Borrowed Time pour l’Offshore

Le Global Business Sector fait l’objet d’attaques quasi simultanées venant de sources différentes au point où des opérateurs n’hésitent pas de laisser comprendre que “this economic pillar is living on borrowed time.” Toutefois, dans une tentative de sauver les meubles dans le secteur des services, contribuant environ 12% au Produit Intérieur Brut (PIB), représentant 5% des recettes fiscales du gouvernement et générant quelque 13 000 emplois, avec une croissance robuste de 5,7% en 2017, chiffres puisés du rapport de Lord Desai sur le projet de FinTech, l’Hôtel du gouvernement multiplie les initiatives politiques et diplomatiques auprès des autorités indiennes pour conjurer les effets catastrophiques de l’inclusion de Maurice dans la liste des High Risks Jurisdictions.

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D’autre part, sur le plan régional,  notamment avec le litige autour du Mutual Evaluation Report d’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) sur les Anti-Money Laundering and Terrorism Financing Standards, Maurice a bénéficié de ses pairs de la région sub-saharienne d’un sursis expirant avec la tenue de la prochaine réunion du Conseil des ministres aux Seychelles pour repousser de manière irrémédiable la menace d’un Downgrading, qui pourrait porter atteinte à la réputation du pays en tant que place financière sur le plan international. Mais du coté de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), le calendrier des réformes arrêtées sous l’Inclusive Framework on BEPS Roadmap reste implacable avec l’échéance du 31 décembre pour l’élimination des Harmful Tax Practices dans l’Offshore. Dans l’immédiat, la présentation du Finance Bill, avec le gros morceau ayant trait à des amendements au Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA) pourrait se transformer en une plate-forme pour tenter d’atténuer les appréhensions, qui se font du plus en bruyantes ces jours-ci.

À peine l’Hôtel du gouvernement avait-il pris la mesure des retombées de ses démêlés avec l’ESAAMLG, dans le sillage du Mutual Evaluation Report contesté par Port-Louis, qu’un autre grave problème est venu se greffer à l’instalbilité affectant le Global Business Sector.

High Risk

Ainsi, un consortium de banques internationales, agissant en tant que Custodians, a pris la décision d’inclure Maurice dans la liste des High Risk Jurisdictions à être soumise au Securities and Exchange Board of India (SEBI). La présence de Maurice dans cette liste de 25 pays est considérée comme étant extrêmement nuisible pour l’avenir du secteur financier et surtout les investissements en Inde, transitant par Maurice.

Présentant cette annonce, en attendant la décision officielle du SEBI, les opérateurs dans l’offshore et la presse indienne, dont l’Economic Times of India, notent que “the classification assumes significance following a new SEBI regulation in April. According to the new rule, NRI’s and PIO’s cannot be ‘beneficial owners’ (BO) of FPIs (foreign portfolio investors). BO would mean 25% ownership in a company or 15% in a trust or partnership — depending on how an FPI is structured abroad. The entry barrier is stiffer as the threshold for establishing NRI control or dominance in the fund pool would be at a lower and therefore more stringent level of 10% if the FPI is based in a high-risk jurisdiction.” Ainsi, en dressant un constat des risques du phénomène de délocalisation dans l’Offshore, Global Finance Mauritius devait écrire officiellement au ministre des Services financiers et de la Bonne Gouvernance, Sudhir Sesungkur, pour solliciter une intervention auprès de New-Delhi, épargnant Maurice la cohabitation avec des juridictions comme les îles Cook, Guernsey ou même les Iles Vierges Britanniques.

Dès la fin de la semaine, l’Hôtel du gouvernement a adressé une Note Verbale à la haute commission indienne pour faire état de ses concerns à ce chapitre avec le représentant de la Financial Services Commission à Mumbai, P. P. Kuriachen, ancien Acting Chief Executive de la même FSC, engageant en parallèle un exercice de Lobbying pour faire enlever Maurice de cette liste à hauts risques. C’est ce que rapportait, hier matin, l’Economic Times of India, qui a ajouté que le choix final de ces High-Risk Jurisdictions, proposées par des banques internationales, relèvera de la responsabilité du SEBI et de nulle autre instance.

“Unfortunately, there is no indication on the basis that has been used to include a country in the high risk category. The government of the Republic of Mauritius is deeply concerned by this situation and is of the view that the list stems from a misunderstanding of our financial services sector and has been based on incomplete information about our jurisdiction”, soutient l’Hôtel du gouvernement dans la lettre. Plus loin, le quotidien indien ajoute que le gouvernement s’appesantit sur le fait que “this is regrettable in view of the significant and consistent efforts Mauritius has been making over time to safeguard the credibility of its jurisdiction — efforts which have been recognised by international standard setters such as the OECD (Organisation for Economic Cooperation) and IMF (International Monetary Fund).”

