ASSEMBLÉE NATIONALE : Entre audace et nervosité

On aurait pu conclure à un non-événement! Il aurait pu l’être parce que les rentrées parlementaires sont toujours entourées d’une bonne dose de surenchères avec les uns qui se revendiquent d’attaque et les autres mettant an avant leur sérénité. La séance de rentrée de mardi aura été une séance comme une autre avec ses questions intéressées, ses réponses à minima, ses piques et ses bons mots. Mais, en terme d’ambiance pour ces travaux de rentrée, on aura quand même noté un changement de ton de part et d’autre avec des députés de la majorité démontrant une certaine audace et des ministres, à l’instar d’Ivan Collendavelloo, pas toujours intéressés à casser du sucre sur le dos gouvernement précédent. A moins que ce ne soit la prestation du jeune Adrien Duval intraitable à la présidence en l’absence de Maya Hanoomanjee qui ait donné le ton.
Quatre hommages pour démarrer la séance à ceux qui ont disparu durant les vacances parlementaires, l’ancien président de la République indienne Abdul Kalam, deux anciens parlementaires, Jean Sylvio l’Homme et Sir Pierre Simonet, et Rivaltz Quenette qui fut Clerk de l’Assemblée nationale. Le leader de l’opposition de même que le Deputy Speaker Adrien Duval se sont joints au Premier ministre pour transmettre les condoléances de la Chambre aux familles des disparus.
C’est déjà lors de la tranche de la PNQ que le président de séance va imprimer sa marque, celle d’un respect aussi scrupuleux que possible des Standing Orders. Réagissant aux signes d’impatience du leader de l’opposition qui se désolait que la réponse liminaire de Roshi Bhadain à la PNQ sur l’affaire BAI s’éternisait, le Deputy Speaker va plus d’une fois inviter le ministre de la Bonne Gouvernance à reprendre son siège ou à répondre directement aux questions plutôt que de se perdre dans des explications. Les justificatifs du ministre indiquant qu’il était nécessaire de les mettre en perspective n’ont visiblement pas impressionné la présidence qui n’a pas manqué de le rappeler à l’ordre.
La tranche des questions au Premier ministre, moins animée, aura néanmoins abouti à une annonce à l’effet que le gouvernement n’attendra pas les conclusions de la commission d’enquête sur la drogue pour amender le Dangerous Drugs Act et inclure les drogues synthétiques. Sir Anerood Jugnauth réagissait ainsi à une question supplémentaire du leader de l’opposition qui a insisté sur l’urgence de la situation. A la question initiale du député Aadil Ameer Meea sur les ravages causés par la prolifération de ce type de drogues, le Premier ministre, après s’être retrouvé dans les pages de sa réponse écrite, a indiqué qu’il y a eu 21 décès et 79 arrestations liés à ce phénomène depuis janvier 2014.
Pour le reste du Prime Minister’s Question Time, ce sera un Mahen Jhugroo ciblant Navin Ramgoolam, ses proches, ses excès et son sens du favoritisme. On apprendra ainsi que les conseillers attachés au bureau de l’ancien Premier ministre, une quinzaine, étaient plutôt bien rémunérés et qu’on retrouve dans le haut de ce tableau les Kailsh Ruhee, et surtout Dev Manraj qui est devenu un atout indispensable pour l’actuel gouvernement.
La liste des bénéficiaires de voitures de l’État n’a rien révélé de bien particulier si ce n’est qu’elle confirme ce que les médias avaient déjà rapporté à l’effet que la famille proche de Navin Ramgoolam, ses amis étrangers comme Segolène Royal et Laurent Obadia ont eu droit à des voitures de la VIPSU lors de leurs différentes visites dans l’île et que même ses conseillers électoraux, Gilles Joseph Finschelstein, Stephane Simon Albert Fouks de EURO RSCG et Craig Thomas Smith ont aussi eu droit à ce privilège réservé à une catégorie très précise de personnes. Le Premier ministre, qui a annoncé une enquête sur cette affaire, a aussi laissé entendre que la copine de Navin Ramgoolam, Nandanee Soornack, a aussi utilisé les véhicules de la VIPSU même si son nom ne figure pas sur la liste officielle des bénéficiaires de ce service.
Mahen Jhugroo qui était sur le point de conclure sa série de questions sur les dérives de l’ancien gouvernement avec une interpellation sur l’acquisition obligatoire de terres à Triolet s’est vu stopper net dans son ardeur par le Deputy Speaker qui lui a rappelé les paramètres dans lesquels il peut rechercher des éclaircissements sur un sujet. 
Quant au ministre Shawkutally Soodhun qui tentait tant bien que mal de satisfaire les attentes politiques de son collègue du Government Chief Whip en évoquant le contenu légal du dossier s’est vu, lui aussi, remonter assez sèchement les bretelles par Adrien Duval qui lui lancera : «It’s not for the vice-Prime Minister to express a legal opinion.» Et pour couronner le tout, le ministre lui-même est venu admettre que ledit dossier a été référé à l’ICAC depuis 2008.
Leela Devi Dookun-Luchoomun tacle Joe Lesjongard
Joe Lesjongard qui avait annoncé une offensive au Parlement a été quelque peu surpris du ton adopté à son égard par la ministre de l’Education après une question sur la Tertiary Education Commission et le scheme of service modifié en septembre 2014 pour le poste de directeur adjoint, la ministre répondant : «It would seem so. I would wish the hon. Member to check with his former alliance, may be this was the case.»
Petit moment d’énervement aussi pour le vice-Premier ministre Ivan Collendavelloo qui ne semblait pas apprécier la démarche systématique de Mahen Jhugroo de revenir sur ce qu’a fait ou n’a pas fait l’ancien gouvernement, notamment sur le problème de pollution à la station du CEB de St-Louis.
«As you know, I don’t like playing the blame game. Whatever has been done or not done, let it be for history to judge. We have to grapple with the present situation. It is true that there was a lack of energy at the Ministry of Energy. But what can we do? Let us look forward!», répondra Ivan Collendavelloo au grand dam de ceux qui avaient préparé leurs listes de questions supplémentaires visant à critiquer l’ancien gouvernement.
Même leçon d’honnêteté du ministre des Services publics sur le dossier de l’eau à l’adresse des députés du son camp qui voulaient jeter le blâme des problèmes de fourniture d’eau sur le régime précédent lorsqu’il dira que le problème ne date pas de ces dix dernières années, mais que dès 2000-2005 le Premier ministre et l’actuel leader de l’opposition qui était ministre des Finances et le ministre des Services publics avaient tout entrepris pour venir à bout de ce problème.
Pas tendre non plus Ivan Collendavelloo envers le député du MSM Bashir Jahangeer, qui, rappelons-le, est lui-même négociant en matériel pour le secteur énergétique qui, insatisfait des réponses du ministre sur les fournisseurs de moteurs, l’accusera carrément de «inducing the House in error». Le ministre tournera toutefois en dérision la question du député.
Et comme si c’était la séance de l’affirmation de la jeunesse, il est à souligner aussi la bonne prestation de Reza Uteem durant le Question Time sur plusieurs dossiers, le traité fiscal avec l’Inde, le dossier de la BAI, l’interpellation de l’avoué Pazany Tandrayen.
Il a même pu arracher des félicitations du ministre Bhadain sur la querelle des honoraires des Special Administators après qu’il a suggéré qu’il y ait un «schedule of fees» préalablement agréé entre la FSC et les administrateurs pour éviter à l’avenir tout conflit à ce sujet.

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