Assemblée nationale : Opération « donn to lame pran mo lame  »

  • Pas de poignée de mains ni de bisou certes, mais le Premier ministre et le leader de l’opposition « main dans la main » contre le coronavirus

Ton consensuel entre le Premier ministre et le leader de l’opposition sur le Covid-19, même s’il y a eu quelques points de désaccord sur le sujet. C’est ce qui est à retenir de la tranche de Private Notice Question du vendredi 6 mars, où le sujet portait sur le coronavirus. C’est un peu une opération « donn to lame pran mo lame, lame and lame  » qu’ont dit souhaiter Pravind Jugnauth et Arvin Boolell pour faire face à la pandémie. Si les pratiques de précaution d’usage ont été évoquées, comme l’évitement de la poignée de main et de bisous, ils ont néanmoins décidé de « join hands », « lame dan lame », contre ce qui constitue une grave crise sanitaire et une grosse menace sur l’économie. 

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Le Premier ministre a d’emblée profité pour réclamer la prudence et dénoncer Arvin Boolell pour avoir évoqué lors de sa dernière PNQ sur le sujet le 3 février dernier l’existence d’un cas avéré de coronavirus à l’île Maurice. Cette parenthèse faite, Pravind Jugnauth a réitéré son appel pour que tout le monde se mette de la partie pour faire face à la pandémie. Il a rassuré la population quant à la vigilance de tous les instants qu’exercent les autorités en vue d’empêcher toute infection sur notre sol. Le chef du gouvernement n’a pas caché que ce virus et sa propagation mondiale représentent une vraie menace pour le pays et son économie.

À des questions supplémentaires du leader de l’opposition, il a indiqué qu’en matière d’équipements nécessaires pour combattre la maladie, le pays est bien pourvu et que des masques de protection supplémentaires ont été commandés pour constituer un stock de 30 000 unités. Tout cela pour un budget supplémentaire de Rs 108 millions. Sur le plan économique, c’est un comité présidé par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et qui est aussi composé de représentants du secteur privé, qui se penche sur les répercussions de la pandémie et des mesures à prendre pour limiter les dégâts, a indiqué le chef du gouvernement.

« Dream team sans anticroche »

Il faudra se serrer la ceinture, a néanmoins déclaré le Premier ministre en rappelant que des décisions de restriction des dépenses publiques ont déjà été prises, comme pour le budget des célébrations de l’indépendance et de la République, et les 10% de coupe budgétaire demandés à tous les ministères. Répondant à Arvin Boolell sur les nouvelles facilités qui devraient être accordées aux entrepreneurs pour faire face à la situation, Pravind Jugnauth a déclaré qu’il faut attendre de voir comment évolue la situation générale avant de s’avancer et parler de mesures à prendre.

Yogida Sawmynaden, premier intervenant sur le discours-programme de cet après-midi, a commencé par faire dans l’autopromotion, en disant que la circonscription N°8, qui a pour élus Pravind Jugnauth, Leela Devi Dookun-Luchoomun et lui-même, dispose d’une « dream team ». Pour le ministre du Commerce et de l’Industrie, ce n’est pas seulement toute la jeunesse qui est derrière le MSM, mais c’est, en fait, toute la population qui soutient son parti.

Et comme tous ses collègues, il s’est lui aussi embarqué dans des critiques en règle contre Navin Ramgoolam et « ses dollars qui étaient destinés au financement d’un nouveau quartier général du PTr et les pilules bleues retrouvées aussi dans son coffre-fort qui auraient servi à tenir les colonnes du bâtiment droites ». Le ministre a parlé des ministères précédents qu’il a occupés, le Sport pour évoquer des Jeux des îles de l’océan indien qui se sont tenus sans « anticroche », et des Technologies de l’Information pour évoquer de grandes avancées, avant de terminer sur ses attributions actuelles et les mesures prises en faveur des consommateurs. Pas un mot sur la qualité de l’essence, comme devait le relever ensuite Patrick Assirvaden.

Le ministre de la Santé, Kailash Jagutpal, qui lui a succédé à la tribune, a, dans le ton correct qui est toujours le sien, parlé de l’éducation et des facilités qui sont offertes en vue de donner des opportunités d’avancement pour la jeunesse mauricienne. Pas de superlatifs pour vanter le Premier ministre ni de redites lassantes sur l’opposition. Une intervention qu’on pourrait qualifier de clinique. Utilisant sa tablette de manière bien plus relaxe que son collègue et colistier Renganaden Padayachy, le ministre a consacré un volet important de son intervention à son champ de compétence, la santé, avec un survol des projets en cours dans ce secteur.