Maurice a également signifié son intention de porter ce problème de High-Risk Jurisdictions au plus haut niveau politique en Inde, soit avec le Premer ministre Narendra Modi. Entre-temps, le représentant de la FSC en Inde poursuit la campagne d’explications en faisant état de l’engagement de Maurice dans le lutte contre le blanchiment de fonds et du financement du terrorisme. “Mauritius has over the years continuously and will continue, whenever required, to revisit its legislative and institutional framework with a view to reinforcing financial supervision, enhancing transparency and strengthening the regimes to fight tax evasion, terrorist financing, money laundering, corruption and other financial crimes”, affirme P. K. Kuriachen.

Track Record

D’aucuns affirment que compte tenu des relations diplomatiques et politiques entre Port-Louis et New-Delhi, la liste officielle du SEBI pourrait ne pas inclure Maurice dans les 25, un peu à la manière de l’exclusion de Hong Kong, de la Suisse, du Luxembourg et de Singapour. “Nous continuerons à faire prévaloir aux autorités indiennes, notre Track Record dans la lutte contre le blanchiment. Nous ne comptons nullement baisser les bras tant que le nom de Maurice ne sera pas exclu de cette liste”, fait-on comprendre à Port-Louis, conscient des appréhensions des opérateurs exprimant le souhait d’une “immediate action from the government to avoid investors redomiciling elsewhere and for the betterment of the industry.”

Par ailleurs, la mauvaise note attribuée à Maurice lors du Mutual Evaluation Report d’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) ne constitue nullement une surprise. Du moins pour l’Hôtel du gouvernement. Car dès avril dernier, une importante mission – comprenant des représentants de l’Attorney General’s Office, du ministère des Services financiers, de la Financial Services Commission, de la Financial Intelligence Unit, de la Banque de Maurice et de l’Office of the Director of Public Prosecutions – avait été “fully briefed” des conclusions préjudiciables à Maurice dans cet exercice d’évaluation du niveau de Compliance aux normes de la Financial Action Task Force (FATF). Des sources dignes de foi avancent que la présentation de ce rapport était accompagnée d’une menace de sanction sous forme de Downgrade à peine voilée. La partie mauricienne devait formellement objecter à cette démarche.

Néanmoins, la lettre du ministre Sesungkur du 25 juin au président du Conseil des ministres d’ESAAMLG, Philip Mpango, objectant formellement à “certaines conclusions du rapport initial, en raison, d’une part, de graves problèmes d’inconsistance et de qualité au niveau du rapport et, d’autre part, des violations flagrantes des procédures d’évaluations mutuelles d’ESAAMLG”, devait donner une tournure publique au cas de Maurice. Les autorités zambiennes devaient révéler que Maurice avait objecté à la publication du Mutual Evaluation Report avec la presse en Afrique subsaharienne en faisant écho.

Officiellement, le problème porte sur l’interprétation des statistiques fournies par les institutions engagées dans la lutte contre le blanchiment de fonds à Maurice. Tout en qualifiant le rapport de préliminaire, le ministère des Services financiers révèle que cette correspondance comprend “deux annexes expliquant le questionnement de Maurice par rapport à la qualité du rapport, et pourquoi, d’après le ministère, les assesseurs d’ESAAMLG semblent ne pas avoir appliqué les méthodes et normes d’évaluation du FATF et les procédures d’évaluations mutuelles d’ESAAMLG.” Dans la conjoncture, la seule garantie, dans une correspondance officielle du 30 ,juin, est que le Conseil des ministres de cette organisation régionale, qui se réunira aux Seychelles en septembre prochain, discutera du cas de Maurice.

Flouted

“Maurice objecte aux conclusions du rapport d’ESAAMLG et aux procédures adoptées pour cet exercice d’évaluation. J’ai écrit à tous les ministres siégeant sur cette instance pour leur faire part de nos observations et j’ai même pris contact personnellement avec mes homologues en Zambie et à Madagascar. À la réunion des Seychelles, nous allons défendre notre position car c’est un rapport préliminaire avec des procédures qui ont été flouted et il ne peut être question de Ranking”, a déclaré le ministre Sesungkur à Week-End, hier.

Des recoupements d’informations auprès des sources “conversant” et qui ont participé aux séances de travail de la mission de l’ESAAMLG se déroulant du 5 au 16 juin 2017, avec pour objectif principal de “assess how well Mauritius has implemented the FATF Recommendations, and how effective its measures are in reaching its ultimate goal of detecting, preventing and punishing abuse of the financial system”, indiquent que la Planet Earth Institute/State House Saga, dont le cas d’Alvaro Sobrinho et l’Investment Banking Licence, avait préoccupé “the team of assessors from regulators and supervisors in the region.”

