Assemblée nationale – deux séances : mêmes hurlements stridents de Sooroojdev Phokeer

Walk-out de l’opposition après l’expulsion d’Arvin Boolell et de Shakeel Mohamed
Le leader de l’opposition suspendu pour deux séances sur motion de Pravind Jugnauth

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Deux séances, mais les mêmes faits qui se répètent : les hurlements stridents de Sooroojdev Phokeer, dont ce n’est que le micro de droite — celui qui se trouve près des travées de l’opposition — qui est, d’ailleurs, toujours relevé. Ce qui est très éloquent en lui-même. Entre ces cris de vente à l’encan d’un autre temps et la copie des Standing Orders brandie, il y a eu, vendredi, le walk-out de l’opposition à la suite de l’expulsion d’Arvin Boolell et de Shakeel Mohamed, le premier nommé étant même « named » et suspendu pour les deux prochaines séances sur motion du Premier ministre. C’est au début même de la séance de vendredi que les échanges ont vite tourné au vinaigre. Dans une déclaration à la Chambre, le Speaker a annoncé qu’après examen d’une requête formulée par le Premier ministre adjoint quant à la possibilité d’un outrage à l’Assemblée nationale de la part d’un huissier de la Cour suprême, M. Saumtally, en tentant, le 2 décembre 2019, de lui servir une convocation, il a statué qu’il y avait matière à donner  suite à cette affaire. Il alors invité Ivan Collendevelloo à présenter sa motion.

Dès qu’il s’est mis debout pour lire le libellé de sa motion, le Whip de l’opposition Shakeel Mohamed s’est levé sur un point de procédure pour soutenir que cette affaire ne pouvait être considérée dans la mesure où elle est « subjudice » et qu’elle concerne la pétition électorale contestant l’élection d’Ivan Collendavelloo qui est déjà devant les tribunaux. Réponse minimaliste de Sooroojdev Phokeer : « Le PM adjoint aura à assumer ses responsabilités. » Mécontent, Shakeel Mohamed devait lancer « coward ». Ce qui a fait bondir le Speaker qui a répété son numéro de mardi en hurlant et en répétant les mêmes mots, tout en disant au député travailliste : « Do not shout, you are usurping the right of the House. »

Lorsque le député du MMM Reza Uteem, invoquant lui aussi un point de procédure, a demandé à quelle heure la convocation judiciaire a été servie à Ivan Collendavelloo, le Speaker a aussitôt sèchement décrété qu’il ne s’agissait pas d’un « point of order ».

« It’s my voice »

Et c’est alors qu’avec raison, les élus de l’opposition, dont Rajesh Bhagwan, lui ont demandé d’arrêter de crier, ce qui était une évidence. Il a répondu : « It’s my voice. » Et d’insister que Shakeel Mohamed retire le mot « coward ». « He is one », devait répliquer, agacé, le député de l’opposition. Des cris de « capon » lancés en direction d’Ivan Collendavelloo ont alors fusé des bancs mauves.

Lorsque Sooroojdev Phokeer a, de nouveau, invité le Whip de l’opposition à retirer son propos, il a reformulé son expression pour dire que le Premier ministre adjoint avait agi de manière « cowardly ». Le Speaker lui a demandé de retirer ses propos qu’il considère comme « unparliamentary », ce qu’il a fait en essayant de s’expliquer, mais il en a été empêché et a, du coup, été invité à « withdraw from the Chamber ». Tout ça, toujours en vociférant.

Lorsque le leader de l’opposition s’est mis debout pour tenter d’obtenir des explications, le Speaker lui a coupé la parole. Il est resté debout et s’est entendu aussitôt signifier son expulsion de l’hémicycle, ce qu’a ignoré Arvin Boolell.
« I am naming you », a ensuite décidé la présidence, tandis que le leader de l’opposition est resté à sa place. « Sergeant-at-Arms, get ready », a renchéri Sooroojdev Phokeer demandant ainsi à l’officier de se préparer à expilser de force le leader de l’opposition de l’hémicycle.

Ce dernier s’est immédiatement exécuté et s’est rapproché d’Arvin Boolell qui a alors ramassé ses affaires et a quitté l’hémicycle. Il a été rejoint par les autres membres de l’opposition, PTr, MMM et PMSD confondus, qui ont quitté l’hémicycle en lançant des remarques en direction du Speaker et de la majorité et Patrick Assirvaden disant: « Vive Maya. » Ils se sont tous retrouvés ensuite dans une des salles de conférence de l’Assemblée nationale pour commenter ces incidents.

Après une suspension de séance annoncée pour une durée de 15 minutes, mais qui s’est prolongée plus d’une demi-heure, Ivan Collendavelloo a pu proposer sa motion demandant que la tentative de lui servir une convocation pour paraître en Cour suprême soit référée au directeur des poursuites publiques pour statuer s’il y a matière à poursuite pour infraction à la loi sur l’immunité et les privilèges de l’Assemblée nationale.

