ASSEMBLÉE NATIONALE : L’heure de vérité, c’est pour demain

C’est demain le rendez-vous crucial, celui du vote des trois quarts requis et apparemment acquis sur le Constitution (Declaration of Community) (Temporary Provisions) Bill, lequel interviendra à l’issue du summing-up du Premier ministre qui clôturera les débats sur ce texte qui a été le fruit d’un travail concerté entre le PTr et le MMM suivant les initiatives prises par Resistanz ek Alternativ afin que ses membres et tout autre candidat puissent se présenter à la prochaine élection générale sans être dans l’obligation de décliner leur appartenance ethnique.
Trop pressé d’en découdre, à peine Pradeep Peetumber et Nita Deerpalsing reconduits à leurs postes respectifs de Deputy Speaker et de Deputy Chairperson of Committees, le Premier ministre a entamé, vendredi après-midi, la lecture du texte d’amendement avant même de l’avoir proposé en deuxième lecture. Il se corrigera aussitôt et se lancera dans ses arguments après que le leader de l’opposition eut secondé la présentation du texte.
Fierté et satisfaction, c’est le sentiment d’emblée exprimé par Navin Ramgoolam à la présentation de ce qu’il qualifie de « bill of historical significance » qui ouvre « a new dawn in our political history and the electoral landscape of our country ». Il dira aussitôt que c’est la première étape d’une évolution qui a commencé avec l’accession du pays à l’indépendance.
« It is the beginning of the end of institutional Communalism in the highest law of our land », renchérit-il en expliquant que « what we are starting today, is the process of removing the consecration of Communalism from explicit enshrinement in our Constitution. It is the first step towards achieving the hopes and aspirations of many of us who believe in the oneness of humanity ».
Et de rappeler que la Constitution que l’on a est un vestige du colonialisme et que les temps ayant changé, « la Constitution et le système électoral doivent aujourd’hui refléter ses mutations ». « I have been saying for many years now, that I strongly believe, that after more than four decades since our independence, it is time that we remove even the shadow of Communalism from the highest law of our land.
The Bill we are to debate today is the first step towards the achievement of this noble goal ».
Pour Navin Ramgolam, ce texte constitue un premier pas dans le sens de la consolidation, le renforcement de l’identité nationale et la construction de la nation mauricienne : « The final step will be the full electoral reform which I hope will be enacted by the next Parliament which will dispense altogether with the need for a candidate to declare his or her community to stand as a candidate at a general election. »
1982: « Far sighted decision »
Évoquant cette réforme, il précisera aussi qu’elle absorbera le système de Best Loser en modifiant son mode de désignation tout en maintenant son objectif de représentation de toutes les composantes de la nation arc-en-ciel. C’est un processus historique inéluctable dans le lequel la nation est engagée, a encore commenté le chef du gouvernement.
Réfutant les arguments de ceux qui présentent le texte comme un « mini-amendement », le Premier ministre a dit que « they are utterly misguided » parce que « in its significance, in its place in our Constitutional history, it is momentous ». Et de souligner que c’est pour la toute première fois depuis l’indépendance que l’obligation de déclarer sa communauté pour être éligible à la candidature à un siège de député est abolie, ce qui, pour lui, constitue, un changement majeur.
Pour démontrer la grande portée de cet amendement, Navin Ramgoolam est revenu sur les négociations constitutionnelles qui ont précédé l’accession à l’indépendance, de la division du pays sur cette question et qui a été à la base de l’introduction de la classification communale et de la création du Best Loser System.
« The misgivings against the BLS as it is now, still remains unrefuted by time and progress.It is unquestionably true that our Constitution is one of the very few remaining in the world that divides its people by ethnicity – and worse – it is the only one that does so by means of approximation », a deploré Navin Ramgoolam. D’autant que les quatre communautés spécifiquement mentionnées dans la Constitution ne reflètent plus la réalité d’aujourd’hui.
Il a alors évoqué la décision de 1982. « The Government of which the Honourable Leader of the Opposition was a leading member, decided to do away with the mandatory collection of data about a citizen’s community in the census, which is carried out every 10 years.That was a far sighted decision », a-t-il commenté ajoutant que cela a eu pour conséquence que le BLS a survécu, sinon vécu, parce qu’aujourd’hui encore c’est sur le dernier recensement de 1972, soit il y a 40 ans de cela qui est utilisé pour l’allocation des sièges de Best Loser.
