Authentiques saveurs… de macarons et de l’édition

Pravina-Nallatamby

Au cœur de la Vienne, bibliophiles, passionnés d’histoire et d’architecture et bons vivants trouveront un vrai bonheur en visitant la ville de Montmorillon. Véritable pépite d’or du Centre-Ouest de la France, cette ville médiévale située à une cinquantaine de kilomètres de Poitiers rayonne aujourd’hui au bord de la Gartempe en région de la Nouvelle-Aquitaine. Telle Alice plongeant au pays des merveilles, on grandit, on grandit. Puis, un profond sentiment d’humilité nous étreint ; subjugué par l’intelligence et l’habileté de l’homme, on s’attache à son authenticité, on s’appuie sur l’histoire pour s’ouvrir à la nouveauté, on s’adapte au progrès. De part et d’autre, tout se conjugue pour nous faire faire un saut dans le temps : le patrimoine religieux médiéval, les documents rares chez des libraires-bouquinistes, les expositions sur l’aventure de la machine à écrire et sur l’histoire du papier sans oublier… le musée du macaron !

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Les macarons Rannou-Métivier : un savoir-faire unique

En nous faisant découvrir l’histoire de ce savoureux biscuit, le musée nous rappelle la renommée internationale du macaron de Montmorillon qui était la première ville citée pour ses macarons dans les bottins commerciaux en 1811. En 1924, l’enseigne Rannou-Métivier fut créée grâce à l’alliance de Fernand Rannou et de Marie Métivier ; celle-ci tenait cet héritage culinaire de sa mère, Marie Bugeaud, excellente pâtissière de la boutique des Sœurs Chartier ayant elles-mêmes commencé la confection des biscuits dès 1862. Le biscuit au goût authentique d’amande fabriqué par un grand nombre de biscuitiers, de confiseurs et de pâtissiers locaux fut largement commercialisé en France. Depuis le XIXe siècle, cinq générations se sont succédé et après la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise s’est développée grâce au gendre de la famille Rannou, Pierre Bertrand ; le fils de ce dernier et sa femme ont modernisé l’entreprise en ajoutant des marrons glacés et des bonbons au chocolat à leur gamme des produits. Venant d’Italie à l’époque de la Renaissance grâce à Catherine de Médicis, la recette d’origine a évolué au fil des siècles. D’après le livre des conserves de Gouffé datant de 1869, on préparait des macarons moelleux avec des amandes douces, du sucre, du sucre vanillé et des blancs d’œufs. On mélangeait des amandes émondées et pilées au sucre en ajoutant des blancs d’œufs par petites quantités avant de les faire cuire en petites boules au four chaud. Depuis peu, à Montmorillon, ce délicieux biscuit composé d’amandes, de blanc d’œuf et de sucre s’est enrichi de saveurs nouvelles, se mariant au citron vert et à un mélange figue-airelles ou poire-caramel : une dégustation sur place offre au visiteur une véritable poésie gourmande en bouche !

Aujourd’hui, Ladurée, Pierre Hermé, Lenôtre et d’autres font agiter les papilles du monde entier avec les « macarons de Paris ». Concoctés au gré de saveurs fruitées et corsées, ces petits biscuits se déclinent pour plaire au plus grand nombre avec une gamme riche et variée. Le macaron de Paris, qui se caractérise par le craquant de sa coque et le cœur moelleux de sa ganache soyeuse et fondante, est une version complètement « revisitée » du macaron de Montmorillon. 

De la saveur gourmande à la saveur du savoir

À Montmorillon, au plaisir du palais s’associe une vive jouissance intellectuelle ! Une fois qu’on a pris le vieux pont traversant la Gartempe, on tombe très vite sous le charme du quartier médiéval de la ville où se trouve la « Cité de l’Écrit et des métiers du livre ». On atteint la ville haute en passant par la Place du Vieux Marché. La petite chapelle Saint-Laurent sépulcrale romane, abritant de magnifiques vitraux nous enchante avec sa belle façade surmontée d’une frise sculptée datant du XIIsiècle. De l’autre côté de la Place du Vieux Marché, on lève les yeux pour admirer le clocher de l’église Notre Dame trônant fièrement dans ce paysage hors du temps. La ville entière nous réjouit : les jolies fleurs blanches et épanouies du magnolia, les merveilles de l’architecture romane, la Gartempe ruisselant sous le pont et… un grand hommage au patrimoine écrit.

En flânant nonchalamment dans cette ville connue dès 1805 pour sa manufacture de papier, on peut suivre un parcours pédagogique pour découvrir une excellente synthèse des métiers du livre ! On y retrouve la fonction des différents outils utilisés pour la calligraphie. On apprend comment se fabriquait le parchemin réalisé à partir de peaux d’animaux. Le rôle des copistes dans la réalisation des incunables est mis en valeur. Une place privilégiée est réservée à l’illustration avec l’enluminure et les différentes techniques de gravure et de lithographie. Un hommage est également rendu aux pionniers de l’édition qui se sont consacrés à l’édition grâce à la baisse du coût de fabrication du livre au XIXe siècle. Une petite anecdote nous raconte que Louis Hachette avait recruté la Comtesse de Ségur pour sa collection de la bibliothèque rose. Un panneau très intéressant permet de comprendre la notion de « bibliophilie », cette passion de livres anciens et/ou modernes, et de voir également l’évolution du métier de libraire qui à l’origine était aussi éditeur et imprimeur.

Une exposition sur le « papier dans sous ses états » nous présente les techniques de fabrication du papier et l’histoire des supports d’écriture. Le papier, qui a détrôné successivement la tablette d’argile et de cire, l’ostracon et l’écorce de bouleau, le papyrus, les feuilles de palmier et le parchemin, semble résister à son concurrent électronique. D’origine végétale, donc naturelle, il a un potentiel que n’offre guère le numérique. L’écriture sur un support tangible crée un lien avec le lecteur, le rapprochant de l’auteur. Une relation intime s’installe entre le lecteur qui va feuilleter le livre, le marquer, le ranger soigneusement sur une étagère ou l’empiler avec d’autres livres à son chevet sans craindre l’émission des ondes magnétiques. Le papier recèle le pouvoir secret de ramener l’âme humaine à quelque chose de plus authentique. L’écrit aura toujours son dernier mot car l’écriture permet de figer les pensées et de graver à jamais la mémoire du savoir, quel qu’en soit le support.

 

Montmorillon nous rappelle cette évidence. Chez un bouquiniste, un document ancien nous interpelle : Spécimen des Purânas, texte, transcription, traduction et commentaire des principaux passages du Brahmâvaevarta purâna ! Cet ouvrage rédigé en 1868 par L. Leupol, élève du célèbre linguiste indianiste, Eugène Burnouf, est un beau témoignage de la pérennité du savoir. Comme le grec et le latin, l’étude du sanscrit avait suscité beaucoup d’intérêt en Occident. Aujourd’hui en France, on propose même l’enseignement de cette langue ancienne dans des cursus universitaires en sciences politiques. Etudier l’histoire des grandes civilisations au travers des outils de communication que sont les langues permet de comprendre l’influence des cultures anciennes sur le monde actuel. Tout ce qui est écrit incite à la réflexion…

À Montmorillon, en un instant fugitif, édition rime avec macaron et sanscrit avec écrit. Lors d’une flânerie estivale, on s’émerveille et on s’instruit avec recueillement. Quel bonheur de déguster un authentique macaron sous un magnolia en fleurs dans la cour de l’église Notre Dame en découvrant l’histoire de Radha, Krishna et Viraja écrite dans une belle poésie en sanscrit !

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