Après la motion du Premier ministre exigeant que le leader de l’opposition soit suspendu des travaux de l’Assemblée nationale pour les deux prochaines séances a été votée, Arvin Boolell ayant été expulsé, les débats ont repris sur le discours-programme.
Kavi Doolub, le premier intervenant de l’après-midi, a, comme les autres parlementaires de la majorité, parlé de ses petites affaires personnelles, de prix et de supermarchés, lui, qui est le Marketing Manager de Kings Savers. Puis, il a lancé des critiques à l’encontre de l’opposition et de son adversaire direct, Ritesh Ramful. Le député du No 12 s’est aussi dit « fan de Sandra », sa collègue Sandra Mayotte. Il ne manquait plus que quelques bons tuyaux à donner pour l’ancien chroniqueur hippique.

Comme les députés de l’opposition étaient absents, ce sont uniquement ceux de la majorité qui se sont succédé à la tribune. Le ministre des Travaux et député du No 12, Bobby Hureeram, a été égal à lui-même avec ses habituelles diatribes contre l’opposition et contre Richard Duval et Ritesh Ramful, lequel serait un protégé de son beau-père Kailash Purryag. Il a quand même consacré une bonne partie de son intervention à un inventaire des projets de son ministère.

Stéphane Toussaint, le ministre de la Jeunesse et des Sports, a fait une sortie contre l’opposition qui refuserait d’accepter le résultat des élections. Il a parlé de « money politics » et a dénoncé ceux qui avaient distribué du macaroni lors des municipales de 2012 et, par ailleurs, le rôle joué par un membre du PTr dans la campagne électorale de 2014.
Intervention maîtrisée de Sandra Mayotte

Joanne Tour, députée du No 4, prise parfois de tract, s’est un peu perdue dans la lecture du discours qu’elle tenait fermement. On a ainsi eu droit à « Pravind Komar Jugnauth » et « épithèse » plutôt qu’épithète. Gageons qu’elle s’améliorera au fil du temps. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Elle, au moins, est restée modeste et n’a pas joué la diva capricieuse et prétentieuse. Intervention bien plus maîtrisée, dans le fond comme la forme de sa collègue du No 14, Sandra Mayotte. A part les critiques d’usage et de bonne guerre contre l’opposition, la députée a parlé des dossiers qui l’interpellent comme la culture, les femmes et le sport. C’est la Whip du gouvernement, Naveena Ramyead, qui sera la prochaine intervenante à la reprise des débats le lundi 2 mars.

Déjà, mardi, le Speaker avait fait jouer avec puissance ses cordes vocales lors de la tranche de la PNQ axée sur l’accident impliquant le tramway qui s’était produit le dimanche précédent. Alors que les échanges commençaient à s’envenimer et que Arvin Boolell brandissait des documents pour soutenir que la partie du tracé à Barky était sur les pilotis, ce qui a été démenti par le ministre Alan Ganoo, le député rouge Patrick Assirvaden a lancé « commission pe marsé ».

Le Speaker l’a enjoint de retirer immédiatement ce mot sur un ton agressif et criard, ce qui a surpris hémicycle et galerie confondus. Considérant que c’est une « grave allégation », Sooroojdev Phokeer a insisté, crié encore pour qu’il le retire. Les tentatives d’explication du député ont été rejetées et Patrick Assirvaden a fini par retirer le mot prononcé.

Mais pour aussitôt dire à Alan Ganoo : « Al demane to Premye minis. » C’était au tour de Pravind Jugnauth de protester et d’exiger que le député se rétracte. Le Speaker a aussitôt obtempéré et exigé que Patrick Assirvaden retire également cette expression. Ce dernier a alors expliqué qu’il se référait à une conférence de presse où Pravind Jugnauth aurait fait mention de commission en relation avec le métro léger. Le Speaker n’a rien voulu entendre et il a invité le député à retirer ses propos, ce qu’il a fini par faire, vu le ton véhément employé par Soroojdev Phokeer.

Shakeel Mohamed se mettra de la partie pour lancer en direction du Premier ministre: « To memwar ine gayn beze.» « Al dimane tor pa ! » a répondu Pravind Jugnauth. Le Speaker s’interposera pour demander au député travailliste de « withdraw » ses propos, ce que le député fera en ajoutant : « Let me withdraw his own memory, therefore. »

« You see only one side »

Sooroojdev Phokeer l’invitera de nouveau à retirer ses propos, mais Shakeel Mohamed rappellera que le Premier ministre s’est permis des commentaires sur son père sans que cela ne soit sanctionné. « You see only one side », a protesté le député, rejoint dans son exaspération par son collègue Arvin Boolell. Le Speaker a statué que les mots du Premier ministre ne sont pas « unparliamentary » et a, une nouvelle fois, invité Shakeel Mohamed à retirer ses propos, ce qu’il a fait non sans avoir accusé le Speaker de n’entendre que ce que dit l’opposition et non pas les propos du Premier ministre ou de son ministre Bobby Hureeram.