« Cataclysme  politique »

Le prochain intervenant, Patrick Assirvaden, du PTr, un orateur aguerri, a estimé que le discours-programme n’a ni vision ni de plan précis pour le futur. Il n’est qu’une répétition de ce qui avait été annoncé dans le celui de 2015. Donc, du « copié-collé et du réchauffé », a-t-il observé. Sur le plan politique, il a évoqué les pétitions électorales qui font que le « gouvernement est en sursis et qu’il a 60% du pays contre lui ». Il est revenu sur les couacs qui ont émaillé l’organisation du dernier vote et du dépouillement. Il s’en est pris au PPS Rawoo et à ses critiques mesquines contre le PTr et Navin Ramgoolam qui serait « à terre ». Il l’a invité à méditer sur ce proverbe africain qui dit « qu’un éléphant, même à terre, est toujours plus haut qu’un chien debout ».

Patrick Assirvaden s’est ensuite appesanti sur un dossier qui lui est familier, l’énergie et l’environnement, pour dénoncer les reculs enregistrés, mais aussi les zones d’ombre entourant certains projets pilotés par le Premier ministre adjoint, Ivan Collendavelloo, et la segmentation du CEB en plusieurs entités privées. Le député du N°15 a parlé du métro et du parcours de santé aménagé sous le réseau à haute tension du CEB à Rose-Hill, ce qui n’est pas dans les normes en raison des ondes émises.

C’est le ministre du Logement, Steve Obeegadoo, qui a ensuite pris la parole pour parler des dernières élections comme d’un cataclysme politique pour le PTr qui, pour la première fois de son histoire depuis l’indépendance, passera 10 ans dans l’opposition, et le MMM, qui était alors absent, qui a enregistré la pire performance de son existence et qui est devenu un parti régional et urbain, une formule sans originalité et qui a été reprise de Jean-Claude de l’Estrac. Celui qui est connu pour être un bon orateur a imputé « la victoire éclatante de Lalians Morisien » au bilan du Premier ministre, qu’il a qualifié de « force tranquille » et à « ses qualités de rassembleur ». Se posant en « donneur de leçons d’histoire politique », il a parlé de la situation au sein des partis de l’opposition, où des leaders défaits de partis battus restent en poste.

Il s’est beaucoup appesanti sur les mesures prises par Pravind Jugnauth pour réduire la pauvreté et qui a suscité l’adhésion des militants, et a dit que le programme de l’actuel gouvernement est axé sur une « social-écologie agissante ». Comme tous les ministres, il a aussi fait un survol de la politique de son ministère des Terres et du Logement. C’est le ministre de l’Agriculture, Maneesh Gobin, qui a proposé l’ajournement des débats et c’est lui qui interviendra à la reprise des travaux le 16 mars.

Pléthore de problèmes évoquées à l’ajournement, avec les députés de la majorité commençant à s’y mettre, même si c’est avec un certain tâtonnement. Osman Mahomed a déploré l’état de la promenade de la Montagne des Signaux, Subashnee Lutchmun-Roy les deux accidents mortels survenus à Vallée des Prêtres, Patrice Armance les problèmes de Feeder Buses à Pointe-aux-Sables, Devi Dhunnoo les eaux usées de la rue Abbé de la Caille à Curepipe et Mahen Gungaparsad les constructions à Melville, Grand-Gaube.

Autres députés qui ont parlé des problèmes de leur circonscription, Salim Abbas Mamode, un problème de trottoir dans sa circonscription, Naveena Ramyead la desserte par bus à St-Hubert, Stéphanie Anquetil les drains de la rue Lapeyrouse, Sandra Mayotte l’approvisionnement en eau de certaines régions du Sud, Fabrice David l’état du jardin de Cité Débarcadère, Kavi Doolub le pont Cavendish, Kushal Lobine les drains de Camp Fouquereaux, Buisson Léopold les frais d’examens pour les redoublants en School Certificate, Eshan Joomun le centre Idriss Goomany et Ashley Ittoo le pont de Sadally.

C’est avec une mise au point que la séance de lundi, qui s’est déroulée sans la présence de l’opposition, a démarré, soit celle du ministre du Transport citant des documents pour réfuter l’argument du leader de l’opposition selon lequel les plans originaux du métro léger faisaient provision pour un passage sur pilotis à la jonction de Barkly. Rien de tel, a dit le ministre, qui a insisté que tous les plans prévoyaient un passage au sol.

Le kreol au Parlement

Place ensuite aux interventions des membres de la majorité. Une séance comme ils l’aiment, sans l’opposition. Avec Naveena Ramyead, la Chief Whip du gouvernement, comme première intervenante. Aucune originalité si ce n’est les mêmes critiques contre l’opposition et les hommages appuyés au Premier ministre. Plus théâtral dans sa prestation, le PPS Gilbert Bablee, qui n’a quand même pas échappé au chant à la gloire de Pravind Jugnauth et de son père. Il a dit que celui qui avait été qualifié de « linpos » a été plébiscité et légitimé lors du dernier scrutin. Il s’est ensuite embarqué dans un vibrant plaidoyer pour l’utilisation du kreol à l’Assemblée. Vu la qualité de la prestation d’un nombre élevé de députés qui ne maîtrisent ni l’anglais ni le français, ce sujet est en effet devenu urgent.

