ASSEMBLÉE NATIONALE: Le mercantilisme médical mis à l’index

La Private Notice Question du jour du leader de l’opposition Paul Bérenger, portant sur des interventions chirurgicales pour la liposuccion, a permis de dégager un consensus au sein de l’Assemblée nationale sur la nécessité d’exercer un contrôle plus strict sur ce qui se passe dans des cliniques privées dans ce domaine. Le mood des échanges était très loin d’être confrontationnel au point où le leader du MMM s’est félicité du fait que le ministre de la Santé Lormus Bundhoo a réagi de manière prompte à la suite de ses dénonciations sur cette affaire lors d’un récent point de presse.
Le ministre de la Santé, qui s’en est sorti honorablement pour sa première Private Notice Question (PNQ), a confirmé qu’officiellement il y a eu deux cas de décès à la suite d’interventions chirurgicales liées à la liposuccion. Lormus Bundhoo a aussi ajouté que le médecin mauricien, qui a pratiqué cette opération, a été interdit de telle pratique jusqu’à la conclusion d’une enquête imposée par le ministère de la Santé au Medical Council. Le ministre n’a pas caché sa surprise devant le long retard pris en vue de transmettre cette requête pour une enquête approfondie par l’Ordre des Médecins, tout en supputant des liens quasi occultes.
Le leader de l’opposition a fait pour sa part un véritable plaidoyer pour un contrôle plus rigoureux dans la pratique de ces interventions chirurgicales, tout en soulignant que le ministère de la Santé ne semble pas disposer d’une vue d’ensemble de problèmes post-opératoires. Paul Bérenger a indiqué à la Chambre que les informations en sa possession tentent à confirmer qu’il y a eu au moins trois cas de décès au lieu des deux avancés par Lormus Bundhoo et que de nombreux cas de complication ne sont pas portés à l’attention du ministère de la Santé.
Fort de son expérience en tant que médecin légiste et surtout en tant que Chief Police Medical Officer, le député de la circonscription Curepipe / Midlands Satish Boolell a demandé au ministre de la Santé d’enclencher des procédures en vue d’instituer une enquête judiciaire sur le décès de la femme de 41 ans à la suite d’une intervention chirurgicale à la Clinique du Nord en octobre 2010. Le député mauve a trouvé que tout le dossier doit être transmis séance tenante au Commissaire de Police compte tenu des éléments de cette affaire.
Contrairement à l’ambiance qui a régné dans l’hémicycle dans la nuit d’hier à ce matin (voir texte plus loin), les échanges sur la pénultième PNQ des débats budgétaires se sont déroulés dans un silence religieux avec quasiment aucun rappel à l’ordre du Speaker Kailash Purryag si l’on fait exception de la remarque à l’adresse de l’ancienne ministre de la Santé Maya Hanoomanjee à la tranche des questions supplémentaires.
Bérenger : Le ministre de la Santé peut-il révéler à la Chambre concernant les interventions chirurgicales dans le domaine de la liposuccion, le nombre de cas enregistrés depuis 2008 à ce jour sur une base annuelle, les noms des médecins qualifiés pour cette catégorie d’interventions, les noms des institutions médicales où ces interventions sont pratiquées, le nombre de décès et de cas de complication en révélant les noms des médecins et des cliniques concernés aussi bien que les conclusions de l’enquête dans le décès de Mme N.V. à l’hôpital Victoria le 29 octobre 2010 après une intervention à la Clinique du Nord ?
Bundhoo (après quelques explications techniques sur la liposuccion en vue d’éliminer la graisse à certaines parties du corps) : The more fat is removed the higher the risk. D’emblée, je dois faire ressortir que des interventions de liposuccion ne sont pas pratiquées dans des hôpitaux du gouvernement. Elles le sont dans des cliniques privées :
Clinique du Nord avec neuf interventions en 2007, cinq en 2008, six en 2009, trois en 2010 et nil en 2011 ; Clinique de l’Océan Indien : nil de 2005 à 2010 et 24 en 2011-11-17 ; Clinique Mauricienne : une intervention en 2005, six en 2006 et une en 2009 ; Apollo Bramwell : nil entre 2005 et 2009, 15 en 2010 et cinq en 2011.
