ASSEMBLÉE NATIONALE: PNQ, le flou persiste sur l’affaire de bois de rose

La Private Notice Question (PNQ) du jour du leader de l’opposition Paul Bérenger, portant sur la contrebande de bois de rose, une essence très protégée à Madagascar, dont six conteneurs ont été saisis à Port-Louis en juin 2011, n’a pas permis de lever le voile sur les dessous de cette affaire. Le flou persiste au sujet de l’enregistrement d’une conversation téléphonique impliquant un politicien mauricien dans cette sinistre affaire même si dans sa réponse du jour, le Premier ministre Navin Ramgoolam semble moins catégorique à ce sujet en réponse aux interpellations supplémentaires du leader de l’opposition. Toutefois, il devait souligner plus tard qu’il ne nie pas l’existence de cet enregistrement. Il a mis en garde contre des tentatives de cover up dans la Grande Île à ce sujet.
Le leader de l’opposition a jeté un nouveau pavé dans la mare du scandale du bois de rose en affirmant qu’un important homme d’affaires malgaches, qui était sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire malgache en date du 7 juillet de l’année dernière, s’était embarqué à bord du vol d’Air Mauritius quittant Antananarivo le 13 juillet à 15 h pour débarquer à Maurice. Il voulait savoir si les contacts mauriciens de cet homme d’affaires ont déjà été interrogés par l’ADSU ou encore par l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) dans le cadre des enquêtes initiées à Maurice.
Paul Bérenger n’a pas manqué de faire ressortir que cela fera bientôt un an que des enquêtes sont en cours et qu’aucune arrestation n’a été effectuée. Il a exprimé le souhait que cette enquête sur la contrebande de bois de rose ne subisse pas le même sort que le scandale MedPoint, avec l’enquête se déroulant de manière interminable.
À cette interpellation supplémentaire, le chef du gouvernement a répondu « we want the enquiry to go at the bottom of this affair as soon as possible ». Il a fait état de « new and sensitive informations » versées dans le dossier à charge.
Par ailleurs, en début de séance, le Speaker Kailash Purryag a annoncé la composition d’une série de comités parlementaires, dont le Public Accounts Committee (PAC) avec Alan Ganoo reconduit à la présidence ou encore le comité de l’ICAC qui sera présidé par le Dr Rihun Hawoldar, alors que les membres de l’opposition continuent à boycotter cette instance puisque le Speaker n’a annoncé aucun nom de membre de l’opposition sur cette instance.
Bérenger : Par rapport au cas de contrebande d’une cargaison de bois de rose de Madagascar en juin 2011, le Premier ministre peut-il obtenir du commissaire de police les informations suivantes : si l’enquête policière a été complétée et si oui, les conclusions en indiquant l’entité ou la personne qui a été informée par le Bureau Indépendant Anticorruption (BIANCO) de Madagascar qu’il est en possession d’un enregistrement d’une conversation téléphonique impliquant un politicien mauricien, s’il peut déposer sur la table de l’Assemblée nationale une copie de la lettre du 2 août 2011 du ministère de la Justice de Madagascar sollicitant une assistance dans le cadre de cette enquête et s’il peut obtenir confirmation à l’effet que l’ICAC a été approchée par BIANCO de Madagascar pour une assistance en vue de faire progresser l’enquête ?
Ramgoolam : L’enquête policière dans l’affaire de la contrebande de bois de rose confiée à la police est toujours en cours. De ce fait, il faudra attendre pour prendre connaissance des conclusions. Je dois faire ressortir, comme l’a affirmé Xavier Duval la semaine dernière, qu’en juin de l’année dernière, le vice-Premier ministre et ministre de l’Intégration sociale a reçu un appel du Premier ministre de Madagascar l’informant de l’arrivée à Maurice d’un conteneur de bois de rose, dont l’exportation est interdite à Madagascar. Le numéro d’identification du conteneur fut même communiqué.
Cette information fut relayée à la Mauritius Revenue Authority le même jour à toutes fins utiles. Par la suite, le vice-Premier ministre fut informé par la douane que six conteneurs de bois de rose ont été placés sous séquestre dans le port. L’ADSU était déjà en présence de cette information. Par la suite, le Premier ministre malgache a sollicité le vice-Premier ministre et ministre de l’Intégration sociale pour réclamer l’assistance de Maurice dans cette enquête.
On 23 August 2011, our Mission in Antananarivo transmitted a copy of a press article which appeared in a Malagasy newspaper “La Gazette” referring to : I quote:  “Un enregistrement d’une conversation téléphonique entre un politicien mauricien, commanditaire de six conteneurs de bois de rose saisis par les douaniers à Port Louis, et son contact malgache pourrait faire prendre une nouvelle tournure à l’enquête menée par le Bureau indépendant anticorruption (BIANCO) de Madagascar. Cette enquête pourrait connaitre un nouveau développement dans les jours à venir après que le Bureau indépendant anticorruption avait informé les autorités mauriciennes que ses enquêteurs sont en possession de cet enregistrement compromettant. Dans cette conversation qui a été transcrite par les autorités malgaches, le politicien mauricien donne des instructions à l’individu en question pour aller superviser l’abattage des arbres de bois de rose jusqu’à leur embarquement à bord du cargo.”
