie Avice quant à lui aime l’ambivalence de son personnage Léandre. « Tantôt, il a un caractère fort, tantôt il devient suppliant », souligne-t-il. Le jeune homme, étudiant en ingénierie découvre le théâtre l’année dernière. Il a incarné un rôle masculin dans une pièce jouée au collège Lorette de Rose-Hill. « Je me suis senti à l’aise dans le rôle qu’on m’avait proposé. En incarnant un personnage, on est libre. Personne n’est là pour nous réprimander. On se défoule », affirme-t-il. Jérémie Avice a une préférence pour les caractères violents. Pour lui, ce qui est magique c’est de montrer au public le produit fini. « Il ne voit pas tout le travail derrière et ne peut pas l’imaginer non plus. C’est extraordinaire qu’on puisse au bout de longues heures de travail lui proposer quelque chose qui ne soit qu’une beauté pour les yeux. »
« Le théâtre, c’est donner vie à quelque chose qui n’existe pas. On crée à partir des mots », affirme le metteur en scène Kevin Bissonauth. Pour lui, le comédien doit être sensible à ce qui se passe autour de lui. Rendez-vous est donné donc à partir de mercredi au MGI.
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Théâtralis, le fruit d’un amour
Portés par leur amour mutuel pour le théâtre, Corinne de Baize et Kevin Bissonauth décident de monter leur propre troupe quelque temps après leur première rencontre. C’est ainsi qu’en 2001, Théâtralis voit le jour.
« Kevin et moi, nous avons tout le temps joué de notre côté. J’ai commencé avec le théâtre lorsque j’ai terminé le collège en 1996. Je n’avais rien à faire et une amie m’avait parlé d’une pièce. J’ai joué, j’ai aimé et j’ai continué », raconte Corinne de Baize.
De son côté, Kevin Bissonauth fait sa première expérience sur scène à l’adolescence. « C’était un hasard qui m’a fait participer à un spectacle pour l’indépendance. » Le jeune homme poursuit son expérience en jouant à l’Atelier Pierre Poivre et y joue quelques petits rôles avant de décrocher son premier grand rôle, Antigone. Il passe une dizaine d’années à l’Atelier Pierre Poivre et c’est lors de la préparation du spectacle Roméo et Juliette qu’il rencontre pour la première fois sa femme. Ils incarnaient les deux rôles principaux.
« Depuis, on ne s’est plus jamais séparé et on incarne toujours le rôle des amoureux », affirme Corinne de Baize. « Nous avons alors commencé à nous dire : puisque nous avons la même passion pourquoi ne pas monter notre propre troupe », se rappelle-t-elle. Au bout de deux ans, le projet se concrétise. Mme de Baize, professeure de français, gère la partie administrative de la troupe.
La direction de la troupe demande beaucoup de sacrifice au couple qui a deux enfants. De temps à autre, les enfants les accompagnent en répétitions. « À la maison, alors qu’on répète les répliques, surtout à la veille de la représentation, l’aîné qui a six ans répète après nous », soutient Corinne de Baize, un sourire aux lèvres.
Mais le bonheur, pour Kevin Bissonauth, c’est de pouvoir vivre de sa passion. Il est formateur de théâtre et intervient au Couvent de Lorette de Rose-Hill, de St-Pierre et au Lycée Labourdonnais. Pour lui, le théâtre, c’est une école de la vie. « J’aime cette rencontre humaine et il nous permet de nous découvrir parce qu’on est appelé à jouer des personnages qui sont complètement à l’opposé de ce que nous sommes. » Point de routine. « C’est un art vivant qui est appelé à évoluer », dit-il.
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En soutien à l’association Morisyen San Frontyer
Cette année, la troupe Théâtralis a choisi de venir en aide à l’association Morisyen San Frontyer (MSF). Elle regroupe des médecins qui proposent des examens médicaux gratuits aux enfants issus de régions pauvres.
Même si les comédiens ne peuvent vivre de leur art, ils ont choisi de soutenir ceux qui en ont besoin. C’est ainsi qu’en 2001, la troupe présente Topaze de Marcel Pagnol. Elle verse Rs 90 000 à l’École pour la solidarité et la justice qui s’occupe des enfants en difficulté et Rs 10 000 à l’école André Bazerque de  Beau-Bassin. En 2004, elle présente Le Malade imaginaire de Molière et recueille Rs 175 000 qu’elle verse aux Centres de développement des Soeurs de Lorette.
Deux ans plus tard, Rs 120 000 sont versées au compte du centre des femmes Chrysalide qui s’occupe des femmes victimes de drogue et d’alcool, à la suite de la représentation Le Voyage de Monsieur Perrichon de Eugène Labiche. Une pièce jouée à guichets fermés, souligne Corinne de Baize, un des metteurs en scène de la pièce. En 2009, la troupe présente L’Avare de Molière à guichets fermés encore une fois et donne Rs 150 000 à T1 Diams, qui s’occupe des enfants diabétiques et Rs 50 000 au Plaza Fund.
En vue de pouvoir continuer à soutenir des associations,  Théâtralis a fait une demande d’exemption d’impôts sur les divertissements auprès de la Mauritius Revenue Authority (MRA). « 25% sur les billets représentent une grosse somme », fait ressortir Corinne de Baize au Mauricien en souhaitant que leur demande soit agréée.
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Les Fourberies de Scapin : synopsis
En l’absence de leurs parents respectifs, Octave s’est marié en secret avec Hyacinte, jeune fille pauvre au passé mystérieux, et Léandre est tombé amoureux d’une Égyptienne, Zerbinette.
Mais voici que les pères, Argante et Géronte, rentrent de voyage avec des projets de mariage pour leurs enfants. Les fils ne savent plus à qui se confier pour résoudre leurs problèmes.
Scapin, le valet de Léandre, s’engage à tout arranger par ses mensonges et ses manigances (ses fourberies), il imagine de soutirer aux deux pères l’argent nécessaire pour faire triompher l’amour et la jeunesse. Mais qui sont en réalité Hyacinte et Zerbinette ? Scapin réussira-t-il sa mission impossible ?
Rassurons-nous, tout finira dans la joie et Scapin sera porté en triomphe à la table du festin.
Distribution des rôles :
Scapin : Julien Dijoux
Argante : Yannick Guérin
Géronte : Christian Sauzier
Sylvestre : Alexandre Martin
Octave : Kevin Bissonauth
Léandre : Jérémie Avice
Hyacinte : Corinne de Baize
Zerbinette : Sandrine Fabre
Nérine : Valérie Gourel de St Pern
Carle : Kiran Dussaram
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Billetterie
Les fourberies de Scapin sera joué au MGI du 28 mars au 3 avril. Deux représentations sont prévues le mercredi 28, jeudi 29, lundi 2 et mardi 3 avril à 10 heures et à 12 h 30. Le vendredi 30, trois représentations sont prévues à 10 heures, 12h30 et 20 heures. Prix du  billet : en matinée, Rs 100 ; en soirée, Rs 200.

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