Les chirurgiens s’adonnant à la pratique de liposuccion doivent détenir des certificats spécialisés en la matière. À Maurice, il y a quatre médecins qui sont qualifiés pour entreprendre ces interventions chirurgicales. À ce stade, le ministre de la santé révèle les noms de ces quatre médecins, dont un Mauricien et trois étrangers, et les cliniques où ils sont attachés.
Bundhoo : Les informations officielles, qui m’ont été communiquées, indiquent que deux cas de décès ont été enregistrés à la suite d’interventions de liposuccion. Le premier cas remonte à novembre 2006 où une femme âgée de 22 ans a consulté un médecin spécialiste en date du 18 novembre 2006. L’intervention chirurgicale a été pratiquée à la Clinique du Nord à Baie-du-Tombeau le 26 novembre 2006.
Mais vers 13 heures le même jour, la condition de la patiente s’est détériorée. It was a major cause of concern. Même un neurophysicien fut appelé au chevet de la patiente. La situation était si critique que la décision de la faire transférer à l’hôpital Victoria avait été prise. Elle a été admise à l’Intensive Care Unit du PMOC, du 26 novembre 2006 au 15 février 2007, où son décès a été constaté. La cause du décès est attribuée à une septicémie.
Le second cas remonte au 22 octobre de l’année dernière et concerne une patiente âgée de 41 ans. Elle avait été examinée par le médecin spécialiste le 15 octobre de l’année dernière et la conclusion était qu’elle était en mesure de subir cette intervention. Les procédures et les risques lui avaient également été expliqués.
L’intervention chirurgicale s’est déroulée le 22 octobre 2010. Elle ne souffrait pas de graves complications sauf des douleurs au ventre. Mais le 25 octobre 2006, ces douleurs au ventre étaient devenues intenables. Des examens médicaux approfondis, dont un examen au scan, avait détecté un Peritonis Viscus. La patiente devait faire le choix pour être admis dans un Major Hospital. Elle avait choisi l’hôpital Victoria où le Peritonis avait été confirmé. Deux perforations dans le petit intestin ont été également confirmées. Elle a été mise sous ventilation du 26 au 29 octobre de l’année dernière quand son état devait se dégrader irrémédiablement à partir de 1 h 15 du matin. Un quart d’heure plus tard, elle avait rendu l’âme.
L’autopsie pratiquée par le Chief Police Medical Officer avait conclu à une septicémie. Après analyse de ces développements, le directeur suppléant aux services de Santé avait ordonné une enquête approfondie en date du 12 novembre 2010, vu cette perforation du petit intestin avec l’un des instruments utilisés lors de l’intervention de liposuccion. Il avait été également recommandé que tout le dossier soit soumis au Medical Council pour une enquête approfondie et indépendante.
Le même jour, soit le 12 novembre de l’année dernière, le chirurgien responsable a été interdit de pratiquer ces interventions chirurgicales. I am surprised to say that the official recommendations made on the 12 November 2010 for an inquiry entrusted to the Medical Council has not been acted upon promptly. Ce n’est que le 25 février de cette année que le Supervising Officer au ministère de la santé a référé le dossier au Medical Council.
Bérenger : J’ai cru entendre le ministre déclarer que le Medical Council s’occupe de vérifier les qualifications des chirurgiens de liposuccion. Je me demande si le Medical Council dispose de compétences nécessaires pour ce genre d’exercice ? Si l’Ordre des Médecins n’est pas doté de ces expertises, que compte faire le ministère ?
Bundhoo : Je suis presque sûr que le Medical Council dispose de ces compétences pour vérifier les qualifications de ces spécialistes. I’m sure that they must have done so.
Bérenger : Parmi les médecins qualifiés pour des liposuccions, y a-t-il des ressortissants étrangers ?
Bundhoo : En fait, ils sont trois étrangers de nationalité française et un Mauricien.