Tout en identifiant les “areas of risks for money laundering in our jurisdiction”, la mission d’ESAAMLG, lors des séances de travail avec la Banque de Maurice, avait abordé “extensively” la controverse de l’octroi de l’Investment Banking Licence au groupe Alvaro Sobrinho. La nouvelle composition de la direction de la Banque de Maurice avec le remplacement de Ramesh Basant Roi par Yandranah Googoolye et également les nominations au sein du conseil d’administration de la Financial Services Commission sont diversement interprétées au sein de la mission d’ESAAMLG. Force est de constater que l’Angola Connection, avec la Quantum Global Saga de Jean-Claude Bastos de Morais, a éclaté au grand jour avec force détails qu’à la conclusion de l’exercice d’ESAAMLG.

“Les frasques du clan Sobrinho et les séquelles de la présence du Quantum Global Group à Maurice continuent à hanter le Global Business Sector et la FSC doit se rendre à l’évidence que le plus tôt qu’elle décidera en tant que régulatrice des services financiers de trancher le nœud gordien de ces affaires, le mieux ce sera pour la réputation de Maurice sur le plan international. En marge de la réunion de septembre prochain aux Seychelles, Maurice doit marquer le coup, avec des décisions dans les affaires Sobrinho et Bastos, mais elle doit aussi revoir sa position par rapport à l’autorisation de Paper Money, facilitant l’évasion fiscale à grande échelle, avec des pays africains essuyant d’importants manques à gagner à ce titre. Ce sont autant de facteurs qui portent préjudice à notre réputation”, soulignent des spécialistes du Global Business.

Dans ce même contexte, un troisième front, qui s’annonce aussi intraitable, se présente sous la forme de l’Inclusive Framework on BEPS Roadmap, élaborée avec l’assistance technique du secrétariat de l’OCDE en début d’année. La principale attribution est que “the aim of this roadmap is to outline the steps that Mauritius needs to take to implement the BEPS measures, notably the measures required to implement the four BEPS minimum standards, along with the agreed timelines to complete these tasks.” Un calendrier de travail extrêmement serré a été arrêté, dont un délai maximal au 31 décembre prochain au titre du Forum on Harmful Tax Practices pour “the completion of the required legislative changes to amend the regimes which have been determined to be potentially harmful.”

Numéro
d’équilibriste

Ainsi, l’élimination annoncée de la Category 2 Global Business Licence (GBC 2), la réforme de la Category I Global Business Licence et la révision du cadre du port franc, identifié dans le cadre de ces consultations avec l’OCDE, devront constituer l’ossature du Finance Bill, actuellement en voie de validation à l’Hôtel du gouvernement. “Avec les amendements envisagés, le gouvernement tente d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Il veut se mettre en conformité aux exigences de l’OCDE tout en rassurant les opérateurs à Maurice. Un véritable numéro d’équilibriste. Or, les premières indications sont que les
GBC 2 dans le secteur financier seront remplacées par un autre véhicule, où il sera question de Substantial Economic Activity à être déterminée par le régulateur du secteur des services financiers. Cette formule sera-t-elle au goût de l’OCDE et de l’Union Européenne? C’est la question que nous nous posons même si nous reconnaissons que le Global Business Sector est dans une situation des plus fragiles”, fait-on comprendre tout en préférant prendre connaissance des propositions d’amendements en discussions en prélude à l’adoption du Finance Bill.

Même avec les changements annoncés dans la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act, Maurice n’est pas encore sortie de l’auberge et doit honorer d’autres engagements avec l’OCDE, notamment au chapitre du Preventing Treaty Abuse. Dans cette perspective, le Peer Review Process est déjà engagé avec un rapport soumis en janvier prochain. À la signature du Multilateral Instrument (MLI), 23 des 42 Double Taxation Avoidance Treaties (DTATs) auxquels a souscrit Maurice seront couverts par ces dispositions. Pour le reste, des négociations bilatérales sont à l’ordre du jour.

La plus grosse difficulté demeure que le traité indo-mauricien, dont la Grandfathering Period arrivera à échéance en avril 2019, ne fait pas partie de la liste des 23. Port-Louis et New-Delhi ne sont pas sur la même longueur d’ondes sur le plan du MLI. Des négociations doivent être initiées car “for the remaining DTATs not covered by the MLI, Mauritius will have to discuss bilaterally with the respective treaty partners in order to implement Action 6 minimum standard (preventing treaty abuse) as well as those elements of Action 14 minimum standard (making dispute resolution more effective) that may require changes in the Double Taxation Avoidance Treaty for their implementation.”

Comme quoi  2019 ne sera pas une année de tout repos pour le Global Business Sector, déjà ébranlé de tous côtés.

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