Blanchiment : Le Finance Bill en avant pour conjurer l’ESAAMLG

  • En sus des amendements post-budgétaires en voie de validation, deux documents du gouvernement dressent un état des lieux face aux 18 manquements majeurs dans la lutte contre le Money Laundering
  • Le secteur de l’immobilier haut de gamme (Real Estate Sector avec la somme de Rs 1 milliard de Sobrinho en arrière-plan) et l’Offshore identifiés comme étant les plus vulnérables

En marge de la prochaine réunion ministérielle de l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) en septembre prochain aux Seychelles, Maurice a engagé une offensive d’explications sur les manquements majeurs identifiés dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Alors que le ministre des Services financiers, Sudhir Sesungkur, a objecté par voie de lettre en date du 25 juin à la publication du Mutual Evaluation Report d’ESAAMLG, l’hôtel du gouvernement, probablement sous la pression suscitée depuis le 4 juillet, avec les premiers détails publiés dans la presse à Maurice (Le Mauricien du 4 juillet) et la presse africaine, a pris les devants en dressant les 18 points évoqués dans le rapport en litige et en apportant une série d’explications avec la mise en circulation de deux documents en ce début de semaine. L’essentiel de la stratégie adoptée est de souligner que des remèdes aux lacunes devront faire partie du Finance Bill, notamment avec des amendements à la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA) et à la Bank of Mauritius Act. Les dispositions du Finance Bill sont actuellement en voie de validation à l’hôtel du gouvernement, confirmant la thèse pré-budgétaire que le Global Business Sector allait être le plat de résistance du Budget 2018/19.
Dans le document intitulé ESAAMLG Mutual Evaluation Report 2018, l’hôtel du gouvernement, probablement le ministère des Finances en collaboration avec celui des Services financiers, tente de répondre aux critiques et dénonciations de l’équipe d’ESAAMLG Assessors, qui avait visité Maurice en juin 2017. La principale insuffisance notée est que même si Maurice a été parmi l’un des premiers pays à avoir développé et adopté une Anti-Money Laundering and Combating of Terrorism Financing Regime, le pays accuse d’importants retards pour s’adapter au nouvel environnement, notamment que « the regime has not kept pace with the evolving global AML/CFT environment and therefore it has several weaknesses that negatively affect its effectiveness ».
À ce premier Key Finding, Maurice répond catégoriquement que « this is not correct » et cite une série de textes de loi et de règlements allant des “Amendments of Guidelines by the Financial Services Commission and Bank of Mauritius” à l’adoption de la Good Governance and Integrity Reporting Act de 2015 en passant par la mise sur pied de la Counter Terrorism Unit au Prime Minster’s Office en 2009.
L’absence d’un exercice de National Risk Assessment (NRA) pour une meilleure évaluation des risques de “Money Laundering” et de financement du terrorisme dans le pays est mise en exergue. Le Mutual Evaluation Report note que cet exercice, initié en 2017, est toujours en cours d’exécution et souligne les risques grandissants de blanchiment de fonds que représentent le secteur de l’immobilier haut de gamme et le Global Business Sector. Dans les milieux avisés, l’on s’appesantit sur le fait que lors des échanges avec la partie mauricienne l’année dernière, la mission de l’ESAAMLG était intéressée à aller au fond des choses avec la présence d’Alvaro Sobrinho dans ces deux derniers secteurs, avec notamment les séquelles du Planet Earth Institute/State House Saga.
« The majority of the agencies identified drug trafficking as a major proceeds generating crime. In addition, Mauritian authorities identified the real estate sector and the global business sector as vulnerable to abuse for Money Laundering/Terrorism Financing purposes », concède le Mutual Evaluation Report. Pour contrer cette lacune, Maurice, qui affirme s’être engagée dans un processus de consultations avec les “stakeholders” sur une base volontaire, compte passer à une étape supérieure avec de nouvelles obligations dans la Financial and Intelligence and Anti-Money Laundering Act en vue de « make it compulsory to ensure full participation for both public and private sectors in assessing the risks of money laundering ».
