ASSEMBLÉE NATIONALE (LOI BHADAIN) : Option “on” pour des amendements

Le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, qui a laissé la porte ouverte à d’éventuels amendements aux textes de loi dans la lutte contre l’Unexplained Wealth, notamment au niveau du Good Governance and Intergrity Reporting Bill, piloté par le ministre de tutelle, Roshi Bhadain, a maintenu que l’opération de « netwayaz » se poursuivra. Toutefois, il a rejeté deux propositions du leader de l’oppostion, Paul Bérenger, au sujet d’amendement à être apportés au Constitution (Amendment) Bill concernant la confiscation des biens mal acquis et également celle ayant trait à la possibilité que les éventuels amendements envisagés soient circulés au préalable avant le Committee Stage en vue de permettre à l’opposition de faire son travail. Sir Anerood Jugnauth a été lapidaire dans les deux cas, se contentant de cette phrase laconique : « Normal procedures will follow. »
Le Premier ministre a soutenu que la présentation de ces projets de loi et subséquemment l’adoption d’un nouveau Declaration of Assets Bill s’inscrivent dans la logique de « zero tolerance against fraud, corruption and malpractices ». Il a confirmé l’intention déclarée du gouvernement de venir de l’avant avec une culture d’intégrité « après ce qui s’est passé sur le plan de la fraude et la corruption sur la base des contrats alloués au cours de ces dix dernières années ». Dans la dernière partie de sa réponse liminaire, le Leader of the House a pris pour cible le leader de l’opposition avec des allégations à l’effet que « he is trying to play politics » avec ses prises de positions en lui demandant de « s’éloigner de la voie de la démagogie ».
Lors de la tranche des interpellations supplémentaires, le Premier ministre est revenu avec le fait que tous les partis à Maurice ont bénéficié des contributions politiques. « Dans le cas du MSM, les contributions ont été versées dans un compte en banque à la MCB. Tous les paiements, y compris pour le Sun Trust, ont été effectués par chèques », devait-il faire ressortir. Il a confirmé qu’un comité ministériel a été institué en vue de travailler sur les grandes lignes du nouveau texte de loi sur la déclaration des avoirs, qui devra être présenté à l’Assemblée nationale au début de l’année prochaine.
De son côté, Paul Bérenger n’a pas manqué de souligner que dans ses explications, le Premier ministre n’a pas fait état de la possibilité que les déclarations des avoirs soient publiées dans la Gazette du Gouvernement, comme il avait été mentionné dans les douze priorités de l’Alliance Lepep pour les trois premiers mois.
D’autre part, avec le retour de mission officielle du Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, du sommet du Commonwealth à Malte et du sommet à Paris, consacré aux changements climatiques à Paris (Cop 21), prévu pour le 1er décembre, des changements ont été apportés au calendrier des débats sur l’amendement de la Constitution et sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill. Ainsi, les parlementaires de la majorité ont été informés aujourd’hui qu’ils devront être présents à l’Assemblée nationale le mercredi 2 décembre pour les débats et l’adoption avec une majorité de trois-quarts de l’amendement à la Constitution et le jeudi 3 décembre pour The Good Governance and Integrity Reporting Bill. Ces deux journées seront consacrées aux débats qui avaient été programmés initialement les 4 et 5 décembre. De ce fait, la traditionnelle séance de l’Assemblée du mardi, soi le 1er décembre, avec Question Time, sera annulée et les vacances parlementaires de fin d’année interviendront juste après.
D’autre part, en début de séance, l’Assemblée nationale a observé une minute de silence en mémoire des victimes des attentats terroristes à Paris le vendredi 13 novembre et en solidarité avec la France, qui traverse une dure épreuve après ces événements dramatiques. Auparavant, le Premier ministre est intervenu pour dénoncer de manière catégorique « these cowardly acts » dont la France a été victime et qui représentent un recul pour l’humanité. Il a repris les grandes lignes de son message de sympathie transmis au président de la République française, François Hollande, samedi, tout en rappelant que « Maurice a toujours condamné le terrorisme sous toutes ses formes ».
« There is in fact an urgent need for an international coalition […] Mauritius calls for greater efforts for peaceful solutions in conflict regions in the world », a déclaré sir Anerood qui a lancé un appel à tous les Mauriciens pour qu’ils condamnent ces actes de terrorisme et « to show magnanimity in the suffering ».
Le leader du MMM s’est joint au Premier ministre pour exprimer sa solidarité avec la France dans la conjoncture et a ajouté que « je n’ai aucun doute que la France sortira plus grande encore de cette épreuve ». Les autres leaders de partis politiques représentés à l’Assemblée nationale sont également intervenus, dont Shakeel Mohamed, qui a trouvé que « nous ne devrons pas être des témoins de des événements », Xavier-Luc Duval, qui a parlé du choc et de consternation de la nation mauricienne en cette année du tricentenaire de la présence française à Maurice ou encore Ivan Collendavelloo, qui a annoncé une Candle Light Vigil à Rose-Hill. Après l’intervention d’Alan Ganoo, Madam The Speaker, Maya Hanoomanjee, est intervenue pour déclarer à la Chambre qu’elle transmettra les marques de solidarité de l’Assemblée nationale au président de l’Assemblée française.
