Au-delà du concept de « nation building » : Le communalisme n’a pas reculé d’un iota

DIPLAL MAROAM

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Il appartiendra finalement à la Cour suprême de se prononcer sur l’obligation ou non d’inscrire la communauté sur le bulletin de candidature dans le cadre des législatives – l’affaire de Rezistans ek Alternativ étant d’ailleurs sub judice – mais toujours est-il qu’une éventuelle élimination du Best Loser System (BLS) ne signifierait, en aucun cas, la fin du communalisme au plan de la politique locale. Quid, en effet, de la méthode employée pour la répartition des candidats dans les circonscriptions, de la composition électorale de circonscriptions qui auraient été intentionnellement découpées, de la constitution du cabinet ministériel, etc ? Il ne faut pas se voiler la face : l’histoire politique de notre pays, elle-même, est intimement liée à la division ethnique de notre société – une pratique favorisée voire même encouragée par les différentes formations, ce à des fins bassement électoralistes.

Ainsi, dans les années 50 et 60, la philosophie qui prévalait mais qui a toujours la vie dure aujourd’hui, était que nul autre qu’un député d’une communauté, quelle qu’elle soit, ne peut mieux sauvegarder les intérêts de cette communauté. Par conséquent, avec l’accession éventuelle de Maurice à l’indépendance, les minorités exigèrent des Britanniques des garanties que leurs droits seraient respectés par la communauté majoritaire. Dans ce contexte, les conférences constitutionnelles à Londres furent, dans une grande mesure, préoccupées par la nécessité d’une représentation adéquate de chaque communauté à l’Assemblée législative. En 1958, le commissaire électoral britannique, Trustram Eve recommanda, dans son rapport, la division du pays en 40 circonscriptions – 20 urbaines et 20 rurales – pour assurer l’élection d’un nombre suffisant de députés – un par circonscription – de toutes les communautés selon leur représentation au niveau national. Le rapport fit aussi provision du pouvoir à être octroyé au Gouverneur de corriger, par des nominations post-électorales, la sous-représentation d’une quelconque communauté.

Cependant, à l’approche de l’indépendance, alors que grandissaient les appréhensions du PMSD par rapport aux droits des minorités face à la communauté majoritaire dans une île Maurice indépendante, la conférence constitutionnelle dépêcha en 1965 un autre commissaire électoral, en la personne de Harold Banwell qui, pour consolider la représentation de toutes les composantes de la société, réduisit le nombre de circonscriptions à 20 mais avec 3 députés chacune, et Rodrigues avec 2 députés. En sus de cela, la nomination de 5 députés correctifs fut recommandée – connus aujourd’hui comme Best Losers – comme une garantie pour les minorités. Mais la section la plus controversée du rapport fut incontestablement celle préconisant l’introduction d’une forme déguisée de représentation proportionnelle – un système correctif variable pour compenser tout parti dont la députation serait inférieure au pourcentage de votes obtenus dans les urnes.

Si cette mesure fut acclamée par les minorités, particulièrement par Gaëtan Duval qui vit là un moyen de faire obstacle à tout changement constitutionnel majeur qui irait à l’encontre des intérêts des minorités, elle fit, par contre, sortir SSR de ses gonds ; ce dernier mena alors une croisade à travers le pays, soulevant des foules contre le rapport. Devant une telle levée de boucliers, un médiateur en la personne de John Stonehouse fut délégué pour étudier le rapport et effectuer les rectifications nécessaires. Finalement, la représentation proportionnelle fut envoyée à la poubelle mais le nombre de députés correctifs passant de 5 à 8, comme c’est le cas de nos jours. Donc, une Assemblée législative à 70 membres au maximum.

Cependant, s’il convient de refuser tout amalgame entre le principe de la représentation nationale que constitue justement le BLS, agissant comme un garant de la stabilité sociale et le communalisme, phénomène véhiculant une connotation forcément péjorative, car impliquant une notion de favoritisme, dans la pratique, toutefois, chez nous, tout est communalisé, ethnicisé. Même, semble-t-il, une législation aussi vitale que le Children’s Bill, ce manifestement pour ne pas se mettre à dos une section de la population par rapport à l’âge légal du mariage.

  Mais dans un sens plus global, au-delà des beaux discours de nos dirigeants sur la nation building, des 10es JIOI, de la visite papale, etc, force est de constater que le communalisme au sein de notre société n’a pas reculé d’un iota durant ce mandat qui s’achève.

                                                                                                                                       

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