ARTS ET CULTURE : L’Unesco tire la sonnette d’alarme

Avril Joffe et Justin O’Connor, experts de l’Unesco en mission à Maurice l’année dernière pour un constat et une évaluation de la situation dans le cadre de la mise à exécution de la Convention pour la protection et la promotion de la diversité culturelle de 2005, observent dans leur rapport de septembre 2012, qu’il y a un manque de volonté ou de compétence au niveau du ministère des Arts et de la Culture pour développer les industries culturelles à Maurice. Selon eux, le pays est quasiment arrivé à un point de non retour si aucune action n’est prise d’urgence : « The cultural industries are in the process of exiting. »
Dans leur rapport soumis au ministère des Arts et de la Culture, apprend Le Mauricien, les deux experts de l’Unesco constatent que ce n’est certainement pas un manque d’information sur la question qui pêche. « The main reason was that the State agencies deemed responsible for implementation and strategic leadership lacked the will and/or capacity to act », disent-ils. Par conséquent, poursuivent-ils, en consultation avec l’Unesco et le ministère des Arts et de la Culture, « we decided that the key deliverable of this mission – building capacity within government to deliver a cultural industries strategy and action plan – would best be achieved by direct consultation and collaboration with the sector itself ». Ainsi, outre une consultation avec le personnel du ministère de tutelle, les deux experts ont eu des ateliers de travail avec 200 personnes du secteur culturel mauriciens.
Le premier constat a été un ras le bol généralisé, les participants déclarant que peu importe ce qu’ils écriront dans leur rapport, « aucune action ne sera prise dans la bonne direction par le ministère des Arts et de la Culture ». « Every workshop (other that in Rodrigues) began with the complaint from the floor that this was another workshop, another report, another set of experts and – to our attempts to say is was different – that they had heard it all before ».
« In the process of exiting »
Pour eux, cette situation est grave et reflète ce que le sociologue Albert Hirschman qualifie de « exit ». En opposition à « voice », où les gens ont le sentiment d’être écoutés et de participer à la prise de décision, ils « exit » lorsqu’ils ont le sentiment de ne plus avoir « any input into the decision making process ». « They give up voicing their concerns – they exit », ajoutent-ils.
« At this stage we would suggest that with respect to MAC (ndlr : ministère des Arts et de la Culture), the cultural industries are in the process of exiting ». Selon les experts de l’Unesco, il n’y a aucune possibilité de développer des industries culturelles durables et vibrantes si la situation persiste. « On the contrary it points to a future of missed opportunities, cynicism, economic decline and cultural dependency on external forces and agencies », poursuivent-ils.
Cette convention de l’Unesco est considérée comme un contrepoids au processus de libéralisation du commerce international par l’Organisation internationale du commerce (OIC). Son but est de trouver et de développer des méthodes pour préserver et renforcer les cultures locales qui s’érodent en conséquence de l’envahissement des produits en provenance des pays exportateurs dominants comme l’Inde, le Royaume Uni ou les États-Unis, pour ne citer que ceux-là. L’objectif de la convention est de promouvoir les industries culturelles « as both a source of economic development and as contributory to the strengthening of local cultures ».
Tout en concédant que les Arts et la Culture sont les parents pauvres dans les pays développés ou en développement, les deux experts affirme néanmoins que le ministère des Arts et de la Culture ne fait aucun effort pour promouvoir cette économie au sein du gouvernement. « At the moment we see no evidence of the MAC making a robust case for the increased importance of the cultural economy or for its own role in driving this agenda within government ».
Dans ce même rapport, Avril Joffe et Justin O’Connor observent que la définition et les fonctions du ministère des Arts et de la Culture sont problématiques, ce qui peut être une entrave pour l’élaboration d’une stratégie des industries culturelles.
Clientélisme
La définition privilégie les cultures traditionnelles liées aux ethnies et aux religions et minimise le rôle de la culture contemporaine et son potentiel économique. « In addition it tends to reduce non-ethnic-religious culture to “art” conceived in an equally traditionnal (though not religious), non-commercial and often elitist fashion ».
Selon les deux experts, « the definition structures the work of the MAC so that its main function is seens as distributing ressources to these ethnic-religious cultural groupings in a manner that keeps the peace in this multi-cultural society ». Ils précisent qu’ils ne disent pas que ces activités ne doivent pas être financées puisque la convention les considère toutes aussi importantes mais que cela peut avoir de grandes conséquences. D’une part, « this produces a clientele system not conducive to the strategic development of a cultural economy ». D’autre part, les fonctionnaires sont occupés à organiser des événements et des festivals liés à ces groupes communautaires. « Though there are intermittent initiatives in relation to the cultural industries, these lack adequat ressources and a sense of priority-mainly, it seems to us, because of the preponderance of its traditionnal cultural remit ».
Puisque le ministère de tutelle « is organized around distributing cultural resources to ethnic-religous constituencies with strong political organization it has been difficult for the MAC to approach the cultural industries agenda from a developmental perspective ».
Les deux experts soulignent auparavant que ces observations ont été faites par d’autres et figurent dans de nombreux rapports.

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