ASSEMBLÉE NATIONALE : Une lueur de courte durée

La motion d’Alan Ganoo remettant sur le tapis le nécessaire toilettage de la Constitution, qui a été imposée et qui n’a pas beaucoup changé 50 ans après l’indépendance, s’est déroulé dans une certaine indifférence, alors que le sujet, maintes fois évoqué sous forme de questions, était cette fois soumis à un large débat des législateurs. Le député a certes été applaudi par l’opposition et quelques députés de la majorité au terme de son intervention, mais il semblait bien que le gouvernement ne voulait pas accorder trop d’importance ou d’attention à cette motion qui, pourtant, va sans le sens d’une urgente actualisation du texte suprême de la République.
Ce qui apparaissait comme une lueur dans le désert d’idées de ce Parlement stérile sur bien des plans aura été de courte durée. En sus de la présentation de ses arguments par l’auteur de la motion qui, s’il est parfaitement vrai qu’il n’invente pas la poudre, a eu le mérite de remettre sur le tapis du Parlement, lieu de la proposition et du vote des textes, des questions essentielles pour la démocratie restées trop longtemps négligées voire ignorées.
Il faut dire qu’Alan Ganoo a raté son entame sur deux aspects. Lui, l’ancien Speaker, a attendu d’être rappelé à l’ordre pour qu’il se conforme aux procédures et qu’il lise d’abord le libellé de la sa motion avant d’en développer les grandes lignes et avait omis lors de sa présentation de la faire seconder, ce qui a été éventuellement été fait par son collègue de parti Jean-Claude Barbier.
Le premier député de Savanne/Rivière Noire a évoqué la nécessité de limiter à deux mandats, consécutifs ou non, pour un Premier ministre, l’avantage de ce nouveau système étant de ne pas lier les mains du titulaire et le laisser prendre les décisions qui s’imposent dans l’intérêt public, sans qu’il n’ait à se soucier de son avenir politique, de pousser au renouvellement des leaderships des partis politiques et à leur rajeunissement, a-t-il soutenu.
Alan Ganoo est ensuite passé aux autres volets de sa motion portant sur une loi antitransfuge, phénomène qui est une menace pour la démocratie, mais aussi sur le caractère inadéquat et dépassé du Best Loser System et sur la représentation des femmes à l’Assemblée nationale. Il a rappelé que chaque 8 mars, on entend de grands discours des leaders politiques sur l’urgence d’une meilleure participation des femmes à la représentation nationale, mais rien de concret, si ce n’est de commettre l’erreur d’associer cette question à la réforme électorale et de retarder le changement.
L’hommage à la grande Vidula Nababsing
Ii a suggéré qu’il soit fait obligation aux partis et aux alliances d’aligner une femme par circonscription ou, à défaut, d’avoir un tiers des candidats de la gent féminine. Alan Ganoo en a profité pour saluer la grande politicienne que fut Vidula Nababsing, même si elle n’aura été députée que durant un mandat, et a suggéré que, comme elle, les chargés de cours et autres professeurs exerçant à l’université aient la possibilité de se présenter à des élections. Ce qui serait pour lui un gage de qualité de la participation féminine à la politique.
Autre volet évoqué, le rôle de l’Electoral Boundaries Commission et le sort réservé aux rapports de cette institution. Il n’a pas manqué de rappeler que le dernier rapport qui, selon la Constitution, doit être déposé au Parlement tous les dix ans, l’a été pour la dernière fois en 2009 et qu’il est resté sans suite. Le résultat est que, contrairement à ce qui est prévu, à savoir que les circonscriptions aient à peu près la même population d’électeurs, les disparités se creusent avec, aujourd’hui, la plus petite circonscription, le N°3, avec 21 000 électeurs, et celle qui est devenue la plus dense, qui n’est plus le N°14 mais le N°5, avec 62 000 inscrits. Il a proposé que les rapports soient dûment considérés par le Parlement.
