AUTISME : Géraldine Aliphon, « Un handicap qui ne ressemble à aucun autre »

Difficulté de communication, résistance aux changements, comportement répétitif ou inapproprié, évitement du regard. Tels sont quelques-uns des signes manifestes chez ceux qui souffrent d’autisme. Mais, de ceux qui souffrent du symptôme d’asperger et qui s’avèrent être très brillants à ceux qui ne peuvent parler et qui ont un retard mental, les degrés varient grandement. Géraldine Aliphon, cofondatrice et directrice d’Autisme Maurice, seule ONG de l’île à prendre en charge exclusivement des autistes, souligne qu’il s’agit « d’un handicap qui ne ressemble à aucun autre ». Selon elle, beaucoup reste à faire au niveau de la sensibilisation. Elle dit regretter que «  la qualité du service qu’Autisme Maurice pourvoit ne soit pas reconnue à sa juste valeur au niveau des représentants des autorités ».
Cela fait sept ans que l’ONG Autisme Maurice existe. Et, en dépit de nombreux obstacles, elle a su progresser jusqu’à être reconnue par les autorités, les cliniques et les hôpitaux pour son centre de diagnostic CEDAM (Centre Évaluation et Diagnostique pour l’Autisme à Maurice). De dix élèves en 2012 et quatorze en 2014, Autisme Maurice accueille depuis cette année 35 élèves. L’ONG dispose d’une école à Rose-Hill, une autre à Notre-Dame et une autre à Quatre-Bornes. Elle a même mis en place un service d’accueil pour les 13-18 ans. Cette dernière catégorie d’élèves est initiée à l’autonomie. « Nous avons des ateliers qui ont pour but de leur apprendre un métier ». Au vu du nombre de personnes sur la liste d’attente pour un diagnostic, le CEDAM a dû mettre en place une deuxième équipe de diagnostic en vue de ramener le délai d’un an et demi à un an. « Avant, on prenait un cas par semaine et le diagnostic durait deux semaines » fait ressortir Géraldine Aliphon.
Si ceux qui souffrent d’autisme très léger parviennent à intégrer une école dite normale, « ils prennent un peu plus de temps pour apprendre ». Et, d’autres autistes, présentant des cas plus sévères, n’ayant malheureusement pas été bien diagnostiqués, fréquentent des ONG qui ne sont pas spécifiquement dédiées aux autistes. À Autisme Maurice, les classes comprennent cinq à six enfants chacune et deux éducateurs formés. « Notre centre de diagnostic fait aussi le suivi de nos écoles et prépare un calendrier d’activités bien établi avec des travaux en groupe et des travaux en seul à seul ». Selon la directrice de l’ONG, celle-ci reçoit la collaboration d’Autisme Réunion chaque année sous forme de formation à l’intention des parents et des éducateurs.
Le fait de se consacrer uniquement aux autistes contrairement aux autres ONG « qui reçoivent des handicaps associés tels la trisomie, le retard mental », selon Géraldine Aliphon, a permis à l’association de « rester focalisée sur le problème car l’autisme est un handicap qui ne ressemble à aucun autre. Aucun autiste ne se ressemble. Ce sont vraiment des cas individuels et ce handicap demande une connaissance et une patience poussées ».
Si le gouvernement accorde un ‘grant-in aid’ aux écoles enregistrées auprès du ministère comme accueillant des handicapés, la somme, selon notre interlocutrice, « est loin d’être suffisante. C’est vraiment le CSR qui nous aide à subsister ».
S’agissant des formations d’éducateurs travaillant avec des personnes handicapées, Géraldine Aliphon déplore que l’autisme ne soit que partiellement couvert. « Le gouvernement a mis en place, à travers le MIE, un ‘Foundation Course’ pour les éducateurs. Ce cours aborde l’autisme mais n’y est pas consacré. Or, c’est un handicap à part entière. Il aurait fallu un certificat à part entière » plaide-t-elle. Elle cite l’exemple de l’école de gouvernement de Goodlands et celle de La Caverne qui comptent une classe accueillant des autistes. « Mais, cette classe n’accueille pas que des autistes. Les enseignants ont suivi un diplôme en ‘special needs’ et l’autisme a été une matière parmi d’autres. De ce fait, souvent, les parents ont plus tendance à faire confiance à notre association. Certains préfèrent attendre qu’une place se libère chez nous et en attendant, n’envoient pas leur enfant à l’école ». Pour la directrice d’Autisme Maurice, une telle démarche n’est pas l’idéal. « C’est le gouvernement qui aurait dû mettre de telles écoles spécialisées à la disposition des parents ». Dans la foulée, notre interlocutrice déplore « l’attitude condescendante de certains cadres du ministère de l’Éducation envers les ONG. Pour eux, le gouvernement donne déjà un ‘grant-in-aid’ à l’école et on devrait s’en contenter. Ils ne témoignent pas de reconnaissance pour ce que notre ONG abat comme travail. Tant qu’ils peuvent mettre des bâtons dans les roues, ils le font. Certains cadres considèrent toujours les ONG comme des bénévoles qui font un petit boulot au petit bonheur. Or, tous nos cadres sont diplômés. Certains ont même un doctorat. La qualité du service n’est pas reconnue à sa juste valeur. Même quand on essaie de rencontrer les ministres de tutelle, ces cadres nous mettent les bâtons dans les roues » soutient-elle.
Géraldine Aliphon estime que « des lois auraient dû être votées pour que la prise en charge de l’autisme soit plus poussée. Là aussi, cela ne devrait pas être juste sur papier. Il faut des ressources humaines ».
En revanche, Autisme Maurice accueille favorablement la signature récente d’un MoU entre Autisme Maurice, Autisme Réunion et Alefpa France. « Cela nous apportera plus de formations que ce soit aux parents, aux écoles spécialisées, aux autorités qui traitent des divers handicaps. On devrait aussi avoir une conférence interrégionale avec les Iles de l’Océan Indien, ce qui devrait mettre en lumière l’autisme. On attend beaucoup de ce MoU. La Réunion a une expertise dans le domaine depuis 25 ans. On a tout à apprendre d’eux. La ministre de tutelle a aussi parlé d’une rencontre interministérielle avec les ministres de l’Éducation, des Finances, de la Sécurité sociale, du Sport, des Droits des Enfants et de la Santé pour rattraper les failles qu’il y a jusqu’à présent ».

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