Aussi a-t-il lancé, « either the census must resume the compulsory collection of this data or the Best Loser System must change ». Si on n’a pas attendu les Nations unies pour nous indiquer cela, il fait cependant reconnaître que « Rezistans Ek Alternativ have had the courage to persist through the Courts and the United Nations Human Rights Committee to force the issue to an earlier conclusion. They ought to be congratulated ». 
Le comité des droits de l’homme de l’ONU a agi comme stimulant à une situation de fait marquée par une attente déjà de changement de ce vieux système, a observé le chef du gouvernement qui n’a pas manqué de rappeler qu’avant le « ruling » de l’ONU il y avait eu le rapport de la Commission constitutionnelle, Sachs/Tandon/Ahnee et les invitations faites par la Cour suprême et même du Privy Council pour que l’État agisse. 
Aussi a-t-il lancé une mise en garde à ceux qui veulent retourner en arrière pour bloquer le processus du changement : « They will be judged harshly by history. » Pas à sa première fleur au leader de l’opposition, il renchérira en ces termes : « At a time when the two leaders of the main political parties, have agreed on a way forward towards nation building, history will record that there were those who did exactly the opposite. The people of this country, our youth will never never forgive them. »
Et de souligner que la préparation de ce texte a pris du temps parce qu’il n’est pas simple à « formuler dans les prévisions de ses éventuelles conséquences ». Il a néanmoins rendu hommage à Paul Bérenger et à Rama Sithanen pour être venu avec l’idée du remplacement du mot « shall » par « may » et a ajouté qu’on a fallu ensuite faire des projections sur différents scénarios pour se mettre à l’abri de tout problème. Il en est ainsi des 60/0 dont personne n’avait prévu la possibilité alors même qu’il s’est produit non pas une fois, mais deux en 82 et en 95 pendant que Paul Bérenger, taquin, lançait : »Jamais deux sans trois. » C’est ainsi que le Premier ministre a expliqué que cela a pris du temps pour arriver à un système qui pourrait voir l’élection d’un candidat qui n’a pas décliné sa communauté.
C’est ainsi, explique-t-il, que Rama Sithanen est venu avec la solution qui consiste à retenir une moyenne d’élus des différents groupes depuis les élections de 76, lesquelles se sont déroulées juste après le dernier recensement de 72 pour la désignation des Best Losers aux prochaines élections générales.
Et de conclure en parlant de « giant first sep » tout en disant à l’adresse de son ancien ministre des Finances passé à l’opposition, auteur d’un amendement, réclamant un référendum sur la suppression du système de Best Loser que « their is no time for referendum », l’Onu ayant imposé un délai tandis que l’affaire devant la Cour suprême revient le 10 juillet prochain.
Le souvenir de 1948
Le premier intervenant n’a été autre que le leader de l’opposition qui a félicité le Premier ministre pour sa présentation, mais a d’emblée dit que le premier choix de son parti était une réforme électorale complète pour laquelle le MMM se bat depuis 30 ans et que l’amendement en examen constitue un grand pas dans cette direction même s’il est vrai que c’est le Comité des droits de l’homme des Nations unies qui nous force un peu la main.
Il a parlé de « l’acquis considérable » qu’a été la décision prise par le gouvernement de 1982 de supprimer la déclaration communale lors des exercices de recensement et que l’amendement en examen qui est un grand pas dans la bonne direction vise à ne pas disqualifier ceux qui choisissent de ne pas décliner leur appartenance ethnique, mais qu’il maintient le BLS tout en révisant son processus d’application. 
Après avoir reconnu que c’est l’action de Resistanz ek Alternativ qui a précipité les événements, le leader de l’opposition a évoqué les propositions qu’il a lui-même formulées pour remplacer le système de Best Loser sans que cela ne soit une source d’inquiétude pour qui que ce soit. 