Bérenger : Le Mauricien est celui qui est impliqué dans le dernier cas fatal. Dans d’autres pays, des règles sont établies et observées sur ce qui est possible et ce qui n’est pas possible en matière de liposuccion. Les lois en vigueur à Maurice protègent-elles suffisamment les patients ?
Bundhoo : Quand j’ai été nommé ministre de la Santé il y a deux mois, j’avais convoqué une réunion avec les médecins et je me suis posé la même question. Je me suis appesanti sur le fait que les lois doivent être conformes à celles sur le plan international, notamment à Singapour et en Europe.
Bérenger : À l’étranger, la loi prévoit une enquête préalable complète avec des questions adressées pour établir les conditions des patients. Ceux souffrant du diabète ne peuvent subir ces interventions que sous certaines conditions. Ils doivent impérativement cesser de fumer. Peut-on savoir si ces pratiques et procédures sont observées à Maurice ?
Bundhoo : I did ask the same questions this morning. Ce que je veux savoir est si cet exercice a été fait en écrit ? S’il existe un document signé par les patients à ce sujet ? J’ai réclamé des informations à ce sujet. I did not have it. Je dois vérifier de nouveau et je ferai le nécessaire.
Bérenger : La liposuccion est un business extrêmement lucratif avec des sommes énormes imposées pour des interventions. Mais il est également important d’avertir et d’informer le public sur toute cette affaire ? Quel contrôle est exercé sur ces pratiques ?
Bundhoo : Je pense que cette affaire relève du Medical Council et du ministère. Ils doivent vérifier que les cliniques concernées observent et respectent des critères et conditions nécessaires. Pour ce qui est des barèmes de tarif, Maurice adopte le Free Market mais je fais un appel pour que ces services ne soient pas outpriced. Je suis entièrement d’accord avec le leader de l’opposition. En consultation avec le ministère des Finances, il nous faudra proposer un barème minimal pour permettre au public de faire la comparaison.
Bérenger : Les informations révélées à la Chambre par le ministre de la Santé font état de deux victimes de liposuccion avec pour chirurgien le même professionnel et dans la même clinique ?
Bundhoo : Tel est effectivement le cas.
Bérenger : Mes informations sont qu’il y a eu effectivement trois décès à la suite d’interventions de liposuccion. Mais je constate que le ministre ne donne aucun détail sur les autres cas de complication.
Bundhoo : La question porte sur le nombre de décès enregistré. En ce qui concerne les complications, les cas n’ont pas été rapportés officiellement. The ministry was not informed accordingly. Comme le désire le leader de l’opposition, je me ferai un devoir de faire rechercher ces détails auprès des cliniques concernées.
Bérenger : Des deux côtés de la Chambre siègent des médecins. Il est un fait qu’avec des autopsies, il est difficile de lier la cause du décès à la liposuccion. Compte tenu des cas contre la Clinique du Nord et plus spécifiquement avec ce qui s’est passé avec la patiente de 41 ans, il est temps qu’une enquête complète et approfondie soit entreprise.
Bundhoo : The leader of the opposition may be right. Avec le second cas fatal, le directeur de la Santé et le Chief Medical Officer avaient émis des instructions pour que le chirurgien en question soit interdit de pratiquer ces opérations.
Bérenger : Le chirurgien a-t-il été officiellement informé ? De ce que je comprends, la lettre avait été adressée à la clinique et non au médecin ?
Bundhoo : Il a été officiellement informé et il ne pratique plus d’interventions.
Bérenger : Je suis quelque peu étonné d’entendre le ministre affirmer que la patiente avait expressément demandé de se faire admettre à l’hôpital Victoria. Sur la base de quoi peut-il affirmer ceci. Nous sommes conscients qu’au sein de la profession médicale, il y a des réseaux. Les médecins ont leurs copains qui sont affectés dans différents hôpitaux susceptibles de les couvrir en cas de problèmes. C’est ce qui explique le choix de l’hôpital Victoria. Sur quelle base la patiente avait-elle opté pour cet établissement ?