Le 14 septembre dernier, le directeur général de la gendarmerie de cette région de Madagascar devait communiquer à la mission mauricienne dans la Grande Île des informations à ce sujet, dont l’identité des personnes impliquées aussi bien que des relevés de coordonnées téléphoniques. Les détails de ces informations ne peuvent être rendus publics.
Le 2 août 2011, nouvelle communication des autorités malgaches à l’Attorney General’s Office pour soutenir une demande d’assistance dans cette enquête. It’s a privileged document.
Le 28 juin 2011, l’ICAC a démarré une enquête à la demande du chargé d’Affaires malgache à Maurice, Richard Via. Dans une lettre, il avait fait état de délits présumés de fraude et de blanchiment de fonds. Le 6 juin, l’ICAC s’était mis en contact avec la douane pour des compléments d’informations. Le 11 juillet, il fut confirmé que les documents présentés à la douane sont des faux car la destination finale de la cargaison était la Chine et Hong Kong et nullement le pays inscrit sur le document. Les produits déclarés n’étaient pas du bois de rose mais autre chose.
Sur la base de new and sensitive information, l’ADSU poursuit l’enquête. Le 3 janvier dernier, les autorités malgaches, félicitant Maurice pour sa coopération, font une demande pour la vente aux enchères de la cargaison de bois de rose. Des consultations sont engagées entre la MRA et l’Attorney General’s Office à ce sujet. La cargaison de bois de rose est encore sous le contrôle de la MRA. L’enquête de la police se poursuit toujours.
Bérenger : Cela fera bientôt une année que cette enquête a démarré. Peut-on savoir l’identité de l’officier de la police en charge de cette enquête ?
Ramgoolam : L’enquête est placée sous la responsabilité du commissaire de police. Il y a plusieurs officiers qui sont concernés.
Bérenger : Une année après, peut-on savoir si des personnes ont été interrogées ? Si des dépositions ont été consignées ? Si la police a déjà interrogé un membre de l’Assemblée nationale ?
Ramgoolam : The answer is no. It appears we need more information from Madagascar. Notamment de la BIANCO.
Bérenger : Dans cette affaire, une des plus importantes compagnies maritimes desservant la région est concernée. (Il cite le nom de la compagnie.) Peut-on savoir si tous les documents relatifs ont été saisis et si des dépositions ont été enregistrées auprès des responsables de cette compagnie ? Whether the bill of lading has also been impounded ?
Ramgoolam : Dans l’affirmatif. Des dépositions ont été consignées auprès des responsables de la compagnie.
Bérenger : Mes informations sont que deux compagnies mauriciennes sont également engagées dans les procédures de transbordement. Les responsables de ces sociétés ont-ils été interrogés dans le cadre de cette enquête ?
Ramgoolam : Ce dont nous disposons comme informations, ce sont les noms de l’exportateur, du Booking Agent pour la compagnie, du Forwarding Agent. Ce dernier a déjà été interpellé à Madagascar. Il y a également le Shipping Agent. Des personnes qui avaient effectué des paiements en liquide à la compagnie maritime. À Maurice, il y a le gérant d’une société, l’ex-époux d’une résidente à Maurice et un PDG. Ils ont tous été entendus par la police.
Bérenger : Mais il y a un important homme d’affaires malgache, qui était sous le coup d’une interdiction formelle de quitter Madagascar le 7 juillet de l’année dernière. Mais le 13 juillet à 15 h, il devait parvenir à fausser compagnie aux autorités malgaches pour se retrouver à bord du vol d’Air Mauritius à destination de Maurice. La police est-elle au courant de cette affaire ? Peut-on savoir quels ont été ses contacts à Maurice lors de ce déplacement ?
Ramgoolam : The police have questioned all the people involved.
Bérenger : Peut-on savoir si cet homme d’affaires en fuite a rencontré également un membre de l’Assemblée nationale ?
Ramgoolam : Not that I am aware.
Bérenger : Venons-en au volet de l’enregistrement de la conversation téléphonique compromettant pour un politicien en possession de BIANCO. Le Premier ministre sera d’accord avec moi que sa réponse d’aujourd’hui est moins catégorique que celle qu’il avait communiquée à l’Assemblée la semaine dernière. Sera-t-il d’accord avec moi que c’est la presse qui a fait état de cet enregistrement de conversation téléphonique et non BIANCO ? Est-il au courant que mercredi dernier sur les ondes de Radio Plus, le responsable de BIANCO avait démenti l’information au sujet de l’existence d’un enregistrement ? (Il cite des extraits de la déclaration de BIANCO à ce sujet.) Confirme-t-il que cette affaire d’enregistrement émane de la presse et non de BIANCO ?