Le prochain orateur devait confirmer cela puisque l’on eu du mal par moments à bien comprendre ce que le PPS Rajanah Dhaliah disait. Heureusement qu’il a été plutôt bref et qu’il a parlé, en sa qualité d’ancien directeur de la State Trading Corporation, des problèmes du N°7 et de l’approvisionnement en produits sensibles revus à la baisse, comme le gaz ménager.

Même litanie sur les mesures sociales de l’ancienne vice-Première ministre déchue et devenue ensuite simple ministre de la Sécurité sociale Fazila Jeewa-Daureeawoo. En tant qu’ancienne titulaire du portefeuille des Administrations régionales, elle s’est félicitée d’avoir fait voter un texte qui prévoit la démolition de structures illégales. « Le moment n’est pas à la grande rhétorique, mais à l’action audacieuse ». Les envolées n’ont pas manqué lors de l’intervention de Kavi Ramano qui a, lui aussi, profité pour régler ses comptes avec son ancien parti. Se posant en exemple du militantisme, le ministre de l’Environnement a parlé de savoir retrouvé avec Pravind Jugnauth et ses mesures sociales.

Après le discours sans grand intérêt du député Ashley Ittoo du N°16, place à la séquence rodriguaise avec l’intervention de Francisco François, député de l’OPR qui a dénoncé « le colonialisme politique et le néo-colonialisme, une grande faute politique par un parti politique mauricien, soi-disant social et démocrate. » Il ne s’est pas arrêté là. Il a tenu à rappeler les campagnes menées par le PMSD dans son île dans le passé avant d’en venir à la plus récente. « Ils ont voulu acheter la conscience de certains contre la modique somme de R 300 pour leurs votes. C’est de l’immoralité politique et de l’irresponsabilité ! Même Nicolas Von-Mally, leader du MR, l’a dit dans Parti Malangue Sorti Dehors- Go-Home. »

Lorsque Sooroojdev Phokeer s’essaye à l’humour

Le Speaker a essayé de changer de registre à la séance de vendredi dans une tentative de faire oublier ses vociférations devenues célèbres de la semaine précédente. C’est ainsi que Sooroojdev Phokeer a lancé à Rajesh Bhagwan qu’il n’est pas le « loud speaker of the House », alors que le député du MMM faisait des remarques à Stephan Toussaint pendant que le ministre Yogida Sawmynaden s’embarquait dans des critiques contre l’opposition. Sa répartie a beaucoup amusé ses amis de la majorité, tandis qu’au sein du MMM certains murmuraient « so monopole sa ! » Pour rappel, Paul Bérenger avait qualifié le Speaker de « loud speaker de parti » après le double renvoi de l’Assemblée nationale du leader de l’opposition et de Shakeel Mohamed.

Le Speaker se fera de nouveau remarquer pendant que Patrick Assirvaden était au micro. Lorsque le député du PTr a, dans une formule langagière courante, invité Sooroojdev Phokeer à l’accompagner pour un voyage dans le temps, ce dernier a, sur un ton plutôt enjoué, répondu « avec plaisir ». Et à Patrick Assirvaden de répondre espérer qu’il n’aurait rien à craindre. Le ton changera du tout au tout lorsque le député, dénonçant le paiement des impôts d’un cadre étranger par une compagnie du CEB, Patrick Assirvaden dira que tout le monde paie ses impôts et que même le Speaker doit s’y soumettre, « même s’il a déclaré ne rien posséder ». Sooroojdev Phokeer n’a pas apprécié et a invité le député d’éviter de le mêler au débat.

Le député a, à juste raison, répliqué que c’était du domaine public et que la presse a fait mention de la déclaration de patrimoine de tous les élus y compris le Speaker. Ce qui est un fait, mais le principal visé l’a invité à ne pas se fier à ce que rapportent les médias. Cette publication est d’autant plus publique qu’elle est consultable sur le site de l’ICAC. Autre échange éloquent entre le député et la présidence, la citation des noms de personnes étrangères à la chambre. Lorsqu’il fut stoppé lorsqu’il faisait référence à un cadre d’une compagnie privée du CEB proche d’un ancien ministre déchu, Patrick Assirvaden lui a lancé « and what about M. Saumtally ? », le nom de l’huissier chargé de servir une convocation à Ivan Collendavelloo, abondamment cité la semaine précédente. Sooroojdev Phokeer s’est fendu d’une explication selon laquelle cela dépend des « catégories de personnes ».

La preuve que le voyage commun dans le temps de Sooroojdev Phokeer et Patrick Assirvaden avait déjà pris fin, c’est lorsque le premier nommé a décrété un document du second irrecevable parce que c’est un « loose document » qui ne comporte pas de date. Le recours à la dérision a visiblement ses limites.

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