Bundhoo : Je me suis posé la même question. Dois-je rappeler que cette affaire remonte à l’époque de mon prédécesseur à la Santé. Ce problème est survenu à Baie-du-Tombeau. Logiquement, les deux hôpitaux les plus proches sont le Sir Seewoosagur Ramgoolam National Hospital et l’hôpital Dr Jeetoo. Nous n’avons pas à découvrir l’Amérique pour comprendre ce qui s’est passé. Le choix a été fait dans un but spécifique en faisant croire à la patiente et à ses proches qu’elle allait bénéficier d’un meilleur traitement à Victoria.
Bhagwan : Mafia…
Bérenger : Je ne partage pas l’opinion du ministre concernant le Medical Council. Je ne suis nullement satisfait du fonctionnement de l’Ordre des Médecins. Le Medical Council a-t-il déjà réagi à des cas de décès ou de complication liés à la liposuccion ?
Bundhoo : J’ai réagi quand cette affaire avait été évoquée dans la presse. J’ai consulté les responsables et j’ai réclamé des détails. J’ai également demandé à être informés des cas devant le Medical Council. J’ai aussi exprimé le souhait que le Medical Council doit faire preuve de diligence.
Satish Boolell : Le ministre peut-il confirmer dans quelle condition le transfert de la patiente de la Clinique du Nord à l’hôpital Victoria a été effectué ? Le service du Samu a-t-il été sollicité ?
Bundhoo : L’enquête du Medical Council apportera des réponses à ces questions.
Boolell : Des interventions chirurgicales se déroulent dans des cliniques privées. Mais ces cliniques sont-elles équipées pour faire face à des soins intensifs ?
Bundhoo : Je ne suis pas au courant des détails. Je crois comprendre qu’elles disposent du back-up nécessaire. C’est pourquoi dans mon intervention sur le budget, j’ai fait état de la nécessité que dans le cadre du projet visant à faire de Maurice un Medical Hub, toutes les facilités doivent être disponibles.
Boolell : Compte tenu des circonstances accablantes du cas d’octobre 2010, il est du devoir du ministre de demander au Commissaire de Police d’instituer une enquête judiciaire dans ce décès et cela indépendamment de ce que fera le Medical Council à la suite de son enquête.
Bundhoo : Je suis certain que le Medical Council retiendra cette éventualité dans l’une de ses recommandations.
Hanoomanjee : L’enquête de novembre de l’année dernière n’était pas approfondie. Elle n’était que préliminaire car ni la clinique ni le chirurgien ont été contactés. Le Medical Council avait écrit au ministère…
Speaker : Ask the question…
Hanoomanjee : Peut-il confirmer que ce n’était qu’une enquête préliminaire ?
Bundhoo : Le directeur du service médical au ministère avait soumis des recommandations en date du 12 novembre 2010 pour une enquête indépendante du Medical Council. La Clinique du Nord peut avoir ses opinions. It is the duty to request for an in-depth inquiry. Pourquoi ce délai entre le 12 novembre 2010 et le 23 février 2011 pour transmettre des dossiers et des informations au Medical Council ?
Le député Steve Obeegadoo est intervenu pour faire un plaidoyer en faveur de l’élaboration de protocoles nécessaires pour assurer les intérêts des patients. Rajesh Bhagwan a fait état de la nécessité de revoir la Medical Council Act pour un Ordre des Médecins plus performant.
Bérenger : Je me félicite du fait que le ministre a réagi à la suite d’un de mes points de presse sur les problèmes relatifs à la liposuccion. Je fais un appel aux autorités pour une plus grande vigilance dans cette affaire. Le chirurgien mauricien a été interdit de ses fonctions. Je ne suis pas en présence d’informations concernant les trois médecins étrangers. Mais il faut assurer un close watch.
Bundhoo : Le chirurgien mauricien est sous un ordre formel d’interdiction de pratiquer des interventions. Des instructions sont formelles et nous avons mis en place un close monitoring de la situation.

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