BAI : Ramgoolam en cellule

L’intox du 5 mai sur le Super Deal à Rs 105 millions du Bramer Property Fund à l’ex-Chief Executive Officer de la State Investment Corporation (SIC) Iqbal Mallam-Hasham a débouché sur une nouvelle arrestation et inculpation. Et pas n’importe laquelle après celles du même Iqbal Mallam-Hasham et de Jaya Allock, President and Chief Executive Officer de la Bramer Asset Management. L’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, dont la signature figure sur une autorisation officielle sous la Non-Citizen (Property Restriction) Act en date du 26 février 2014, a en effet passé une nouvelle nuit en cellule policière au centre de détention de Moka. Au terme d’une longue journée d’interrogatoire, axé principalement sur la BAI Mega-Financial Scam dans les locaux du CCID, il a été inculpé sous trois charges, à savoir de “conspiracy to defraud the company” sous le code pénal, de “money laundering” et de “forgery” (“faux et usage de faux”) sur des documents officiels. Ses conseils légaux, dont Mes Gavin Glover et Showkut Oozeer, comptent saisir aujourd’hui la Bail and Remand Court avec une Bail Motion en sa faveur vu qu’il se trouve déjà sous le contrôle du judiciaire avec, en prime, une “objection to departure”. Sur le front social, avec l’écroulement de l’empire de Dawood Rawat, de graves appréhensions sont notées, avec de premiers licenciements annoncés à la GRNW Boat Yard Ltd du groupe BAI et la General Workers Federation dénonçant le non-respect des dispositions de la loi pour des licenciements économiques. De leur côté, les employés d’Iframac, d’Apollo-Bramwell et de Courts, soit au moins 1 500 personnes, encadrés par la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), se mobilisent face à la menace de licenciement qui se précise de jour en jour.
Même si, depuis le vendredi 6 février, Navin Ramgoolam avait pris l’habitude de se soumettre à des séances d’interrogatoire au QG du Central CID, la séance d’hier a été des plus éprouvantes. D’ailleurs, son visage, alors qu’il était embarqué pour sa nouvelle nuit en cellule au Moka Detention Centre sur le coup des 20 heures, trahissait la dure épreuve qu’il a dû subir depuis tôt le matin. Contrairement aux précédents exercices, il n’a d’ailleurs aussi pas été en mesure d’interrompre l’interrogatoire pour aller déjeuner à l’extérieur. Il a été maintenu dans l’Interrogation Room de 11 h 20 jusqu’à 20 h avec des breaks.
Ensuite, le sujet de l’interrogatoire a constitué quelque peu une surprise. D’ailleurs, Me Yousouf Mohamed, Senior Counsel, a apporté une précision de taille en début d’après-midi à ce sujet. À la question à savoir dans quelle affaire l’ancien Premier ministre était interrogé, soit celle du blanchiment d’argent soit dans celle de Roches-Noires, l’homme de loi a répondu sèchement : « Sa inn fini. Sa osi inn fini. Pe interrogé dans cadre Bramer. » En effet, suite à la découverte du Super Deal, dont a bénéficié Iqbal Mallma-Hasham avec l’acquisition de deux paliers de la Bramer House pour un montant de Rs 105 millions en mars 2014 et les dépositions consignées par des officiels de la Financial Services Commission (FSC) et des Special Administrators de la BAI Co (Mtius) Ltd, le Central CID a déterré une bonne trentaine de cas similaires de vente de floors, non seulement de la Bramer House à l’Ébène Cyber Village mais également au sein d’immeuble de la BAI, rue Pope Hennessy, à Port-Louis.
La décision de procéder à la vente des propriétés immobilières faisant partie du Bramer Property Fund fait suite à une injonction de la FSC en date du 8 janvier 2014 interdisant ce fonds de recruter de nouveaux clients ou encore de s’engager dans de nouvelles transactions financières avec des clients. La Bramer Asset Management Ltd a été sommée de préparer un Phasing Out Plan en raison d’un trou dans le montant varierait de Rs 2,1 milliards à Rs 2,4 milliards. Ces unaccounted funds ont atteint Rs 3,3 milliards au 31 mars dernier.
L’implication de Navin Ramgoolam dans les affaires de la BAI se signale au niveau des autorisations de vente des propriétés immobilières du Bramer Property Fund sous la Non-Citizen (Property Restriction) Act. Compte tenu que le Bramer Property Fund comprend des investisseurs étrangers, le feu vert du Prime Minister’s Office, et surtout du Premier ministre, s’imposent. Le Central CID soupçonne l’ancien Premier ministre d’être de connivence avec le Chairman Emeritus Dawood Rawat dans cette opération de dilapidation des avoirs appartenant aux souscripteurs du Bramer Property Fund.