La sanction des députés était aussi au coeur de la motion d’Alan Ganoo, qui a dit que par voie de pétition majoritaire, des votants pourraient avoir un droit de regard sur le travail et le comportement de leurs élus. Il a situé cette démarche dans la perspective de la deuxième génération des droits des citoyens qui doivent évoluer avec le temps. C’est dans le même registre qu’il a inscrit sa demande pour que le mode de nomination des institutions comme la PSC, la DFSC et autres organismes complètement décrédibilisés soit revu pour que ce soit d’anciens juges qui soient désignés, ce qui serait une garantie d’indépendance dans leur prise de décision.
Le député a conclu son discours de présentation en expliquant que le sens de sa démarche est de provoquer un débat public sur des questions qui sont devenues urgentes dans la société d’aujourd’hui, tout en disant espérer que ses propositions ne tombent pas dans l’oreille de sourds. Pour lui donner la réplique, nul autre que celui qui fait, avec Étienne Sinatambou, de « lumière légale » au sein de la majorité.
Pourquoi pas les députés aussi ?
Il a commencé sur un ton mesuré, a fait un bout de chemin avec Alan Ganoo avant de faire ce qu’il sait faire de mieux, personnaliser le débat, en soulignant que l’auteur de la motion, qui siège depuis 1982 comme député, aurait pu avoir étendu sa demande de limitation de mandat des Premiers ministres aux députés aussi.
Le député du ML a également fait référence à la plateforme électorale sur laquelle était Alan Ganoo aux dernières élections et qui avait préconisé une IIe République, qui a été rejetée par la population. Son intervention devant être prolongée, le député a été prié de proposer l’ajournement des débats.
Ils vont peut-être reprendre à la rentrée eu novembre, comme ils peuvent aussi traîner sur des mois et ne jamais être soumis à un vote jusqu’aux prochaines élections. Il y a des précédents en ce sens. Ce qui pose aussi la nécessite de revoir également les Standing Orders, dont la dernière révision en profondeur remonte à 1995.
La présentation de cette motion avait été précédée de la Private Notice Question du leader de l’opposition qui, ce vendredi, portait sur le développement économique de Rodrigues. Xavier Duval a brossé un tableau sombre de la situation dans l’île, qu’il a résumée en trois mots : stagnation, pauvreté, détresse.
Alors qu’en l’absence du ministre mentor, sir Anerood Jugnauth, qui a la responsabilité du dossier de Rodrigues, c’est Pravind Jugnauth qui a répondu au leader du PMSD et qui a mis en exergue tout ce que le gouvernement fait pour l’avancement de Rodrigues, précisant au passage que la construction d’un nouvel aéroport à Plaine Corail s’avère trop coûteuse (Rs 8 à 11 milliards) et que des sites alternatifs sont recherchés.
Cette question sur Rodrigues n’a pas du tout été au goût des élus de l’OPR, qui ont tenu un point de presse ce même vendredi pour dénoncer la démarche du leader du PMSD, qui a été accusé de ne rien comprendre à l’autonomie.
La séance de mardi a également commencé avec une PNQ sur les gratte-ciel et les ressources et équipements dont dispose le service des pompes. Xavier Duval a pris pour exemple l’incendie qui a provoqué de nombreux morts à la Grenfell Tower d’une banlieue de Londres. Le leader de l’opposition en a profité pour alléguer que plusieurs bâtiments en hauteur dont le Jhugroo Building, qui appartient à la famille du ministre des Administrations régionales, Mahen Jhugroo et responsable du dossier, ne détiennent pas de fire certificates en bonne et due forme et que cela expose au danger ceux qui vivent ou travaillent dans ces immeubles. À l’issue de l’échange et après s’être renseigné, le ministre a affirmé que le Jhugroo Building dispose bel et bien d’un certificat attestant de son dispositif anti-incendie.