Le Mutual Evaluation Report souligne une méconnaissance des risques de blanchiment et de financement du terrorisme dans la majorité des Designated Non-Financial Businesses and Professions (DNFBP) à l’exception de la situation prévalant au sein des Management Companies. Pour atténuer les critiques du secrétariat de l’ESAAMLG, Maurice prévoit de lancer une campagne d’édition et de sensibilisation une fois que l’étape d’évaluation des risques sera bouclée.
Le Mutual Evaluation Report révèle que les Ong représentent un talon d’Achille dans la lutte contre le blanchiment de fonds. À ce stade, faute du rapport complet, qui devrait tenir sur plus de 300 pages, il serait prématuré d’avancer que les assesseurs de la région d’Afrique subsaharienne auraient pris pour exemple les opérations philanthropiques du Planet Earth Institue pour tirer cette sonnette d’alarme.
La riposte du gouvernement pour fermer la porte des Ong aux blanchisseurs de fonds revêtus du complet de philanthropie devra se faire à deux niveaux. Une évaluation de la condition imposée est en cours à l’effet que chaque Ong doit s’assurer des services d’un Compliance Officer avec l’adoption prochaine d’un nouveau Registration of Association Bill. Dans le court terme, le gouvernement envisagera dans le cadre du Finance Bill l’exigence que les Ongs doivent « keep records of sources and destination of funds received in respect of an amount to be prescribed ».
Les Compliance Responsibilities des institutions financières au titre des AML/CFT Obligations sont systématiquement passées aux Management Companies avec le rapport de l’ESAAMLG, faisant état de concentration de risques mais surtout « apart from potential conflict of interests, the number of clients against the resources of the MCs is also a matter of concern ». En vue de remédier à cette situation, le gouvernement brandit le paragraphe 55 du discours du budget, où mention est faite d’Enhanced Substance Conditions pour les Global Business Companies ou encore l’amélioration de l’Oversight des Management Companies.
Les autres critiques et manquements du Mutual Evaluation Report d’ESAAMLG portent sur la soumission des Suspicious Transactions Reports avec les membres de la profession légale, les comptables soutenant que cette responsabilité relève des banques tout en ajoutant que « they are bound by legal professional privilege and client confidentiality ».
Les Supervisory Authorities, notamment la Banque de Maurice et la Financial Services Commission, disposent des facilités de « robust systems to assess ML/TF risks in individual FIs and across sectors which would inform an integrated and comprehensive risk-based supervision consistent with the dynamics of the global business sector », la quasi-absence de la Financial Services Commission sur le terrain des On-Site Inspections, dont le niveau est considéré comme étant « too low relative to the size of the global business sector and its perceived/related risks ». Dans cette perspective, la Financial Services Commission sera appelée à renforcer sa capacité de supervision avec le recrutement de nouveaux professionnels; les sanctions contre les violations en matière de lutte contre des délits de blanchiment et de financement du terrorisme ne sont nullement “commensurate” avec la nature et la fréquence de ces délits; et les Guidance Notes de la Banque de Maurice au chapitre des CDD Requirements pour les Politically Exposed Persons (PEP) devront être renforcées pour rendre plus efficace le cadre de lutte contre le Money Laundering.
Le nombre d’enquêtes diligentées par l’Independent Commission Against Corruption et le procès instruit dans des cas de Money Laundering représentent une préoccupation pour le secrétariat d’ESAAMLG. « Although there is relatively a good number of investigations being carried out by the Independent Commission against Corruption (ICAC) on corruption related ML, the number of cases taken to court and conviction secured are relatively low. Also, of concern is the limitation of ICAC’s powers to effect arrests », note le document du gouvernement sans mentionner, entre autres, le dossier de Me Rex Stephen dans l’affaire des Rs 1,5 million de Presumed Legal Fees versés par le trafiquant Peroumal Veeren avec le commissaire de police Karl Mario Nobin, évitant de donner son feu vert même si l’enquête a démarré il y a 14 mois et que les conclusions font déjà l’objet de rapport depuis plus de deux mois. La remarque de l’hôtel du gouvernement est que « this is a ridiculous conclusion. ICAC can through the police make arrests that are warranted ».

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