Et il a profité pour faire la leçon aux critiques qui croient qu’il a inventé un rôle inédit pour les leaders politiques qui seraient appelés à désigner certains représentants en soulignant qu’une telle provision existe déjà dans la Constitution et qu’en Inde il peut arriver que ce soit le président qui désigne des élus en cas de sous-représentation parlementaire.
Le leader de l’opposition a aussi fait la genèse de l’histoire du Best Loser et des raisons pour lesquelles il est ancré dans le subconscient de ceux qui ont en mémoire le scrutin de 1948. Le BLS est dépassé, mais il nous a bien servi a observé, Paul Bérenger.
Avant de terminer sur un solennel : « Vive l’île Maurice, vive la République ! », il a renvoyé Xavier Duval et son amendement sur le référendum à une intervention de Sir Gaëtan Duval sur la suppression de la déclaration communale aux recensements au Parlement le 14 décembre 1982 lorsqu’il avait dit que tout recours à un référendum pour valider cette décision serait une perte de temps et d’argent.
Interventions mouvementées
La prochaine intervention, celle du leader du MSM, sera émaillée d’interruption de Paul Bérenger et de rappels à l’ordre du Speaker Razack Peeroo. Après avoir démarré sur un registre politique qui a consisté à envoyer des piques au Premier ministre sur ses atermoiements quant à la présentation d’une réforme électorale, mais aussi au leader de l’opposition pour sa complicité dans les renvois successifs des travaux parlementaires, Pravind Jugnauth a dit que son groupe votera le texte même s’il a de sérieuses réserves sur son contenu.
Il s’est beaucoup appesanti sur le mécanisme de désignation des Best Losers, source potentielle de tension, selon lui, pour alléguer que ses informations sont que l’Electoral Supervisory Commission a déjà décidé que seuls les membres de la communauté population générale et musulmane bénéficieront du Best Loser System, ce qui n’a pas été du goût de Paul Bérenger qui a objecté à ces accusations contre l’ESC. Le Speaker a alors invité le député à retirer ses propos. Xavier Duval qui tentait de venir à la rescousse de Pravind Jugnauth en a aussi pris pour son grade de la part de la présidence de la chambre.
Le leader du MSM continuera, mais en changeant de vocabulaire et dire, cette fois, que le « calculation has already been done », ce qui a provoqué une nouvelle intervention du leader de l’opposition et une suspension de séance durant laquelle le Speaker a été écouté les bandes pour s’assurer que les mots utilisés étaient litigieux. Après plus de 40 minutes de pause, Razack Peeroo a statué que le mot « calculation » devra être retiré, ce qui a été fait.
Toujours est-il que Pravind Jugnauth a insisté sur le flou entourant le mode de désignation des Best Losers tout en invitant le Premier ministre à venir avec des explications précises à ce sujet. Il a aussi tenu à préciser que si les membres de son parti seront libres de décliner leur identité ou pas aux prochaines élections, il a décidé, lui, de ne pas le faire.
La dernière intervention, tout aussi mouvementée que la précédente, sera celle du leader du PMSD, Xavier Duval, qui a axé son intervention sur le Best Loser et le nouveau mécanisme proposé qui, pour lui, pêche par manque de transparence. Il a aussi soutenu que c’est par les frontières des circonscriptions qu’il fallait commencer si l’on veut d’élections plus équilibrées et non « biased ».
Avant de développer son argumentaire sur sa proposition de référendum, XLD aussi soutenu qu’ailleurs il y a bien des classifications en termes de groupes ethniques et que cela a été le cas à Maurice depuis longtemps et qu’ici, il y a même des divisions sur la base de la caste. C’est au peuple d’en décider, a-t-il dit, en défendant son amendement qui propose un référendum sur le Best Loser.
Paul Bérenger a attiré l’attention du Speaker sur la non-recevabilité de l’amendement qui ne concerne que le préambule du texte et non ses clauses et il s’est appuyé sur un ruling fait par Sir Kailash Purryag qui avait statué que les amendements à un « explanatory mémorandum » ne sont pas recevables.
Le Speaker qui avait déjà jugé l’amendement de Xavier Duval recevable et qui avait autorisé sa circulation a dit qu’il sera soumis au vote, mais qu’il ne fera pas partie du texte et que ce n’est qu’un exercice futile. 

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