Cette tranche a été très tendue, le leader de l’opposition accusant le ministre d’être incapable de répondre et de rester assis sur son séant. Cette remarque a été accueillie par des protestations des bancs de la majorité, alors que Xavier Duval a assuré n’avoir pas prononcé le mot « tonkin ». Mahen Jhugroo en a profité pour demander à celui qui a été ministre durant ces derniers onze ans ce qu’il a fait pour améliorer le service de lutte contre les incendies.
Black-out sur l’indispensable Manraj
Le Question Time a, comme d’habitude, été bien animé. La question d’Aadil Ameer Meea sur Dev Manraj a été bien infructueuse, le Premier ministre et ministre des Finances annonçant que les informations demandées sur ses salaires, ses voyages et les conseils d’administration au sein desquels il siège sont en train d’être compilées. Pas de clarification non plus aux questions supplémentaires de l’auteur et de son collègue, Reza Uteem, quant à l’incongruité d’une situation où le secrétaire financier préside également la Financial Services Commission.
Rajesh Bhagwan a été, lui aussi, au coeur des sujets qui fâchent, le fait que Prakash Maunthrooa soit encore en poste et qu’il voyage en plus avec un passeport diplomatique en compagnie du Premier ministre et le nombre de personnes qui détiennent un passeport diplomatique et les conseillers qui auraient maille à partir avec la loi et la justice.
Pravind Jugnauth a ainsi évoqué les cas de Prakash Maunthrooa, poursuivi pour corruption, Gérard Sanspeur, objet d’une plainte de Roshi Bhadain pour complot, et Dinesh Seeharry, accusé de damaging property. Ce dernier est l’attaché de presse de la ministre de l’Éducation et, occasionnellement, porte-parole de Leela Devi-Dookun.
Aadil Ameer Meea s’est retrouvé dans une situation d’embarras lorsque et le ministre de la Santé, Anwar Husnoo, et celui de la Sécurité sociale, Étienne Sinatambou, ont démenti que l’épouse du député Ravi Rutnah a bénéficié de facilités indues pour des soins à l’étranger alors qu’elle n’y était pas éligible, selon le député mauve. Tous les frais ont été encourus par sa famille, ont martelé les ministres. Et lors d’un point de presse animé dans l’après-midi de mardi, le leader du Muvman Liberater a déploré l’attitude du député et il s’est dit étonné que le MMM puisse cautionner une posture aussi « honteuse », tandis que Leela Devi Dookun, qui n’a soufflé mot sur son attaché de presse, a carrément réclamé la démission du député Ameer Meea.
La séquence transfuges
Plus tendus encore les échanges au moment de la réponse de Showkutally Soodhun à la question de Joe Lesjongard sur le bail dont bénéficie la famille Duval à Grand-Gaube. Non seulement le député transfuge a suggéré que le coût du bail est anormalement faible, mais il a allégué qu’il n’est, en plus, pas payé depuis des lustres. Cette question a provoqué un véritable tollé sur les bancs bleus, qui ont rappelé que ce bail fait l’objet d’un procès en cour. Joe Lesjongard a même été traité de « voler » par Xavier Duval, qui a dû ensuite retirer ses propos.
Pour poursuivre dans la série des questions des députés, celles de Zouberr Joomaye, qui a demandé que soient révélés les salaires de l’ancien conseiller de Roshi Bhadain, Akilesh Deerpalsing, et le coût des voyages de l’ancien ministre de la Bonne Gouvernance, lui-même.
Réponse de Sudhir Sesungkur, le total des salaires du conseiller s’est élevé à Rs 7,2 millions pour 18 mois d’affectation et de près de Rs 9 millions pour les nombreuses missions de Roshi Bhadain à l’étranger durant son passage de deux ans au gouvernement Lepep. Des députés de l’opposition ont rappelé que tout cela n’a pu se faire qu’avec l’assentiment du Premier ministre et de son ministre des Finances
La suite des travaux a été marquée par la présentation par le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, du Finance Bill en deuxième lecture avec report des débats au mercredi 19 juillet.

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