Ramgoolam : We have to be very careful. Il y a des gens qui sont impliqués dans cette contrebande de bois de rose. Ils peuvent tenter d’avoir recours à un cover up. We have to be very careful. Mes informations sont que le chef de la gendarmerie de cette région de Madagascar avait fait état d’une liste de noms et de coordonnées téléphoniques. Pour des besoins d’enquête, je ne peux rendre publiques ces informations.
Les bancs du gouvernement, s’appuyant sur la déclaration du chef de BIANCO, soutiennent que l’enregistrement existe au plus haut niveau de cette agence luttant contre la fraude et la corruption.
Bérenger : BIANCO has denied. Dans la lettre transmise par les autorités malgaches, est-il fait mention du nom d’un ministre du gouvernement et de rencontres avec des parties impliquées dans la contrebande ?
Ramgoolam : I’m going to give the letter to the leader of the opposition so that there is no insinuation.
Sur ce, le Premier ministre dépose sur la table de l’Assemblée nationale la copie d’un document ; les bancs du gouvernement s’agitent quelque peu.
Ramgoolam : I’m not saying that the telephone conversation does not exist…
Bérenger : L’ICAC mène-t-elle une enquête dans cette affaire ?
Ramgoolam : Suite à la réception de « new and sensitive information ».
Suite à une interpellation supplémentaire, le Premier ministre ajoute que des enquêtes sont également menées par l’ADSU, l’ICAC, la douane. « It has to be said that ICAC is relying on the information from the police », devait-il ajouter.
Bérenger : un an après, au sujet de cet homme d’affaires malgache, interdit de quitter le territoire malgache, mais qui a malgré tout fait le déplacement à Maurice, peut-on savoir si l’ICAC ou la police ont pu obtenir confirmation de l’identité de ses contacts à Maurice ?
Ramgoolam : Il y a le gérant d’une société, qui est en fait une femme, l’ancien époux d’une résidente à Maurice. Je ne sais pas de qui parle le leader de l’opposition…
Bérenger : Je fais allusion à cet important homme d’affaires…
Bancs du GM : Donn so nom…
Bérenger :… qui s’est rendu à Maurice en juillet de l’année dernière malgré une interdiction de quitter le territoire malgache…
Ramgoolam : Ce sont des insinuations…
Bhagwan : NSS ki zot fer ?
Ramgoolam : Nous avons besoin d’avoir le nom. Le fait qu’il ait pu quitter Madagascar malgré une interdiction formelle contre lui constitue une indication du réseau de protection dont il bénéficie à Madagascar.
Bérenger : Avec les différentes enquêtes en cours, le Premier ministre peut-il prendre l’engagement de tenir la Chambre informée de tout développement dans cette affaire ?
Duval : Donne nom là…
Speaker : Order ! Order ! Order !
Bhagwan : Qui s’excite s’accuse !
Jugnauth : Le Premier ministre peut-il confirmer que le ministre Xavier Duval a tenu les membres du gouvernement au courant de cette affaire lors des différentes réunions ?
Speaker : Les interpellations ayant trait aux affaires du conseil des ministres ne sont pas recevables…
Jugnauth : Je ne fais pas allusion au conseil des ministres mais à des réunions…
Ramgoolam : La réponse est positive (il revient sur les contacts avec la MRA et les membres du gouvernement.)
Duval : To kwar twa sa…
Bhagwan : S’il y avait une interdiction de quitter le territoire malgache et que les compagnies aériennes en avaient été informées, comment cet homme d’affaires a pu s’embarquer sur le vol d’Air Mauritius ?
Ramgoolam : It’s different. Cela démontre son réseau de protection à Madagascar.
Speaker : Puis-je attirer l’attention de l’honorable Jugnauth sur le fait que dans ses explications la semaine dernière, le vice-Premier ministre avait déclaré qu’il avait tenu le gouvernement informé at all times.
Le Speaker rappelle à l’ordre le vice-Premier ministre et ministre des Finances au sujet des cross-talkings. Les députés du MSM Mahen Jhugroo et Pravind Jugnauth voient leurs interpellations jugées irrecevables car elles ne portent pas sur le cas en question.
En fin de partie, le Premier ministre revient avec sa thèse de prudence face à des possibilités de cover up. « There is an enquiry going on. It is a sensitive matter. People in Madagascar are involved and are trying to cover up », ajoute Navin Ramgoolam alors que le leader de l’opposition lui demande également de faire preuve de prudence quant aux informations dans la presse malgache.
Bérenger : Puis-je avoir l’assurance que cette enquête, qui est également menée par l’ICAC, ne subisse pas le même sort que l’affaire MedPoint avec l’enquête traînant en longueur ? Que la lumière soit faite dans les plus brefs délais ?
Ramgoolam : We want the enquiry to go at the bottom of the affair as soon as possible…

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