Bérenger : Eu égard aux projets de loi, en l’occurrence The Constitution (Amendment) Bill et le Good Governance and Integrity Reporting Bill, le Premier ministre est-il disposé à confirmer si 1) le gouvernement se propose d’amender la Constitution pour introduire le concept de la confiscation sans une définition de ce terme et s’il maintient toujours son intention d’apporter des amendements au Constitution (Amendment) Bill ; 2) si le gouvernement se propose de faire circuler les amendements au Good Governance and Integrity Reporting Bill comme déjà indiqué, et 3) si un nouveau projet de loi sur la déclaration des avoirs (Declaration of Assets Bill) sera introduit à l’Assemblée nationale ?
SAJ : En vue de faire régner l’intégrité et de la bonne gouvernance dans le pays, une série de mesures ont été décrites dans le programme gouvernemental. Nous introduirons bientôt le Good Governance and Integrity Reporting Bill. La bonne gouvernance est une des conditions préalables au bon fonctionnement d’un pays. Dans cette perspective, nous nous sommes engagés envers une société plus juste et plus responsable, basée sur la bonne gouvernance et sur la tolérance zéro contre les fraudes et les mauvaises pratiques. Des contrats sous l’ancien gouvernement ont été passés en revue et une telle démarche se poursuit et se poursuivra dans l’intérêt public. Par ailleurs, le ministère de la Bonne gouvernance enquête sur des sujets d’intérêt public. La plupart des mauvaises pratiques durant la dernière décennie auraient pu être évitées s’il y avait un cadre légal approprié. Pour pouvoir rapporter de telles pratiques, il importe qu’il y ait un environnement propice à cela. En vue de contourner ce problème, il est proposé d’introduire le Good Governance and Integrity Reporting Bill. Les objectifs sont d’encourager la bonne gouvernance ; d’encourager les informations positives ; de divulguer les mauvaises pratiques ; de recouvrer des richesses inexpliquées et de protéger et récompenser les personnes apportant des informations crédibles y relatives.
Le ministère de la Bonne gouvernance a ouvert des débats publics sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill. Ce processus se poursuit. Des propositions ont été faites. Il ne fait pas de doute que nous confisquerons seulement les biens mal acquis.
Pour qu’il n’y ait aucun doute, nous devons amender la Constitution. En l’absence d’amendements, la Chambre continuera à se demander si oui ou non, c’est légal. Cet amendement est très bien accueilli par ceux qui pensent bien.
S’agissant de la partie 1) de la question, le gouvernement maintient l’amendement de la Constitution en vue d’éviter tout doute qui pourrait subsister.
S’agissant de la partie 2) de la question, le gouvernement a été attentif aux propositions des divers partenaires de la société. Ce n’est qu’au terme d’une analyse complète qu’un amendement sera apporté. Les propositions et suggestions des divers partenaires de la société sont à l’étude et si des amendements quelconques devaient y être apportés, nous nous y pencherons.
Concernant la partie 3) de la question, le programme gouvernemental avait fait mention de l’éradication de la corruption et la restauration de valeurs nationales. Un nouveau Declaration of Assets Bill sera adopté. Mon bureau a déjà commencé à y travailler pour entre autres déterminer si la définition des actifs devrait être donnée et qui devrait être le dépositaire de la déclaration.
Le gouvernement a décidé de mettre sur pied un comité spécial comprenant le vice-Premier ministre et ministre des Services publics, le ministre du Transport et des Terres, la ministre de l’Éducation, le ministre de la Bonne gouvernance, le ministre de la Santé et le ministre des Finances. Une fois que le comité ministériel aura analysé les propositions, des instructions seront données pour aller de l’avant.
Je tiens à assurer la Chambre et la population en général que ces projets de loi visent à traquer les richesses massives inexpliquées aux dépens des personnes travaillant à la sueur de leur front. Je condamne fortement le leader de l’opposition. Je lui demande d’être honnête envers lui-même et de comprendre le but de ces projets de loi et de cesser de créer la confusion dans l’esprit de la population. Je réitère que seuls les gens malhonnêtes et les personnes malintentionnées doivent avoir peur de ces projets de loi proposés. (Le premier ministre est ici applaudi par les députés de la majorité sous quelques commentaires des bancs de l’opposition). Mon gouvernement et moi-même n’échouerons point dans notre rôle de créer un pays où règnent la bonne gouvernance et l’intégrité. La corruption règne et rien n’est fait. Je me demande de quoi ils ont peur. (Le Premier ministre est une fois de plus applaudi par les députés de son gouvernement).
« This is rubbish »
Des brouhahas montent au sein de l’hémicycle devant les remarques acides de sir Anerood à l’encontre de Paul Bérenger et la présidente de l’Assemblée nationale doit intervenir pour éviter des débordements de part et d’autre.