Des indications sont qu’un court laps de temps, Navin Ramgoolam aurait apposé, sans broncher et sans se poser des questions, sa signature au bas d’une trentaine de correspondances pour la vente des avoirs de cette société d’investissement du groupe BAI, comme il l’avait fait le 26 février 2014, sans réclamer des précisions sur la société Ottoman Capital avec le Byzanatium Trust agissant en tant que paravent d’Iqbal Mallam-Hasham. Dans certains milieux, on avance que la fréquence de ces demandes d’autorisation du Bramer Property Fund aurait dû « ring an alarm bell that some fishy business is going on ».
A chacune des questions sur ces autorisations de l’escouade du Central CID, menée par le surintendant de police Mannaram et l’assistant surintendant de police Rugbur – sous la supervision de l’assistant commissaire de police Heman Jangi –, Navin Ramgoolam a invariablement inscrit « no reply » en tant que réponse. Les fonds recueillis de ces ventes immobilières ont servi pour le financement des related companies en difficultés, dont l’hôpital Apollo Bramwell et Iframac, des transferts à l’étranger ainsi que pour occulter l’éclatement du Ponzi Scheme depuis un an déjà. Le Central CID tente de lier ces transactions aux Rs 224 millions et Rs 110 millions, montants qui ont été trouvés en possession de l’ancien Premier ministre, sans oublier le compte conjoint du Labour Party et le contenu de deux Bank Vaults.
Avant d’être dirigé vers le Moka Detention Centre, où le gendre de Dawood Rawat, Claudio Fiestritzer, l’avait précédé trois bonnes heures auparavant, Navin Ramgoolam a partagé un take-away de briani de poulet et une chopine de Coca-Cola avec les membres du CID. L’époux d’Adeela Rawat, qui a passé sa deuxième nuit en cellule, a, lui, été reconduit en détention provisoire. Il compte sur son homme de loi, Me Glover, pour le tirer d’affaire avec une motion devant la Bail and Remand Court ce matin pour sa remise en liberté provisoire.
Hier soir, très peu d’informations étaient disponibles au sujet d’un éventuel come-back de Jaya Allock pour une nouvelle séance de question sur les ventes immobilières. Jaya Allock précise, par le truchement d’un document rédigé par son avoué Komadhi Mardemootoo, et adressé au Mauricien, qu’elle est « the president and Chief Executive Officer de la Bramer Asset Management Ltd, a position she occupied until 12 May 2015 ». De ce fait, elle n’est pas la CEO du Bramer Property Fund. Elle ajoute également que « at no pointbin time did the police confront her with any FS directive ad that she does not own a block of luxury apartments on a prime site location in Flic-en-Flac ».
Toutefois, indépendamment des retombées des enquêtes du Central CID, l’inquiétude grandit de manière démesurée au sein du personnel des différentes entités du groupe BAI, que ce soit pour les salaires du mois de mai ou encore pour la sécurité d’emploi. Les employés de GRNW Boat Yard Ltd sont déjà en présence de lettres de licenciement signées des Special Administrators Mushtaq Oosman et Yogesh Basgeet. « We have decided to cease the operation of the company and have no alternative but to terminate your employment with the company with immediate effect. Your salary for the month of May to this date of this letter will be paid as soon as we have adequate funds », écrivent-ils aux employés de ce chantier naval.
Toutefois, des syndicalistes de la General Workers Federation (GWF), dont Ashok Subron, sont montés au créneau pour dénoncer le non-respect de la loi dans des cas de licenciements économiques. Dans ce contexte, l’Employment Rights Act impose un préavis de 30 jours et des négociations avec le syndicat des salariés. Le ministre du Travail et des Relations industrielles, Soodesh Cailluchurn, alerté par la GWF à ce sujet, a fixé une rencontre lundi matin pour passer en revue la situation. « GWF reklam ki gouvernman trouv enn solisyon politik a enn sityasyon inedi an term legal ek relasyon indistriyel », souligne Ashok Subron.
De leur côté, les quelque 1 500 employés de la clinique Apollo Bramwell, de Courts et d’Iframac comptent se mobiliser pour faire face à la menace de licenciements. Toute une série de réunions animées par Reeaz Chuttoo et Jane Ragoo, de la Conféderation des Travailleurs du Secteur Privé (CTSP) est prévue ce week-end pour sensibiliser l’opinion publique et demander aux autorités d’intervenir. « Le gouvernement est intervenu dans les cas de la Bramer Bank et de BAI Co (Mtius). Mais il y a encore d’autres employés qui font face à de graves menaces avec l’affaire BAI. Apollo Bramwell a des dettes envers le CEB et ses fournisseurs. Les banques refusent de financer les opérations de Courts alors qu’en ce mois de mai, avec la fête des Mères, le business aurait dû être florissant. Une décision politique s’impose. Nous comptons soumettre deux propositions, notamment un “fast track committee” pour la reprise de Courts par un autre groupe et le rachat de la clinique Apollo Bramwell par le gouvernement, l’évitant ainsi d’investir dans la construction d’hôpitaux », déclare Reeaz Chuttoo en prévision des réunions de ce week-end.

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