Ls questions a ensuite repris avec Rajesh Bhagwan qui, un brin perfide, a rappelé à Alan Ganoo qu’en sa qualité de leader de l’opposition, il avait, en 2013, réclamé la démission du ministre Anil Baichoo suivant l’accident survenu à Sorèze et il lui a demandé s’il envisage de prendre un congé, le temps que l’enquête sur l’accident impliquant le tramway soit bouclé. Pas de réponse du ministre à cette question.

Pour démarrer la série des intervenants de ce lundi, le ministre de la Pêche Sudheer Maudhoo, issu du No 9, qui a réinventé certaines expressions chères à son mentor Sir Anerood Jugnauth. Après des éloges prolongés, il a tenu à rappeler que l’ancien président et Premier ministre SAJ était connu pour être un dirigeant pour qui il n’y avait pas de « katia katia », alors qu’il avait l’habitude de dire « pena kata kata ar mwa ». Sinon, ne fut un discours décliné sur un ton plutôt apaisé et sur la feuille de route de son ministère.
Farhad Aumeer, député travailliste du No 2, a aussi adopté un ton très calme pour faire valoir ses arguments. Ce médecin de profession a plaidé pour l’aménagement d’unités gériatriques dans tous les hôpitaux et des comptoirs dédiés aux personnes âgées. Le député a aussi déploré les méthodes de recrutement dans les secteurs public et parapublic qui ne respectent ni la méritocratie ni l’égalité des chances.

Le prochain orateur était très attendu pour son baptême du feu. Le ministre des Finances Renganaden Padayachy, élu du No 13, a, certes, réaffirmé la politique inclusive du gouvernement, mais il a aussi déploré qu’il y ait une psychose créée autour de la dette qui, selon lui, a permis les développements considérables que le pays a connus ces dernières années. Beaucoup de lieux communs pour cette première, et la consultation constante d’une tablette qui n’a pas été du meilleur effet.

Le PPS Prakash Ramchurrun, député du No 14, a fait dans le même registre que les orateurs de la majorité qui ont confondu caisse de savon et siège de parlementaire. Il a vu du « money politics » dans la circonscription lors de la dernière campagne électorale de la part de certains candidats rouge-bleu, a remercié « l’honorable Alan et l’honorable Sandra » et a fait les éloges de la police. Il est, lui-même, un ancien agent de l’ordre. Tout s’explique.

Très posée comme toujours, la députée du MMM du No 1, Arianne Navarre-Marie, a fustigé l’attitude des jeunes de la majorité accusés de faire des « discours autobiographiques », et elle s’est dite déçue d’avoir constaté que, s’il y a des vieux avec des esprits jeunes, il y aussi des jeunes avec un « état d’esprit dépassé ».

Son adversaire du No 1, Dorine Chukowry, a fait un discours pour parler de sa famille, de ses déboires au MMM et de son adhésion au MSM tout en disant rester « smart as usual ». Elle a juste omis de revenir sur tout le mal qu’elle avait aussi dit du Sun Trust et de ses dirigeants. Mais c’est le propre des transfuges que de brûler ce qu’ils ont adoré et d’adorer ce qu’ils ont brûlé.

Le PPS Sharvanand Ramkaun, élu du No 5, a été bref et ne s’est consacré qu’au bilan social du gouvernement, alors que le député du No 12 Richard Duval a parlé de la dette, de Mahébourg et de Rodrigues, pour s’en prendre, une nouvelle fois, à l’OPR sur sa gestion de l’île. Il a préconisé la création de cliniques pour animaux et de l’aménagement de chenils municipaux.

« Thank you, guys »

La PPS  Tanya Jutton a bien entendu parlé d’elle-même et du Premier ministre, tout en adoptant une posture légère avec son discours manuscrit posé pratiquement devant son micro et le bras souvent penché sur le pupitre. Très théâtrale par moments, elle s’est même autorisé quelques libertés avec les règlements en disant « thank you, guys » à ses colistiers Naveena Ramyead et Mahen Seeruttun, avant de conclure son intervention en hindi sans traduire ce qu’elle disait.

Ritesh Ramful, le premier député du No 12, a démonté le bilan économique du gouvernement MSM et a, chiffres à l’appui, démontré que le tableau présenté n’est pas aussi positif que ce que l’on veut faire accroire. L’élu travailliste s’en est aussi pris à la politique de recrutement du gouvernement, comme au tourisme, secteur en difficulté où ce sont des personnes qui n’ont aucune expérience dans ce domaine, comme Nilen Vencadasmy et Teerut Moossun, qui ont été nommées.

La séance de mardi s’est terminée avec les problèmes régionaux soulevés à l’ajournement.

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