Meea : Sun Trust… Sun Trust…
Speaker : Order ! Order ! Order !
SAJ : Nous n’arrivons pas à comprendre ceux qui passent leur temps à dénoncer la corruption dans le pays et affirment que rien n’est fait, aujourd’hui ils ne sont pas d’accord avec ce que nous faisons…
Bérenger : À part la dernière partie de la réponse du Premier ministre truffée d’élucubrations et d’allégations, je note que dans la première partie de son intervention le Premier ministre a laissé la porte ouverte à des amendements aux projets de loi. Si j’ai bien saisi le sens de la réponse du Premier ministre. Puis-je émettre des suggestions au Premier ministre par rapport à l’amendement de la Constitution proposé à cet effet.
À ce stade son intervention, le leader de l’opposition s’étend sur les dispositions de la clause 8 (4) de la Constitution au sujet de la confiscation des biens. Il cite de larges extraits de cette clause pour faire son point.
Bérenger (poursuivant) : Can I put the question ? Est-il d’accord avec moi qu’il n’y a absolument aucune raison de ne pas inclure cette même proposition à la fin du projet de loi pour cet amendement à la Constitution. It is already in all other sections. It should be added.
SAJ : I don’t see any need.
Bérenger : Des premiers amendements ont déjà été évoqués. Mais à ce jour, nous ne sommes pas en présence des copies de ces amendements. Si j’ai bien compris, le Premier ministre a dit que d’autres amendements sont à considérer. Puis-je suggérer que ces amendements soient circulés en écrit au préalable ?
SAJ : We’ll consider this.
Bérenger : Au chapitre du projet de loi sur la nouvelle formule de déclarations des avoirs, le Premier ministre a omis de mentionner un point qui a été formulé dans le programme électoral de l’Alliance Lepep, en l’occurrence parmi les 12 priorités pour les trois premiers mois, à savoir que les déclarations des avoirs seront publiées dans la Gazette du Gouvernement au nom de la transparence et également la question des prête-noms. Je n’ai rien entendu à ce sujet par rapport au projet de loi en gestation. Puis-je savoir si tel sera le cas ?
SAJ : It seems we are already discussing the bill. Attendons.
Shakeel Mohamed : Le gouvernement se fait l’apôtre de la transparence. Mais j’ai deux points à avancer : le gouvernement est-il disposé à aller jusqu’à l’Indépendance, soit 1968, au sujet de l’Unexplained Wealth…
Cette déclaration du chef de file du Parti travailliste suscite une première réaction dans les rangs du gouvernement.
Mohamed : Now I understand who is scared…
Bancs du GM : Pe fer Komiko ! Komiko !
Mohamed : Je ne comprends pas pourquoi il doit y avoir de telles réactions. La question veut faire la démonstration qu’il n’y a pas d’agenda politique. Pourquoi ne pas aller jusqu’à 1968 et ensuite cette instance qui sera créée dans la loi devra être « an independent body with Constitutional protection and independence » ?
SAJ : This is rubbish (applaudissements dans les rangs de la majorité). This is what I call demagogy.
Uteem : Le Premier ministre fait état des biens acquis de manière illicite ou avec des proceeds of crime. Mais il y a le public qui doit être rassuré quant à ses biens acquis de manière tout à fait légale, pourquoi ne pas remplacer le concept d’Unexplained Wealth par Illicit Enrichment ?
SAJ : Le but principal de la démarche du gouvernement est de combattre l’accumulation des richesses par des moyens illégaux. Tout le temps, on en a parlé. There has been talking about trust. Le MSM, comme tous les autres partis politiques, a bénéficié de contributions politiques. Tous les fonds ont été placés dans un compte à la MCB…
Bancs du GM : Pena kof isi…
SAJ : Toutes les transactions, y compris la construction du Sun Trust, ont été payées par chèque.
A ce stade des échanges, le député de la majorité Ravi Rutnah intervient avec une interpellation supplémentaire au sujet de la hausse dans la fraude et de la corruption avec la nécessité d’apporter des amendements à la Constitution, en l’occurrence la clause 8. Cette interpellation supplémentaire suscite des remous dans les rangs de l’opposition avec le député Veda Baloomoody lançant « sa ki apel demagozi ». La présidente de l’Assemblée nationale doit intervenir pour un premier rappel à l’ordre au député Rutnah, lui demandant de poser directement sa question.
Bérenger : Je n’ai pas entendu le gouvernement au sujet des amendements à la Constitution mais au sujet du Good Governance and Integrity Reporting Bill, des premiers amendements ont été agréés avec d’autres envisagés. En vue permettre au pays et à l’opposition de faire le travail qu’il faut, puis-je demander que ces amendements soient circulés par écrit bien avant au lieu d’attendre le Committee Stage ? Le Premier ministre partage-t-il cette suggestion ?
SAJ : We will follow the procedures…
Cette réponse est comme une douche froide alors que Maya Hanoomanjee demande à trois reprises « Honourable Leader of the Opposition, is this your last question ? »
Bérenger : I understand we are following the procedures…

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